Interview de Olivier Mitterrand : PDG du groupe Les Nouveaux Constructeurs

Olivier Mitterrand

PDG du groupe Les Nouveaux Constructeurs

En France, nous prévoyons un redémarrage du marché immobilier en 2011

Publié le 31 Juillet 2009

Un commentaire sur le chiffre d’affaires que vous venez de publier ?
Les résultats sont bons, dans la mesure où nous avons eu un premier semestre dynamique au plan des ventes. Ces résultats traduisent d’abord le poids plus important de l’activité en France, au sein de notre activité européenne, sachant que l’Allemagne s’est maintenue alors que l’Espagne régresse compte-tenu des difficultés du marché. Nous recueillons donc le fruit des différentes actions entreprises dès début 2008 pour recentrer la société et affronter une période plus difficile.

Pourriez-vous revenir sur ces actions stratégiques menées depuis le printemps 2008 ?
En France, nos actions stratégiques consistaient essentiellement en deux types de décision :
-tout d’abord, réduire le portefeuille financier en amont et ne pas engager des affaires sur des terrains qui ne correspondaient plus au marché tel qu’il a évolué. Pour exemple, il y a eu moins de programmes en deuxième ou troisième achat, et plus de programmes en primo accession. Il s’agit-là d’un redéploiement du portefeuille foncier qui a abouti à une diminution conséquente en 2008 et qui nécessite actuellement un réengagement d’affaires nouvelles pour reconstituer le portefeuille foncier.
-nous avons par ailleurs consenti un gros effort commercial tant en  vente au détail qu’en vente en blocs qui s’est ralentie puisque nous avons moins de produits à vendre. Ces efforts ont d’ailleurs permis de réaliser un certain nombre de ventes, notamment aux bailleurs sociaux mais également à des investisseurs institutionnels en secteur libre. Au total, nous avons donc fait un très gros effort en matière commerciale axé aussi sur les probabilités de stocks durs qui ne se sont pas concrétisés et que nous avons essayé d’anticiper pour ne pas avoir de programmes qui soient livrés non vendus. En France, nous maintenons ainsi les 4 implantations historiques de LNC.

En Espagne, il y a eu un gel total des acquisitions foncières depuis deux ans, écoulement maximum du stock, y compris en location-vente puisque c’est une formule qui existe en Espagne et que nous n’utilisons pas en France, car le marché ne le justifierait pas, mais qui, dans une période d’incertitudes, rassure les acquéreurs qui ont deux ou trois ans devant eux pour se décider à acheter ; et y compris en échange de dettes contre des «dations» (en espagnol), des dations de terrains ou d’appartements terminés contre les dettes bancaires. En pratique, nous l’avons réussi au premier semestre avec un préteur qui était très important, pour un endettement de 30 millions d’euros. Ceci correspond à l’allègement du fonds de roulement de LNC en Espagne.

En parallèle, en France, mais avec un plus fort degré en Espagne, nous avons réalisés des  réductions des charges opérationnelles pour les adapter à un volume d’activité moindre. En Allemagne en revanche, le marché est assez étale. Le marché connait la crise économique et financière comme les autres pays, cela étant la crainte de l’inflation est telle en Allemagne qu’il y a eu un regain d’activité, malgré le ralentissement économique, pour l’investissement immobilier comme valeur refuge contre une inflation probable, du moins dans l’esprit des ménages allemands. Donc le marché y est plutôt bon. Nous y avions un portefeuille foncier relativement réduit, nous n’avons donc pas eu à le réduire plus et nous sommes surtout en train de le reconstituer. Il n’y a pas eu de mouvement de contraction forte en Allemagne…

Selon vous, quelles sont le perspectives d’évolution que l’on peut attendre du marché immobilier en France et en Europe ?
Il est très difficile de répondre à cette question mais ce qui nous a beaucoup surpris, c’est que nous pensions que notre modèle paneuropéen, de promotion immobilière, avait une vertu, celle de pouvoir compenser des cycles qui n’auraient pas été concomitants dans les différents pays : l’Espagne pouvait ralentir, la France continuer à se développer etc. Ce qui a été surprenant, et qui a surpris tous les observateurs dans de nombreux autres secteurs d’activité, c’est que le ralentissement a été non seulement brutal, mais aussi général.

De fait, notre modèle européen contrat-cyclique n’a pas fonctionné comme nous l’avions imaginé. La meilleure preuve a été la Pologne où nous venons de démarrer. Ce pays a des fondamentaux très bons en faveur du logement de gamme moyenne et en particulier de primo accession et qui, malgré cela, s’est arrêté en raison de la crise bancaire et d’un climat psychologique négatif. D’ailleurs la Pologne reste l’un des seuls pays dont le PIB n’a pas baissé, mais il n’empêche que le marché immobilier s’y est arrêté, ce qui a été la plus grande surprise que l’on pouvait avoir.

Cela étant, tous les ralentissements immobiliers ne sont pas les mêmes : l’Espagne paye et va payer très cher son développement forcené en matière immobilière. Nous-mêmes nous sommes relativement plus protégés que d’autres car nous n’avions pas une activité très importante, nous étions uniquement dans les capitales telles que Barcelone et Madrid, et nous n’avions pas du tout de programmes de développement foncier qui faisaient la richesse des promoteurs espagnols à la belle époque et qui font aujourd’hui leur malheur puisque les valeurs foncières se sont effondrées.

Nous souffrons certes, mais peut-être un peu moins que certains de nos confrères en Espagne. Il n’empêche que le marché ne va pas s’y redresser de si tôt. Actuellement, nous parvenons à écouler les stocks, y compris en location-vente, mais pas uniquement. Nous arrivons à vendre sur plan les programmes en accession sociale mais tout le reste, c’est-à-dire programme en état futur d’achèvement est arrêté compte-tenu de l’importance des stocks dans le marché de Madrid par exemple où il reste environ 50 000 logements en stock. Pour l’Espagne, il faut donc se projeter vers 2012-2013. Cela dit, nous sommes confiants dans l’économie espagnole. L’immobilier est fait de cycles et là, le cycle est très accentué.

Pour l’Allemagne, le marché ne sera jamais euphorique dans la mesure où l’amour des allemands pour l’immobilier est moyen étant donné que le marché locatif y est très offreur et très abordable ainsi que raisonnable au niveau des prix. Donc l’accession à la propriété n’est pas absolument nécessaire, surtout en ville et par ailleurs, le secteur des investisseurs privés est nettement plus réduit qu’en France car il ne bénéficie d’aucune subvention particulière.

En France, le marché est assez simple : le marché aidé par la politique du gouvernement fonctionne relativement bien [il s’agit de la primo accession d’une part, et l’investissement privé d’autre part], en revanche tout ce qui est marché non-aidé par le gouvernement, comme l’ancien, subit la crise économique. Par répercussion, le marché du neuf qui n’est qu’une petite partie du marché immobilier qui est pour l’essentiel de l’ancien, souffre beaucoup. Nous prévoyons donc un redémarrage possible en 2010-2011. Les besoins sont là mais l’offre est réduite, elle n’a rien à voir avec la pléthore espagnole.

Finalement, pour le marché polonais, je situerais la reprise vers 2010, donc plus vite que l’Allemagne qui est une sorte de diesel et qui continue plus ou moins bien, que la France qui devrait redémarrer plus tard et que l’Espagne qui fait figure de lanterne rouge.

Avez-vous envisagés un développement un peu plus soutenu en Pologne ?
Pour l’instant, nous sommes à la tête de deux beaux terrains qui sont à l’arrêt. Nous  redémarrons le moment venu, or ce moment n’est pas encore venu…

Et par rapport au comportement des banques en matière de crédit…
Nous n’avons aucune plainte à formuler vis-à-vis de nos différents prêteurs. Dans le détail, nous n’avons que des concours de projets et pas de concours corporate, or ces concours de projets, dans la mesure où nous rentrons dans une épure qui est plus orthodoxe aujourd’hui qu’elle ne l’était peut-être avant -il y a en effet davantage de fonds propres par rapport à l’engagement total du programme ; plus de conditions de pré-commercialisation…- nous n’avons plus aucun problème de financement de nos programmes.

Cette orthodoxie se retrouve également au niveau de nos acquéreurs, c’est-à-dire que les crédits de nos acquéreurs sont distribués. D’ailleurs, nous en avons fait le calcul, la solvabilité des primo accédants a été reconstituée de 50%, ce qui est gigantesque ! Autrement dit, cette solvabilité est 50% meilleure qu’elle ne l’était il y a deux ans…

Propos recueillis par N.S.