Interview de Alain Dinin : Président directeur général de Nexity

Alain Dinin

Président directeur général de Nexity

Je crois à une croissance économique molle sur les 2 prochaines années (Nexity)

Publié le 11 Septembre 2009

Que pensez-vous de la fin attendue des dispositifs gouvernementaux (Scellier, Prêt à taux zéro) ?
Il y a deux interrogations : une sur le doublement du prêt à taux zéro, or de ce côté-là, les informations politiques dont je dispose, montrent qu’ils ont bien compris que ce plan de relance a marché très fort et très vite et qu’on n’a pas encore absorbé la demande et le besoin de logements ; le gouvernement est donc plutôt en train de se demander aujourd’hui, s’il fallait faire une sortie, si elle serait en «sifflet», c’est-à-dire progressive comme pour la prime à la casse… En pratique cela signifie que je peux vous faire le pari qu’ils n’y toucheront pas en 2010.

Je suis dans ce métier depuis 1974. Je peux vous dire qu’il y a toujours eu l’équivalent du PTZ ou du Scellier sur le marché : qu’il s’agisse des gouvernements de droite ou de gauche, tous se sont aperçus, en voulant remettre en cause ces dispositifs, qu’ils risquaient de gripper le marché. Dans la mesure où l’insuffisance de production de logements en France est un mal patent et qu’ils ne peuvent pas augmenter le déficit, au moins le stabiliser, la réalité fait qu’ils ne peuvent pas revenir sur ces mesures.

En ce qui me concerne, la seule vraie interrogation est celle concernant la hausse des taux.

Vos prévisions tablent en 2009 sur un nombre de ventes de logements compris entre 80 000 et 90 000. Quelle part de ces chiffres attribuez-vous aux dispositifs gouvernementaux ?
Si l’on touche à ces mesures, on descendra en dessous des 70 000 logements, on peut donc dire que ces dispositifs ont permis de vendre près de 20 000 logements. Le gouvernement ne reviendra pas sur ces mesures car il a pris conscience du risque. Non seulement ce serait une erreur, mais ce serait aussi et surtout, une faute.

La sortie de crise n’est donc pas si évidente selon vous pour que l’on mette un terme à ces mesures ?
Il y a selon moi une nuance entre sortie de crise et reprise : la «sortie de crise» signifie qu’on ne continue pas de descendre, mais il y aurait «reprise» si j’atteignais ou dépassais notre point haut de 127 000 ventes de logements, or nous ne nous en approchons pas même si nous faisons beaucoup mieux cette année qu’en 2008, avec 90 000 ventes…

L’an dernier, nous avions fait 85 000, nous allons donc passer de 85 000 à 90 000, je ne vois pas bien où est la reprise ici.

Quelles sont vos perspectives sur le secteur ?
Je crois à une croissance économique molle sur les deux prochaines années… Et selon les sondages, les Français pensent quant à eux à 3-4 ans, donc avec des ventes autour de 90 000 par an, on a un système sur lequel je peux adapter ma production.

Comment voyez-vous la situation sur le marché du locatif, en particulier à Paris ?
Paris est un non marché locatif. C’est-à-dire qu’à Paris intra muros, il n’y a rien, il faut en fait regarder sur l’Ile-de-France…

Sur le marché locatif plus généralement, le dispositif Scellier a eu cet avantage qu’il a éliminé les zones où l’on construisait facilement du logement locatif, alors qu’on n’avait pas besoin de clients locatifs. Il y a néanmoins un effet hysteresis qui est la durée : les réservations que nous faisons depuis le début de l’année, ce sont des livraisons pour fin 2010.

Cela étant le marché locatif va se réguler : il commence à baisser un peu parce que dans certaines zones il y a de l’offre supérieure, les locataires le savent…

La location est un besoin indispensable puisque tout le monde ne peut pas devenir propriétaire, que ce soit pour des raisons de mobilité ou autre. C’est donc un marché qui va être un tout petit peu plus offreur, nous allons dès lors avoir des loyers qui vont se raisonner et un peu baisser, ce qui est toujours bon pour le client…

Vous pensez que les loyers vont pouvoir baisser y compris sur la région parisienne ?
En tout cas pas dans Paris intra muros. Il y a à Paris une vraie problématique de production de logements, or pour résoudre ce problème, encore faudrait-il que nous obtenions les permis de construire : dans Paris intra muros, il y a eu 500 permis de construire l’an dernier.  Ce n’est pas avec 500 logements de plus que vous allez régler les problèmes de logements à Paris.

Combien de logements faudrait-il construire à Paris pour résoudre ce problème ?
Sur le Grand Paris, il faudrait produire 70 000 logements par an pendant 5 ans pour commencer à équilibrer le marché. On en a fabriqué 25 000 en 2008…

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy