Interview de Geoffrey Goenen : Responsable de la gestion fondamentale Europe chez Candriam

Geoffrey Goenen

Responsable de la gestion fondamentale Europe chez Candriam

Les innovations auxquelles nous nous intéressons ne sont pas nécessairement synonymes de révolutions

Publié le 28 Juin 2018

Racontez-nous la genèse du fonds Candriam Equities Europe Innovation (LU0344046155)? Pourquoi a-t-il été créé ? Pour répondre à quelle opportunité d’investissement concrète ?
Face à la multiplication des disruptions dans le monde, il nous a semblé opportun de lancer un fonds dédié à cette thématique dès 2009. Candriam était alors pionnier en la matière.
Cette thématique revêt probablement davantage d’intérêt aujourd’hui du fait de l’élargissement de l’univers d’investissement éligible.

Quelle conception avez-vous d'une disruption ?

Une disruption se conçoit comme une innovation qui tend à créer de la valeur pour une entreprise et pour ses clients. Cette innovation doit pouvoir permettre à l’entreprise de gagner un nouveau marché ou de capter de nouvelles parts dans le marché où elle est positionnée. La nouveauté peut toucher un produit, un service, un processus ou une organisation.

Est-ce qu’un de ces volets offre plus d’opportunités actuellement ?

Nous trouvons pas mal d’idée dans l’innovation produit et l’innovation process d’entreprise.
Le volet qui est le moins exploitable est celui du marketing. Peu de sociétés pour l’instant ont su tirer leur épingle du jeu en la matière.

Donnez-nous un exemple d’innovation de process et d’innovation marketing ?

S'agissant de l'innovation process, nous pouvons mentionner ce qu'a su déployer Inditex notamment comparativement à H&M. Le décalage de fonctionnement des deux sociétés spécialisées dans les ventes au détail est reflété dans la divergence des cours de bourse. Inditex a su créer un avantage ultra-compétitif à partir de son organisation notamment son sourcing qui lui permet de renouveler sa collection rapidement et d’être ainsi bien plus productive. La fabrication des vêtements d’Inditex est faite en local ce qui autorise une plus grande réactivité par rapport à la demande formulée par les magasins. Tous les produits vendus sont, en outre, connectés par des puces à la centrale du groupe Inditex qui garantit un bon suivi des stocks.

Pour ce qui est de l’innovation marketing nous pouvons avancer le cas de L’Oréal qui a montré sa capacité à décliner un produit en multiples autres produits répondant au même besoin primaire et qui a été l’une des premières firmes de cosmétique à se servir d’Internet comme puissant levier, avec des services originaux proposés comme le maquillage en ligne sur la base d’une photo postée.

Les innovations auxquelles vous vous intéressez ne sont pas nécessairement synonymes de révolutions…

Les innovations auxquelles nous nous intéressons sont évolutives ou incrémentales et suscitent de nouveaux besoins chez les clients.

Investir dans une révolution suppose la prise d’un risque substantiel et peut s’avérer in fine destructeur de valeur importante pour un portefeuille d’investissement.

Parlez-nous de l’équipe de gestion ? Est-elle la même que celle au démarrage du fonds ? De combien de personnes se compose-t-elle ? En quoi se distingue-t-elle ?

L’équipe de gestion n’est pas la même que celle qui a démarré avec le fonds, bien que des personnes de l’équipe actuelle étaient déjà présentes dans l’équipe de départ.
Candriam m’a confié le pilotage du fonds en 2011. Nous avons tiré profit de ce changement pour professionnaliser notre recherche et intégré les analystes dans le processus d’investissement.

Neuf personnes, dont moi-même, participent aux prises de décisions dans ce fonds.

Concernant le processus d’investissement, où réside sa valeur ajoutée ? Qu’est ce qui fait que ce fonds est singulier par rapport aux autres fonds concurrents de la même catégorie ?

Nous avons deux niveaux d’analyse, l’une dédiée à l’innovation et l’autre dédiée à la qualité financière de la société. Nous nous intéressons aux entreprises qui ont su afficher un minimum de rentabilité, qui ont un faible endettement, qui ont un avantage compétitif indéniable, et dont le management a su se distinguer par une certaine fiabilité. En cela nous pouvons considérer que le fonds a un biais croissance.

La gestion se veut empreinte d’une certaine prudence…

Le fonds a pour cible une évolution stable de la valeur liquidative dans le temps. Il a, par ailleurs, pour objectif d’avoir au maximum la volatilité du marché.

En ce qui concerne les risques, de quelle manière sont-ils pilotés ? Quels pares feux, quelles protections sont en place ?

Nous nous efforçons d’avoir un portefeuille équipondéré. Certains secteurs ou certains pays se retrouvent en conséquence structurellement sous pondérés ou surpondérés par rapport au benchmark.

Nous couvrons le risque de change que lorsque nous faisons face à des cas extrêmes, des variations de plus de 10%. Nous ne sommes favorables à une couverture systématique car cela peut être très destructeur de valeur. Nous avons pu le constater ces dernières années avec l’envolée du franc suisse.

Comment appréhendez-vous l’enjeu de la liquidité ?
La liquidité du marché est clairement un sujet car elle moindre que celle qui prévalait avant la crise de 2008. Une vigilance accrue est nécessaire.
Nous avons pour notre part un seuil en termes de capitalisation qui est de 1 milliard d’euros. Nous sommes très attentifs à la taille du flottant.
Nous suivons scrupuleusement le nombre de jours requis pour vendre nos titres. Le portefeuille doit continuellement pouvoir être vendu rapidement.

Qu’en est-il des spécificités relatives à la composition du fonds ? Quels biais ? Quelle concentration ? Quel turnover ? Quelle durée moyenne de détention des titres ?
Le fonds est en permanence entièrement investi. Il se compose d’une cinquantaine de valeurs. Il est en cela très diversifié. Une valeur ne dépassera pas 3% des encours du fonds.

Six grands secteurs se distinguent : la technologie, la santé, la consommation discrétionnaire, la consommation durable, l’industrie, la chimie spécialisée.
La Finance, en revanche, est peu présente. Elle ne représente que 5% du produit.

La composition du portefeuille est très stable dans la mesure où nous ne nous laissons pas influencés par les mouvements sur les marchés ou les bruits macroéconomiques. Le turnover se situe autour de 20%. La durée de détention moyenne est de cinq ans.

Y a-t-il des secteurs qui sont structurellement absents du fonds ?

Certains secteurs sont effectivement absents de notre portefeuille car nous n’y avons pas trouvé de société phares en matière d’innovation. C’est le cas du secteur des services aux collectivités, du secteur des télécoms où le régulateur a la mainmise sur les évolutions que peuvent déployer les acteurs. Nous évitons également le secteur des matières premières, très dépendant de l’appréciation faite des sous-jacents.

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Propos recueillis par Imen Hazgui