Interview de Jean-Pierre Hellebuyck : Vice-Président et Directeur de la stratégie d'AXA IM

Jean-Pierre Hellebuyck

Vice-Président et Directeur de la stratégie d'AXA IM

La crise que nous traversons est certainement la plus importante crise depuis la seconde guerre mondiale

Publié le 20 Mars 2008

Quelques commentaires sur les résultats d’AXA IM pour l’année 2007 ?
Ces résultats ont été très bons. Le chiffre d’affaires est en progression de 20% et atteint 1 419 millions d’euros.
Par ailleurs, du point de vue de la rentabilité, le résultat opérationnel s’élève à 276 millions d’euros et est en hausse de 31%.
Les actifs sous gestion ont crû de 63 milliards, passant ainsi de 485 milliards d’euros en 2006 à 548 milliards d’euros en 2007. La collecte nette est de 5 milliards d’euros. La collecte brute s’élève à 127,6 milliards d’euros.

Quels ont été les principaux moteurs de la croissance ?
Elle s’explique incontestablement par la croissance externe, plus précisément par l’intégration de Winterthur, suite à l’acquisition par le groupe AXA, qui a représenté un apport de 60 milliards d’euros. Notre présence est maintenant renforcée en Suisse avec un bureau à Zurich et 80 collaborateurs.

Quelle a été l’impact de la crise financière sur le groupe ?
Nous avons dû faire face à des rachats. Nous avons eu une forte décollecte dans la partie monétaire, environ 8 milliards d’euros.

Comment expliquez-vous l’importance de cette décollecte ?
Notre collecte nette a été impactée au deuxième semestre 2007 par la crise des subprimes. La crise de cet été ayant concerné en premier lieu les produits monétaires, c’est logiquement sur ces fonds que nous avons connu la plus forte décollecte, en particulier sur les fonds tiers.

Quelle a été la conséquence de la crise des subprimes ?
Les répercussions de la crise des subprimes ont été limitées. Elles ont concerné les fonds AXA WF US Libor Plus et AXA IM FIIS US Libor Plus, libellés en dollars et gérés à Minneapolis. Ces fonds ont souffert d’une très grande décollecte. La crise de liquidités nous ayant empêché de vendre les titres sur les marchés, nous avons par mesure exceptionnelle offert la liquidité à nos clients voulant sortir en utilisant nos fonds propres. AXA IM détient aujourd’hui environ 80% de ces fonds, fermés à la souscription.

De quelle manière appréhendez-vous cette année 2008 ?
Nous démarrons l’année 2008 sous la plus extrême prudence, notamment sur le plan budgétaire.

Nous avons trois priorités : renforcer notre présence en Asie au travers le développement de nos joint-ventures en Chine et en Inde, et accélérer notre croissance au Japon ;  augmenter nos parts de marché en Europe dans des zones comme la Scandinavie, l’Europe de l’Est ; renforcer notre position au Moyen Orient où nous avons déjà un bureau au Qatar, l’idée étant d’être encore plus proche d’une clientèle qui dispose de moyens importants compte tenu de la hausse des prix du baril de pétrole.

Y a-t-il une crainte de décollecte ?
Nous avons plutôt à faire face à une collecte rendue plus difficile du fait de la très grande volatilité des marchés.

Projetez-vous de nouvelles acquisitions cette année ?
Nous mettons plutôt l’accent sur une croissance organique. Nous regarderons les opportunités si elles se présentent mais nous ne faisons pas des acquisitions notre principal axe de développement.

Quels sont vos points d’inquiétude par rapport à la crise financière que nous traversons ?
La crise que nous traversons est certainement la plus importante crise depuis la seconde guerre mondiale.

Le monde est frappé par trois chocs, une crise de l’immobilier née aux Etats-Unis et qui s’est répandue dans de grands pays européens comme la Grande Bretagne ou encore l’Espagne ; une crise du crédit qui fragilise le système bancaire et un choc des matières premières qui entretient un climat de hausse des prix.
Les craintes de croissance faible et d’inflation élevée affectent les marchés et le comportement des investisseurs.

Ce qui rassure, c’est la grande détermination des autorités monétaires et gouvernementales américaines, la concertation entre les principales banques centrales. 
Il manque encore le volet réglementaire. Il est nécessaire de revoir la  régulation des banques et les méthodes comptables. Des discussions sont apparemment en cours au niveau du G7.

Croyez-vous à un découplage entre les Etats-Unis et l’Europe d’une part et les pays émergents d’autre part ?
Je pense qu’il ne faut pas se faire d’illusion. S’il y a un ralentissement marqué aux Etats-Unis et en Europe, il y aura forcément des répercussions dans les pays émergents.
D’autant plus que ces pays ont des problèmes spécifiques à régler. Comme l’inflation en Chine en raison du maintien artificiel d’une parité de change du yuan sous évaluée, qui amène une perte de contrôle de sa masse monétaire.

Quelles sont les thématiques clés, les produits phares sur lesquels vous mettez l’accent cette année ?
Nous envisageons de compléter notre offre de fonds de hedge funds, qui a été très performante l’année dernière. Nous allons étendre notre gamme dans l’investissement responsable. Nous avons récemment lancé un fonds qui investit dans des actions sélectionnées à partir de la qualité de la gestion humaine. (Human capital)
Nous développerons les différentes divisions que nous avons mises en place : la division actions, la division Investment Solutions qui va exploiter notre expertise « Fiduciary Management » et poursuivre l’expansion de la gamme Easy ETF. 

Vous restez présents sur les marchés actions ?
Les actions représentent près de 30% de nos actifs. C’est une des classes d’actifs qui nous assure les meilleures marges et le potentiel de développement est considérable.

Que pensez-vous de la thématique des matières premières ?
Nous sommes pour l’instant très réservés. La hausse récente n’est pas compatible avec le ralentissement que nous prévoyons de la croissance mondiale.

Propos recueillis par Imen Hazgui