Interview de Henri de Castries : Président du directoire du groupe AXA

Henri de Castries

Président du directoire du groupe AXA

Le cours ne reflète pas notre perspective de progression.

Publié le 01 Mars 2008

Retranscription des questions-réponses posées à l’occasion de la conférence de presse donnée par AXA pour l’annonce de leurs résultats le 28 février 2008.

Quelques commentaires sur vos résultats annuels ?
Les résultats du groupe s'inscrivent dans la droite ligne de notre plan ambition 2012.
Si nous raisonnons à base comparable, sans tenir compte des acquisitions, le résultat opérationnel atteint 5 milliards d’euros, en augmentation de 15%.
Le bilan est très solide sans aucune surprise sur les actifs.
Si nous considérons les différentes lignes de métiers, ceux de la protection financière, le dommage, l'assurance vie, l’asset management, aussi bien en termes de chiffre d'affaires que de résultats, nous sommes fidèles à nos guidances.

S'agissant de l'assurance-vie, notre objectif était d'avoir une croissance des affaires nouvelles située entre 7 et 10% chaque année. Nous sommes à +8% en 2007, avec un résultat opérationnel en progression de 10%.
Nous avons une croissance de 4% pour l'assurance dommages et une croissance de 17% dans  l’asset management.

Ces résultats s'expliquent en partie par une bonne plate-forme géographique. Les trois principaux moteurs sont la France, l'Europe du Nord et l'Amérique du Nord. Chacun donne environ 20% du résultat.

Nous avons un peu plus de 1,1 milliard d'euros de plus-values en 2007. Nous sommes un peu au-dessus des objectifs que nous avions fixés à moyen terme. Le choix que nous avons fait d'avoir une exposition aux actions plus importante que d'autres a été payant.

La turbulence des marchés financiers a-t-elle eu un impact sur le groupe ?
L'impact a été relativement limité, en particulier parce que notre modèle économique est relativement résistant aux turbulences externes. Nous n'avons pas d'activité de type banque d'investissement. Aussi, nous ne sommes pas dans une problématique de construction de produits compliqués difficiles à revendre aujourd'hui.

Si nous considérons le montant des dépréciations net d’impôt, les résultats 2007 ont été affectés à hauteur de 300 millions d’euros, et le bilan de 300 millions d’euros. Ainsi, l’impact total est de 600 millions d’euros pour un groupe qui gère 1300 milliards d’euros d’actifs, qui a 300 milliards d'euros de placement obligataire ou de type obligataire dans ces actifs d'assurance, et qui génère 6 milliards de résultats, l'exposition est limitée.

Cela s'explique par le fait que nous détenons des actifs de qualité et très diversifiés ainsi que par le fait que nous avons des systèmes de contrôle des risques très performants.

Le métier de la protection financière est un métier de souscription de risques, de collecte d'actifs sur des tendances de croissance forte à long terme inchangées par les turbulences actuelles.

A quoi tient la résistance de votre modèle ?
Près de 30% du chiffre d'affaires et 40% du résultat proviennent de l'assurance dommages. Les turbulences financières ont peu d'impact sur cette assurance qui dépend de la croissance des parcs automobiles, des parcs immobiliers, des parcs industriels. Pour le moment, s’agissant de ce marché, nous observons que janvier et février sont en ligne avec 2007, entre 3 et 4% de croissance avec de bons niveaux de marges.

Le ralentissement de la croissance mondiale pourrait avoir un effet indirect. Mais le marché est moins cyclique que par le passé : les acteurs sont devenus plus responsables, les revenus financiers ne laissent plus la même flexibilité à ceux qui voudraient baisser les prix.

Les activités de l'assurance-vie et de l'assurance santé n'ont également pas de raison d'être affectées.

Quels ont été les challenges de l'année 2007 ?
Il fallait continuer à faire grandir les affaires du groupe par croissance organique, dans un environnement plus difficile tout en intégrant une acquisition de grande taille Witenture.
Nous sommes en avance sur le programme de réalisation des synergies et nous avons des parts de marché en amélioration.

Qu’en est-il de l’évolution de votre gestion d’actifs ?
La gestion d'actifs représente près de 45% du chiffre d'affaires du groupe. La situation du marché actuel peut avoir un impact en ce sens que des clients peuvent être plus réticents à s'engager dans des produits d'épargne de long terme du fait de la forte volatilité.
Par ailleurs, la concurrence plus forte de la part des banques qui vont chercher de la liquidité chez leurs clients en leur proposant des dépôts à court terme un peu plus attractifs qu'auparavant peut accentuer les difficultés.
Les bases d’actifs que nous avons en stock baissent, nous percevons temporairement un peu moins de commissions.

Dans le long terme, les tendances restent les mêmes. Les économies mondiales s’enrichissent.

Ces effets indirects ne remettent en cause ni le business modèle ni les tendances à long terme.
Contrairement à la période 2001/2003, nous ne considérons pas que le business model de l’assurance est remis en cause. Nous avions des sinistres qui explosaient, des taux d’intérêt et des marchés actions qui baissaient en même temps, des sociétés d’assurance dont les résultats opérationnels étaient faibles.
Aujourd’hui les résultats opérationnels sont élevés, les affaires en croissance et nous générons tous les mois de la solvabilité supplémentaire, ce qui nous donne la capacité à souscrire des affaires nouvelles.

Comment se présente 2008 ?
Nous sommes entrés en 2008 avec un environnement économique beaucoup plus incertain. 
Des marchés actions volatils, plutôt baissiers, une crise de liquidités qui affectent les banques, des inquiétudes concernant la croissance mondiale, avec une baisse des taux d’intérêt sur des produits sans risque et une augmentation des primes de risques. 

Si les marchés se stabilisent aux alentours du niveau actuel, le chiffre d’affaires et les résultats du groupe seront en progression en 2008.

Sur quoi se fonde cet optimisme raisonné ?
Sur le segment vie, épargne retraite qui représente environ 50% du résultat, nous devrions continuer à être en cash flow positif. Nous n’aurons pas besoin de vendre quoi que ce soit. Si nous pouvons laisser dormir les actifs que nous considérons comme temporairement dépréciés. L’augmentation des primes de risque, signifie une augmentation des rendements futurs.

Vous mettez en cause la pertinence des normes comptables ? 
Cette crise a engendré plus de volatilité et un risque de stabilité du système. Il n’y a pas d’appréciation optimale de la situation réelle des actifs que nous essayons de valoriser.
On considère des valeurs de marché à un instant donné qui reflètent les prix payés par des gens obligés de vendre dans des situations de détresse, alors même que dans bien des cas, les actifs sous-jacents n’ont pas vu leur qualité être dégradée.
S’il y a des actifs sur lesquels il y a des pertes durables, il y a un certain nombre de situations dans lesquelles les gens prennent des provisions qu’ils reprendront deux, trois ou quatre ans car on aura constaté que la vision d’aujourd’hui est une vision trop pessimiste.

Les normes comptables qui n’étaient pas appliquées de la même manière lors des crises précédentes ont créé de la volatilité, de l’anxiété.
 
Nous n’avons pratiquement pas d’actifs toxiques dans nos portefeuilles : CDO mezzanine, les CDO subprimes.
Nous n’avons pas été les victimes innocentes de banques qui ont arrangé de façon perverse, des produits structurés que nous ne connaissions pas.
Nous avons structurés des produits en toute connaissance de cause, pour le compte de nos clients et pour le compte de s compagnies d’assurance.

Quel est le bilan des opérations d’acquisition ? 
Nous avons dépensé en 2007, 3,4 milliards d’euros pour des acquisitions. Nous avons par ailleurs recueillis 3 milliards d’euros à la suite de cessions.
Nous avons opéré un redéploiement de pays matures tels que les Etats-Unis ou la Suisse, vers des pays à forte croissance.
Nous avons 2,2 milliards d’euros d’opérations annoncées.

Avez-vous des conduits ?
Nous avons vendu la banque d’affaires du groupe en 2001. Nous n’avons pas de SIV, pas de conduits.

Votre marge de solvabilité s’est dégradée, elle est passée de 186 à 154 ?
Nous générons par le niveau de nos résultats 2,5% de solvabilité supplémentaire tous les mois. Nous générons environ une trentaine de points de solvabilité supplémentaire tous les ans.
La situation est différente de celle de 2001/2003 où la profitabilité des groupes était moindre. La capacité de reconstituer de la marge de solvabilité était moins forte.
Ces 2,5% servent à financer la croissance de nos activités, nos acquisitions et à compenser le cas échéant les baisses de marché. C’est une bonne gestion du capital.
L’idée c’est de ne pas laisser un capital excessif moins bien rémunéré qu’il ne pourrait l’être.

Un dernier mot pour vos actionnaires ?
Nous proposons une augmentation des dividendes de 13%, ce qui donne 1,20 € par action.
Cela représente un taux de distribution de 42%, un niveau qui se situe dans le bas de la fourchette que nous nous étions fixés, ce qui nous laisse une marge de progression pour les exercices suivants.

Le cours ne reflète pas notre perspective de progression.
Nos perspectives sont plus modérées que lorsque les marchés étaient plus élevés. Elles restent tout de même positives. 
Ainsi, le rendement du titre est de 5%. Ceci montre à quel point les niveaux du marché actuel sont absurdes. Le taux de rendement sur le titre est supérieur aux taux sans risque à long terme sur les obligations. C'est une situation historique que nous n'avions jamais rencontrée. Même en 2003, lorsque les marchés étaient au plus bas, le rendement du titre n'était monté que de 3,5 %.
Je pense que les sociétés d’assurances de protection financière qui sont bien concentrées sur ce type de métier, traverserons cette crise sans grands dommages, car leur modèle opérationnel n’est pas remis en cause.

Propos recueillis par Imen Hazgui