Interview de Louis Bert : Président de Dorval Finance

Louis Bert

Président de Dorval Finance

Actions européennes : parmi nos principales positions figurent Société Générale, Crédit Agricole, Atos, Altran, Alten, Gemalto et Ingenico

Publié le 15 Janvier 2013

Comment expliquez-vous le redressement plus vigoureux des actions européennes, ces derniers mois ?
Grâce aux pas décisifs sur la voie de la construction européenne, nous avons quitté des marchés à risque systémique pour retrouver des marchés à risque cyclique. L’idée même que la zone euro pouvait éclater est en train de disparaître, conduisant à un retour progressif des investisseurs anglo saxons. Ces derniers ont réalisé que,grâce à l’action du gouverneur de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi, l’institution monétaire était prête à prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux Etats membres en difficulté.Cela a suffi à entrainer une détente des taux d’intérêt des Etats du sud de la zone euro, que ce soit en Italie ou en Espagne.

Cette tendance haussière a vocation à se poursuivre ?

La prime de risque sur la zone euro est en baisse continue. Cette zone qui était jugée non fréquentable ou peu fréquentable par les grands investisseurs internationaux est en train de redevenir attractive.
2013 sera l’année de la mise en place d’un certain nombre de réformes importantes. La mise en place de l’union bancaire européenne devrait avancer.
Les banques européennes dont certaines ont un bilan très élevé au regard du PIB national de leur pays d’origine vont faire l’objet d’une supervision unique.
Le risque d’implosion du secteur bancaire en sera d’autant plus réduit. Cela devrait renforcer la visibilité du secteur et participer à la performance du marché actions européennes en 2013.

A quoi vous attendez-vous sur le plan de la croissance européenne ?

Nous anticipons une croissance européenne autour de 0 % compte tenu du poids des réformes budgétaires. S’il y a une légère amélioration, elle ne devrait être constatée qu’en deuxième partie d’année.
Il sera alors essentiel que la croissance mondiale soit elle-même soutenue. Pour le moment, nous tablons sur une croissance mondiale de 3-3,5%. La dynamique de l’économie américaine devrait amener le PIB à progresser de 2-2,5% sous l’effet des exportations vers les émergents, du restockage des entreprises et de la réparation des dégâts causés par l’ouragan Sandy. Les économies émergentes devraient afficher une relative stabilité, si ce n’est une plus grande vigueur. Nous escomptons en particulier une croissance chinoise à 7-7,5%.

Selon vous, l’Espagne devrait être poussée à demander une aide à l’Europe cette année afin de déclencher le soutien de la BCE ?
Je pense que cela sera le cas, en effet. Il est cependant difficile de préciser le timing de cette demande.
D’un coté, les taux obligataires espagnols se sont fortement détendus donnant ainsi plus de bouffée d’oxygène au gouvernement.
D’un autre coté, toutes les mesures d’assainissement n’ont pas été mises en œuvre. La structure de défaisance des créances bancaires n’est pas encore au point. Toutes les provisions n’ont pas été passées.
Il est possible que la demande d’aide soit reportée dans le temps. Il me semble cependant compliqué d’exclure le fait qu’elle n’aura pas lieu.
Cette demande n’aura pas lieu, a priori avant les élections en Allemagne ?
En 2013, l’agenda politique est très chargé. Les principaux interlocuteurs des autorités espagnoles sont les autorités allemandes. Les discussions ne devraient pas beaucoup avancer tant que les nouvelles cartes électorales ne seront pas abattues en Allemagne, autrement dit, pas avant septembre 2013.

Les négociations sur la politique budgétaire aux Etats-Unis pourraient venir chahuter les marchés européens ?
Un bras de fer se poursuit concernant les questions des coupes des dépenses publiques et de relèvement du plafond de la dette. Les conclusions des négociations sont attendues pour février-mars. Dans le même temps, des élections doivent se dérouler en Italie.
Nous ne sommes pas à l’abri de marchés chahutés en conséquence. Nous pourrions avoir des replis temporaires qui autoriseraient des points d’entrée plus intéressants sur les actifs européens, et en particulier sur les actions européennes.

Ces frémissements peuvent également découler d’une certaines impatience des marchés dans la mise en exécution de certaines mesures phares servant à marquer la prochaine grande étape d’intégration de la zone euro ?
Plusieurs mesures phares ont été adoptées, qui doivent à présent être mises en musique. Je serais surpris que des améliorations soient constatées avant que la chancelière Angela Merkel ne soit assurée de sa reconduite au pouvoir.

De la volatilité est donc à prévoir cette année ?

Le rallye des actions ne se fera pas de manière linéaire. Cependant les amplitudes de mouvements devraient être beaucoup moindres qu’en 2012. Nous ne devrions pas avoir un marché actions en dents de scie mais en sinusoïdes.

Quel potentiel de rebond voyez-vous ?
Entre maintenant et la fin de l’année, un rebond de 7-8% nous semble plausible.

A quelle allocation d’actifs vous conduit votre scénario central ?
Nous sommes très positionnés sur le secteur financier qui pourrait bien croître de 20% d’ici fin décembre. L’assouplissement de la réglementation Bâle III, singulièrement sur le ratio de liquidité constitue un élément positif.
Le fait que la BCE se pose comme prêteuse en dernier ressort, et par là même, gardienne du temple, retire énormément le risque qui pèse sur les acteurs bancaires. La réduction de la prime de risque, combinée à la faible valorisation des valeurs, nous incitent à penser qu’il y a un rendement conséquent à récupérer sur certains titres du secteur. Nous avons une exposition sur Société Générale, et Crédit Agricole.

Nous mettons également l’accent sur les valeurs technologiques et de l’informatique. Les thèmes de recherche d’efficience et de gain de productivité sont devenus récurrents au sein des entreprises. Cela passe par l’utilisation d’outils informatiques puissants : le cloud computing, le paiement sans contact... sont des secteurs où les investissements sont stratégiques. Ils peuvent très difficilement être coupés du jour au lendemain.
Cela répond aussi à des besoins d’exportation. De nombreux pays, y compris émergents sont confrontés à des contraintes de salaires plus élevés. Ils cherchent en conséquence à optimiser leurs centres de production.
Dans ce domaine, nous aimons bien Atos qui mène avec succès l’intégration de la filiale de Siemens. Les perspectives de croissance des bénéfices est de l’ordre de 15%.
Nous avons également en portefeuille Altran et Alten dans la Recherche et Développement externalisée, Gemalto et Ingenico dans les cartes de paiement, Dassault Système dans les logiciels de simulation 3D.

Nous misons enfin, compte tenu de la reprise de la croissance mondiale envisagée, sur les sociétés exportatrices. Dans cette logique, les valeurs allemandes sont particulièrement plébiscitées : Linde, qui a réalisé une opération de croissance externe dans le gaz lié aux services médicaux et qui réalise un plan d’économie. Le bénéfice par action pour cette dernière société devrait progresser de 17%.
Nous pouvons également citer les valeurs du luxe, comme PPR.

Propos recueillis par Imen Hazgui