Interview de Eric  Frenois : Directeur de la gestion sous mandat chez Dorval Finance

Eric Frenois

Directeur de la gestion sous mandat chez Dorval Finance

Le cours de Sanofi pourrait aller jusqu'à la zone des 80 euros

Publié le 18 Février 2014

Que vous inspirent les actions françaises à ce stade de l’année ?
Nous sommes confiants sur l’évolution des actions françaises cette année. Les trois principales zones économiques, les Etats-Unis, l’Europe et le Japon sont en croissance. C’est une configuration que nous n’avions pas connue depuis longtemps. Un effet d’entrainement positif en découle pour les actions françaises. Parallèlement l’inflation est faible et a vocation à le rester durablement en partie en raison d’une relative stabilisation des prix des matières premières. Si le taux de chômage reste élevé dans les pays du G7, on observe tout de même une amélioration du marché du travail propice à une hausse de la consommation.

Qu’attendez-vous du côté des perspectives bénéficiaires ?
Le consensus table sur une hausse des profits de 13% cette année pour les grandes capitalisations. Cela nous parait assez crédible. Nous pourrions même avoir de bonnes surprises. La différence par rapport aux années précédentes réside dans un regain de confiance.

La France est cependant en retard dans la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires à un renforcement de sa compétitivité par rapport à ses pays voisins ?

C’est ce qui justifie que nous ne soyons pas très positionnés sur les valeurs trop domestiques qui pourraient être affectées par une économie française anémiée. Nous préférons être sur des valeurs françaises en mesure de tirer avantage de la reprise cyclique mondiale grâce à de véritables atouts concurrentiels.

Quel regard portez-vous sur les flux ?
Nous pouvons distinguer deux types de flux. Le premier découle d’incitations fiscales décidées par les pouvoirs publics, comme le PEA PME. Ce flux sera diffus dans le temps. Les épargnants mettront du temps à adopter le dispositif. On n’assistera pas à une euphorie qui bouleversera le paysage.

Un second flux émanera des investisseurs institutionnels français. Depuis 18 mois, ce sont surtout les investisseurs anglo-saxons qui sont revenus sur les actions françaises. En 2014 et 2015, les investisseurs institutionnels français devraient à leur tour modifier leur politique d’investissement pour se positionner de manière plus prononcée sur les actions françaises. Cette réorientation devrait permettre assez rapidement de redonner des couleurs au segment de marché. Ce sera alors le deuxième étage de la fusée. Sachant que le troisième se déclenchera lorsque les particuliers reviendront massivement en bourse mais nous n’y sommes pas encore. Pour l’instant, les éléments d’enquête montrent que les Français ont toujours une opinion négative sur le sujet.

Qu’escomptez-vous sur le front des opérations capitalistiques ?
Nous ne comptons pas tellement sur le moteur des opérations capitalistiques dans la sélection dans nos valeurs dès lors que nous nous attachons essentiellement aux fondamentaux des sociétés.

Cependant, il y a plus d’entités cotées attractives pour des sociétés d’envergure, à l’affut, désendettées, qui regorgent de liquidité. La confiance étant au rendez-vous, la probabilité de voir des transactions se réaliser est plus importante.
Les opérations majeures transformantes devraient plus apparaitre dans les phases de correction qui créent des points d’entrée plus intéressants.

Une intervention de la Banque centrale européenne pourrait-il être un facteur de soutien ?

La Banque centrale européenne se situe dans une situation délicate. D’un coté, sa politique est extrêmement accommodante pour des pays qui sont en bonne santé comme l’Allemagne. D’un autre coté, cette même politique est insuffisamment conciliante pour les pays vulnérables comme le Portugal, la Grèce, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie. L’institution monétaire doit trouver un juste équilibre.
Dans notre scénario central, nous escomptons une certaine bienveillance de la Banque centrale à l’égard de l’inflation et du secteur bancaire, mais nous misons bien plus sur les réformes des Etats, et le rétablissement des fondamentaux des entreprises.

Quel potentiel de rebond anticipez-vous ?
Nous anticipons un accroissement de l’indice phare de 8% à 10% auquel on ajoute les dividendes de l’ordre de 3%. Le rendement devrait se situer vers 12%. Nous n’excluons pas de bonnes surprises du coté de la macroéconomie ou de la microéconomie. Alors le rendement pourrait être supérieur.

Qu’en est-il des principales caractéristiques de votre allocation d’actifs ?
Dans notre allocation d’actifs, nous donnons la primeur aux actions de manière générale. Nous sommes neutres sur les obligations. Nous sommes d’avis que les taux ont atteint leur point bas et que nous sommes entrés dans une période longue de remontée des taux.
Nous avons deux biais dans notre poche actions. Nous sommes plus investis sur les petites et moyennes capitalisations. Ces 18 derniers mois, la hausse de la bourse a surtout été observée sur les larges capitalisations. La deuxième partie du rebond se fera surtout sur les petites et moyennes capitalisations délaissées et à des prix corrects.
Nous avons, par ailleurs, bougé le curseur en faveur des valeurs décotées.

Pourriez-vous nous livrer des noms de valeurs phares que vous détenez en portefeuille ?

Nous pouvons mentionner l’exemple de Maisons France Confort, leader de la construction d’habitats diffus, à la campagne et dans les petites villes. La société construit environ 5000 maisons pour leurs clients chaque année et présente une trésorerie excédentaire structurelle depuis 8 ans. Le dirigeant Patrick Vandromme est à la tête de l’entreprise depuis près de 30 ans. Une volonté est affichée de procéder à des petites acquisitions à bon compte pour étendre le maillage sur le territoire. Le chiffre d’affaire a vocation à progresser notablement cette année ou l’année prochaine après plusieurs années de recul.
Le titre serait à conserver pour les deux à trois années à venir. Le titre cote à un peu plus de 31 euros, contre 80 euros en 2008. Nous pourrions retrouver 60 euros d’ici 4 à 5 ans.

Nous aimons bien aussi PSB Industries, une société savoyarde spécialiste de l’emballage pour les cosmétiques et les produits alimentaires, et des poudres de haute qualité utilisée dans les luminaires et les ampoules. La société avait par le passé un endettement dépassant 100% de ses fonds propres. Celui-ci s’est réduit des deux tiers et s’achemine vers 40% en 2015. L’action se paie sur un PE inférieur à 10 fois les résultats. Nous connaissons les dirigeants depuis une dizaine d’années et avons un objectif de cours de 45 euros.
Pour ce qui est des grandes capitalisations, nous avons une conviction sur Sanofi valorisée à un PE de 13 fois. Le laboratoire va cesser l’année prochaine de souffrir de la perte de brevets. Le chiffre d’affaires devrait être de nouveau en augmentation. Le regard des investisseurs devrait évoluer. Nous tablons sur un potentiel de variation de 10%, à 80 euros.

Nous sommes également positifs sur Michelin. La compagnie avait par le passé lancé une augmentation de capital qui avait fait chuter le cours de bourse pour faire face à l’accroissement de la demande dans les pays asiatiques. A présent, elle récolte les fruits de ses investissements très lourds. La trésorerie est propice à certaines opérations de rachat. Le dividende est de plus de 3%. Le cours pourrait aller jusqu'à la zone des 90 euros à court-moyen terme. Il pourrait aller plus loin sur un plus long terme. Attention donc à ne pas vendre l’action trop tôt.

Michelin est-il le seul équipementier automobile que vous appréciez ?
Parmi les équipementiers automobiles, nous avons aussi une vision très positive sur Plastic Omnium.

Pourriez-vous à présent nous communiquer des noms de valeur sur lesquelles il faudrait redoubler de prudence ?
Essilor est un archétype de la valeur de croissance qui aujourd’hui se paie très cher. L’entreprise a de grandes qualités indéniables. Toutefois, le cours n’est pas justifié par l’amélioration de ses fondamentaux mais par l’appétit considérable des investisseurs pendant la phase de turbulences pour les valeurs de croissance jugées plus « sécurisées ». Le titre pourrait faire du sur place alors que le reste du marché poursuit son rallye.

Un autre dossier similaire est Pernod Ricard, porté par ses résultats en Chine. La lutte contre la corruption dans le pays qui se répercute sur les produits de luxe dont fait partie le cognac, une grande partie de l’activité de Pernod Ricard, est un mouvement défavorable pour la valeur. Celle ci devrait graduellement perdre de son attrait.

De même des sociétés moyennes comme Catering International Services qui a surfé sur la vague émergente pourraient subir une relative désaffection des investisseurs. L’entreprise réalise des bases-vie dans le monde entier pour des sociétés qui ont des champs d’exploitation miniers excentrés.

Quels principaux risques identifiez-vous pour l’heure ?
La dépréciation des devises émergentes et le ralentissement économique de ces pays semble intégré par le marché.
Nous ne sommes pas à l’abri de connaitre une nouvelle remontée brutale des taux comme en juin 2013. En l’espace d’une journée, le taux à dix ans américain a grimpé de 40 points de base et la bourse avait alors perdu environ 3%. L’évaluation d’une entreprise tient à ses résultats et au niveau des taux d’intérêt.
Aujourd’hui l’avis majoritaire table sur l’absence d’un tel incident. Néanmoins, très souvent les mauvaises surprises viennent de là où on ne les attend pas.

Le risque d’emballement des flux vous parait-il sérieux ?

Pour que les flux aient éventuellement un effet négatif il faudrait que les investisseurs soient gorgés d’actions et soient prêt à tout signal négatif à prendre leurs bénéfices. Or les investisseurs sont sous exposés en actions. Aujourd’hui, nous pensons que les opérateurs sont plutôt dans l’attente de points d’entrée intéressants pour renforcer leurs positions.

Que pensez-vous d’un éventuel incident au niveau politique ?

De nombreuses élections sont programmées aussi bien dans des pays développés que dans des pays émergents. Un vote extrême en France à l’issue des élections pourrait à moyen terme conduire à une relative paralysie de la mise en œuvre de la politique économique et donc de la dynamique du pays. Toutefois il y a lieu de relativiser ceci au regard des résultats des sociétés et donc des cours de bourse et de ne pas négliger l’élan qui pourrait provenir de l’extérieur. De nombreuses d’entreprises françaises ont des échanges significatifs avec l’étranger.

Craignez vous que les perturbations que l’on observe sur les émergents ne se limitent pas à des soubresauts et entrainent une crise plus grave ?

Les pays émergents constituent un univers très vaste et très hétérogène. Les problématiques rencontrées par certains de ces pays ne devraient pas à ce stade avoir un effet de contagion sur l’ensemble de l’univers. Mais nous demeurons vigilants.

Propos recueillis par Imen Hazgui