Interview de Thomas  Louis : Président directeur général d'Acer Finance

Thomas Louis

Président directeur général d'Acer Finance

Il va falloir redoubler de prudence sur Alstom, Bouygues, Alcatel, et Airbus

Publié le 14 Mars 2014

Que vous inspirent les actions françaises à ce stade de l’année ?
Elles recèlent encore un potentiel technique de hausse à 6 mois d’environ 7% à 10 % pour les grandes capitalisations, en ligne avec la progression des bénéfices.
La volatilité actuelle tient aux résultats des entreprises qui parfois entraînent des sanctions impressionnantes ou des rebonds substantiels et à l’accentuation du risque géopolitique avec les tensions entre l’Ukraine et la Russie.
Techniquement, si l’on considère le ratio cours sur bénéfices futurs à 12 mois, le marché français traite en dessous de sa tendance long terme.

Que voyez-vous du coté des flux et des opérations capitalistiques ?
Je pense que les flux continueront à être positifs.

Sur le front des fusions acquisitions, il est intéressant de noter qu’il n’est pas impossible que des sociétés moyennes, plus mobiles et assujetties à moins de charges finissent par acquérir de grandes sociétés très dévalorisées et en grande difficulté, comme les Pages Jaunes SOLOCAL), ou Alstom.

Hormis le secteur des télécoms, des opérations pourraient avoir lieu dans le secteur technologique.

Qu’en est-il des principales caractéristiques de votre allocation d’actifs ?
Nous mettons l’accent sur les valeurs dont le ratio cours sur bénéfices moyen est inférieur à celui de l’indice, qui ont un free cash flows en croissance, un bon traitement historique des actionnaires, un actif net dont la valeur actuelle est inférieure à la moyenne des cinq dernières années.

Nous avons une vision positive sur les secteurs semi cycliques, technologiques et financiers. Pour ce qui est du secteur technologique, le cycle d’efficacité productive est entré dans une phase d’accélération impressionnante. Des promesses (nées dans les années 2000) nous passons aux actes.
S’agissant des financières, les résultats seront bons quoi qu’il en soit pour plusieurs années. Les risques dans les bilans bancaires seront plus lisibles.

Nous sommes sous pondérés sur les valeurs défensives que nous jugeons trop chères comme Sanofi, L’Oréal, LVMH.
Les cours de ces valeurs reposaient sur des hypothèses de croissance des pays émergents relativement fortes de 7% à 8%, alors que la réalité devrait être de 4% à 5%. Aussi, bien qu’elles soient de très bonne qualité, pour cette considération propre aux émergents, ces valeurs devraient être chahutées dans les six à huit mois qui viennent.

Tout est une question de momentum…
Absolument. Le potentiel sur Sanofi est de 12% à 20% mais le timing n’est pas encore intéressant pour se positionner sur la valeur. Nous ne voyons pas encore de catalyseur.

Un titre comme Vivendi n’a pas progressé pendant près de quatre ans. La performance délivrée à la fin de l’année était quasi nulle grâce au dividende versé. Il a fallu attendre les mouvements dans le secteur des télécoms pour voir un décollage du titre et redécouvrir la richesse du portefeuille du groupe en matière de musique, et de films.

Le secteur bancaire constitue un pari fort dans votre allocation ?
La BCE devrait continuer à prêter durablement des fonds aux banques qui ont en besoin à un taux compris entre 0 et 0,5% pour faire des prêts à l’économie à des taux compris entre 3% et 3,5%. Nous avons ainsi une certaine visibilité sur le fait que les banques vont gagner de l’argent qui leur permettra de renflouer les pertes enregistrées depuis 2009. C’est ce qui explique la conduite pour beaucoup d’entre elles d’une politique de distribution de dividendes favorables pour récompenser des actionnaires qui ont su prêter au cœur de la tourmente poste Lehman Brothers.

Détenez-vous les quatre banques françaises ?
Non. Nous avons sous pondéré BNP et surpondéré Crédit Agricole et Société Générale.
Le titre BNP a bien résisté à la baisse et offre en cela un potentiel de rebond moins important que les deux autres.

Pourquoi n’avez-vous pas Natixis ?
Nous ne comprenons pas le modèle de développement de la banque.

Hormis les banques françaises, avez-vous d’autres banques européennes en portefeuille ?
Nous avons Santander en misant sur le redressement macroéconomique de l’Espagne et sur un renforcement de la visibilité de l’activité en Amérique latine.
Nous regardons de près Unicredit. Nous attendons pour éventuellement acheter le catalyseur qui devrait résider dans les résultats des stress tests menés par la BCE.

Vous n’avez pas d’inquiétude autour des conclusions de l’audit des actifs dans les bilans ou encore des stress tests ?

Non. Je pense que les mauvaises surprises éventuelles sont déjà dans les cours.

Avez-vous d’autres valeurs financières en portefeuille ?

Oui. Nous avons Axa. L’action nous parait maltraitée alors que la situation s’est notablement améliorée pour la compagnie y compris à l'international.

Nous avons aussi Wendel dans le capital investissement et Scor dans la réassurance. Nous apprécions la qualité du portefeuille de Wendel et avons un potentiel de réduction de la décote de 20% d’ici 6 à 8 mois. S’agissant de Scor, les efforts fournis par le dirigeant Denis Kessler sont substantiels sur le plan de la diversification des risques et de l’optimisation des résultats.

En dehors du secteur financier, pourriez-vous nous livrer d’autres convictions ?
Gemalto, Ingenico, Lafarge, Cap Gemini, Technicolor, Groupe Eurotunnel.

Pourriez-vous nous communiquer des noms de valeurs sur lesquelles il faudrait redoubler de prudence ?
Alstom (qui rencontre un problème de free cash flows) et par rebond Bouygues malgré un parcours positif récemment ; Alcatel que nous estimons trop spéculative et dont nous attendrons les résultats du travail du nouveau patron ; Airbus Group qui a connu un parcours magnifique en matière de commandes, mais qui va devoir suivre à présent en termes de production.

Propos recueillis par Imen Hazgui