Interview de Romain Burnand : Co-dirigeant et gérant actions chez Moneta Asset Management

Romain Burnand

Co-dirigeant et gérant actions chez Moneta Asset Management

Crédit Agricole, Société Générale, BNP Paribas : les annonces des résultats semestriels n'ont pas été sans surprises

Publié le 07 Août 2015

Quels commentaires vous inspirent les annonces des résultats semestriels des grands groupes bancaires français que vous suivez de près : BP, Société Générale et Crédit Agricole ?
Ces annonces n’ont pas été sans surprises.

Nous avons généralement été surpris positivement sur les résultats. Un niveau d’excédents supérieur à ce qui était attendu a été avancé par exemple dans l’activité de marché de BNP Paribas et de Société Générale en particulier dans les dérivés actions. L’impact négatif de certains positionnements géographiques s’est révélé moindre qu’anticipé. La situation de BNP en Italie s’est stabilisée, autrement dit le nombre de créances douteuses n’a pas augmenté de manière significative. Cette stabilisation préfigure une amélioration. Par ailleurs, nous n’avons pas assisté à un dérapage pour la Société générale en Russie. Alors que nous pouvions considérer que l’environnement dans ce dernier pays était aussi mauvais au second trimestre qu’au premier, les pertes entre les deux trimestres ont été divisées par deux, si bien que la ligne directrice de pertes totales comprise entre 200 et 300 millions d’euros sur l’ensemble de l’année qui a été maintenue par la direction parait réaliste.

Les surprises viennent aussi de la position vis à vis des fonds propres réglementaires. Ainsi, Société Générale a été en mesure de rassurer en montrant sa capacité à d’atteindre un niveau de fonds propres réglementaires de 11% en 2016. Cela a constitué un point positif qui a contribué à la hausse du cours de SG de 8% après l’annonce des résultats.
En revanche, le Crédit Agricole a déçu sur cette question du fait de l’abandon de son projet de réorganisation interne qui aurait pu se traduire par une plus value importante par la société cotée et permettre d’augmenter ses fonds propres réglementaires. Ceci a entrainé la chute du cours de CA de 10%.

Avez-vous procédé à des ajustements à l’issue de ces annonces de résultats ?

Nous n’avons pas pour habitude de communiquer sur les derniers ajustements que nous effectuons. Ce qui est à retenir c’est que nous conservons une exposition importante à BNP Paribas et Société générale.

A quoi vous attendez-vous pour le second semestre de l’année ?

L’économie au sein de la France et plus généralement de la zone euro s’inscrit dans une tendance positive qui a quelque chance de se poursuivre au cours des 12 à 18 prochains mois. Dans ce contexte le secteur bancaire français nous parait moins risqué et en conséquence faiblement valorisé. Le PE est à 10 pour 2016 ce qui reste un niveau peu élevé malgré la hausse récente des cours. Compte tenu de la politique annoncée de distribution de BNP Paribas et de SG, le rendement du dividende 2016 serait de 4.5% et 5.3% respectivement.

Le catalyste des cours de bourse des banques françaises résidera dans les annonces plus ou moins encourageantes sur le front macroéconomique européen.

Nous n’avons pas la perception de gros nuages à l’horizon.

Pensez-vous qu’une hausse des taux européens dans le sillage d’une augmentation des taux américains suite à une intervention de la Fed pourrait être un facteur favorable aux banques françaises ?
Si la hausse des taux européens est une réponse à l’affermissement de l’économie au sein de la zone euro, cela sera une très bonne nouvelle pour les banques françaises.

La définition du TLAC devrait être précisée lors du prochain sommet du G20 à Ankara en novembre. D’aucuns escomptent une définition moins pénalisante pour les banques françaises. Les déclarations découlant de ce sommet pourraient-elles se révéler source de revalorisation additionnelle pour les banques françaises ?

Toute amélioration des contraintes réglementaires comme celle que vous mentionnez serait positive pour la valorisation des banques. Ce qui primera néanmoins c’est la croissance économique en Europe et ses conséquences positives sur les résultats et donc sur leur aptitude à respecter plus aisément les contraintes réglementaires qui s’imposent à elles. La banque est une industrie de coûts fixes et donc tout surcroit de recettes – par exemple par une reprise des crédits à la consommation ou à l’investissement – et toute baisse du coût des créances douteuses – se traduirait par un impact positif sur le niveau et la visibilité des résultats.

Selon vous, le rétablissement de la macroéconomie européenne a d’autant plus d’importance compte tenu de l’essoufflement observé dans les grands pays émergents comme le Brésil, la Russie, la Chine….
Absolument.

Au-delà d’un effet propice sur le volume d’activité de crédit, l’amélioration de la macroéconomie européenne pourrait-elle également entrainer une hausse supplémentaire des revenus tirés de l’activité de banque d’investissement ?
Nous ne pouvons pas considérer les très bons chiffres générés dans l’activité de banque de financement et d’investissement au premier semestre comme pérenne. Les mouvements sur les marchés sont très variables.

Nous ne pouvons pas tabler par avance que le second semestre sera très porteur sur ce terrain. C’est la raison pour laquelle les résultats de ce pôle sont beaucoup moins valorisés par les investisseurs du fait de son manque de récurrence.

Une nouvelle dégradation du dossier grec constitue-t-elle une menace dans votre esprit ?

Les banques françaises n’ont quasiment plus d’exposition à la Grèce. Elles ont pris leurs pertes en 2012. Le vrai risque serait qu’une nouvelle crise grecque se traduise négativement sur les perspectives économiques du reste de l’Europe.

Une nouvelle crise grecque est possible mais son impact sur nos économies est peu probable.

Nous pourrions avoir une véritable revalorisation au cours des mois à venir…

A moins de découvrir de nouveaux problèmes, c’est ce que nous pressentons. Nous pourrions envisager un cours de 70 euros pour BNP, de 55 euros pour Société générale. Cela peut paraitre élevé par rapport aux cours récents mais les chiffres cités seraient très proches de leur fonds propres comptables, ce qui ne serait pas cher en absolu.

De quelle manière appréhendez-vous le facteur de risque lié aux litiges pour les trois banques ?

Le CA et la SG doivent régler le litige des transactions avec les pays sous embargo US. Même s’il est impossible d’avoir une idée précise de la facture finale, ce risque sera d’autant plus facile à gérer que leursq résultats seront bons par ailleurs.

C’est claire que le secteur pourrait rester volatile dans les trimestres qui viennent mais la marche vers sa « normalisation » a des chances de se poursuivre et devrait se traduire par une revalorisation des cours.

Propos recueillis par Imen Hazgui