Interview de Philippe Garreau : PDG de Satimo

Philippe Garreau

PDG de Satimo

Malgré la faiblesse du dollar, aucune délocalisation n'est à l'étude

Publié le 27 Mai 2008

Pouvez-vous nous présenter brièvement Satimo ?
C’est une société qui fait de la métrologie, c’est-à-dire des instruments qui font de la mesure des ondes électromagnétiques.

Ces ondes sont des ondes qui sont rayonnées par des antennes que l’on retrouve dans différents types de systèmes, que ce soit dans les matériels télécoms, matériels automobiles ou des matériels aéronautiques et Défense (avions, chars, équipements militaires…).

Nous regardons le rendement de ces antennes, c’est-à-dire quelle quantité d’énergie elles rayonnent dans l’espace, nous regardons aussi quelle quantité d’énergie elles distribuent dans l’espace (certaines antennes rayonnent les ondes un peu partout et d’autres les focalisent dans des directions privilégiées), et enfin nous regardons la qualité de l’information qui est émise : les ondes électromagnétiques sont utilisées pour transporter une information d’un point A vers un point B, généralement à grande distance.

Qui sont vos clients ?
Nos clients sont de trois ordres. Nous avons des clients dans le domaine des télécoms (téléphonie mobile, ordinateurs portables, modems de communication, applications médicales…).

Nous vendons aussi dans le domaine de l’automobile : il y a plus d’une vingtaine d’antennes embarquées dans un véhicule (antenne de radio bien sûr, GPS également, mais aussi systèmes de mesure de la pression des pneus, etc.).

Et enfin, notre troisième client sectoriel, c’est l’aéronautique et la Défense (radars pour communiquer, radar pour observer ou radars pour analyser les composants de l’atmosphère).

Comment ces activités se répartissent-elles dans votre chiffre d’affaires ?
Notre activité a connu une forte croissance sur les activités grand public télécoms, mais notre technologie commence à intéresser largement l’automobile et l’aéronautique/Défense.

L’automobile est un segment de croissance pour nous. Depuis quelques années déjà, nous faisons des installations automobiles pour des clients comme General Motors, Renault ou Peugeot. Et nous travaillons à l’heure actuelle pour Ford, Mitsubishi et Opel.

Quant au segment aéronautique et Défense, c’est un segment de très forte croissance puisque ce segment développe de plus en plus d'antennes intelligentes qui nécessitent des moyens de tests à la fois performants et rapides. C’est ce qu’apporte la technologie Satimo par rapport aux technologies traditionnelles à base de monocapteurs.

Qui est votre principal client ?
Nous n’avons pas un client principal, mais nous avons beaucoup de clients différents. Dans le marché des télécoms, en termes de quantité d’installations, Nokia est notre principal client, mais nous équipons aussi Motorola, Samsung, Sony… Nous avons tous les clients du parc télécoms.

Je suppose qu’EADS est un groupe avec lequel vous traitez dans le secteur aéronautique/Défense…
Exactement. La branche Airbus nous a acheté un système de caractérisation d’antenne.

Nous testons le nez avant de l’avion, dans l’A400M ou dans l’A380. Dans ces avions, il y a une antenne de météorologie qui est située sous le nez de l’avion.

Nous caractérisons aussi la transparence du radeau: quand vous mettez quelque chose devant une antenne, il faut vérifier que ce quelque chose soit le plus transparent possible.

Etes-vous touchés par les retards de l’A400M et de l’A380 ?
Pas du tout, puisque nous participons uniquement à l’intelligence des équipes et non pas à la production.

Vous venez d’acquérir une participation majoritaire (60%) dans le capital de la société américaine Orbit/FR. Quelles sont les synergies avec Satimo ?
Des synergies importantes, oui, mais au-delà de ça, cette acquisition nous permet un embrayage important. Parce qu’après un beau parcours de croissance dans les télécoms -qui continue néanmoins cette année-, nos ventes se dirigent de plus vers le secteur aéronautique et Défense, un secteur dans lequel ce concurrent était bien placé, notamment aux Etats-Unis et dans quelques pays asiatiques.

Nos technologies ne se marchent pas complètement sur les pieds puisque Orbit dispose de technologies en tout mécanique et quand vous inscrivez vos technologies dans des systèmes de plus grande dimension, il vous faut disposer d’excellents systèmes mécaniques de positionnement.

Grâce à cette acquisition, vous êtes devenus leader de votre marché. Quels sont les challenges associés à ce nouveau positionnement ?
Ce leadership entraîne deux gros challenges. Nous avons les produits de Satimo et nous avons également les produits d’Orbit. Ces deux produits ont leur place sur le marché, sans se marcher sur les pieds.

Les challenges de notre société sont de sortir deux autres produits : des produits hybrides et des produits de mesure in situ.

Beaucoup de nos clients sont demandeurs de technologies de visualisation en temps réel, mais à condition qu’elles soient supportées par des scanners mécaniques de grande précision. Donc, nous marions le savoir-faire de la société Orbit avec notre savoir-faire pour sortir un produit hybride qui correspond à la demande du marché.

Le deuxième challenge, ce sont les systèmes de mesure in situ. Ce sont des scanners de technologie Satimo qui vont ausculter les antennes quand elles sont embarquées sur les systèmes.

Traditionnellement, dans tous les marchés que je vous ai cité préalablement, les antennes sont débarquées et positionnées sur une mécanique pour être auscultées. On va rarement tester les caractéristiques radioélectriques des antennes quand celles-ci sont directement montées sur le système.

Prenez le cas de l’avion. Sur un avion de chez Dassault par exemple, il y a des antennes un peu partout -sous le nez avant, dans les ailes, dessus l’avion, dessous l’avion, sur la queue arrière… L’idée est de sortir un produit avec des robots intelligents qui vont localiser le scanner proche de toutes ces antennes pour ainsi analyser l’ensemble du système sans avoir à débarquer les antennes, ce qui procure un réel avantage financier.

Alenia en Italie est le premier client qui nous a fait confiance pour avancer sur cette gamme de produit.

Réfléchissez-vous au rachat complet d’Orbit ?
C’est une question qui n’est pas d’actualité mais qui se pose effectivement pour le futur.

Vous avez récemment annoncé au titre de l’exercice 2007/2008 un chiffre d’affaires en hausse de 18%. Peut-on revenir sur les moteurs de cette croissance ?
Nous avons eu cette année une forte croissance asiatique. Nous avons commencé à avoir beaucoup de transferts d’équipes européennes et américaines de R&D vers l’Asie.

Nous avons aussi observé une croissance plus forte que 18% en termes de quantité de commandes.

Nous avions un prévisionnel qui tournait autour de 21,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, mais nous avons annoncé un CA de 20,1 millions car nous avons eu beaucoup plus de petits et moyens systèmes achetés allant d’un prix de 150 000 à 300 000 euros (Starlab, SG24…) que des systèmes nécessitant de lourds investissements.

Du fait de l’environnement économique ?
C’est difficile de le dire tout de suite bien que nous l’ayons senti un petit peu. Nous avons senti un léger glissement pour les clients qui devaient investir 500/600 000 euros. Cela dit, nous savons qu’ils vont commander malgré tout. La décision d’achat était plus difficile à prendre quand il s’agissait de lourds investissements.

En outre, l’effet dollar a pesé pour environ 500 000 euros sur le chiffre d’affaires.

Quelle est la part du chiffre d’affaires dollar dans votre CA total ?
Elle est de l’ordre de 24/25%. Nous sommes relativement bien protégés de l’effet dollar. Quand je parle du dollar, je parle du dollar et du yuan.

Avez-vous des couvertures pour vous protéger de l’effet de change ?
Nous n’avons pas spécialement de couvertures de change. Nous essayions d’acheter un maximum de pièces indexées sur le dollar, ce qui est par exemple le cas des synthétiseurs de fréquences.

La production se fait en France. Est-ce qu’une délocalisation en zone dollar est à l’étude ?
Aucune délocalisation n’est à l’étude. Par contre, faire du service intelligent auprès de nos clients est constamment à l’étude.

Nous faisons des instruments de haute technologie et dès lors que nous avons essayé de produire des pièces en Asie, nous avons eu à essuyer d’énormes problèmes de qualité.

Par contre, nous voulons être proches de nos clients et nous avons beaucoup de clients asiatiques (Taiwan, Corée, Chine, Japon). Quand vous vendez un produit de haute technologie, vous vendez aussi l’ingénierie extérieure, l’installation et l’apprentissage du produit. Nous développons beaucoup nos équipes sur Hong Kong et sur le Japon pour être proches de nos clients. Nous le faisons aussi aux Etats-Unis et en Europe.

En France, nous nous concentrons sur la R&D et la production et parallèlement à cela, nous recrutons sur les différents satellites internationaux pour être proches de la culture de nos clients. C’est vrai pour la vente, c’est vrai pour l’avant-vente et c’est vrai pour l’après-vente.

Quelles sont vos guidances pour cet exercice ?
Notre société va vendre ce qu’elle devait vendre cette année, Orbit va vendre ce qu’elle a à vendre et je veux concrétiser auprès du marché et de nos clients l’union de ces deux sociétés produits hybrides et in situ.

Un objectif de rentabilité ?
Nous sommes sur des objectifs de 12/12,5% l’année prochaine. Notre directeur financier doit rendre la société Orbit plus rentable qu’elle ne l’était avant.

A l’horizon 2010, nous souhaitons un retour au 15% de rentabilité avec plus de 75 millions d’euros d’activité.

Propos recueillis par Marjorie Encelot