Interview de Jean-Charles Deconninck : PDG de Generix

Jean-Charles Deconninck

PDG de Generix

Aujourd’hui, le cours de bourse a une lecture totalement ésotérique!

Publié le 04 Juin 2008

Pourriez-vous revenir brièvement sur votre activité et nous expliquer votre business model ?
Nous sommes éditeurs de logiciels dans le domaine de «l’écosystème des industries et du commerce», c’est-à-dire pour les distributeurs (alimentaires ou de ventes à distance…), les négociants (pour les industriels travaillant dans la grande distribution), et pour l’ensemble des services qui travaillent dans cet écosystème, principalement les prestataires logistiques, et le monde de la prestation du transport.

Nous avons repris l’entreprise et nous l’avons restructuré début 2005, et nous avons au fur et à mesure redéveloppé cette entreprise sur ces marchés, de part les produits qui avaient été conçus initialement, et les technologies qui avaient été utilisées, qui étaient très orientées et permettaient d’avoir un avantage concurrentiel important dans le pilotage des flux.

Parallèlement, nous avons constitué une roadmap pour couvrir la totalité des besoins de cet environnement industriel, et petit à petit, nous avons développé de manière organique des composants et donc, de l’activité supplémentaire. Nous avons également passé quelques accords avec des partenaires technologiques pour perfectionner certaines technologies comme celle de la société Ascom dans le domaine de la gestion du cycle de vie produit pour les marques de distributeurs…

Et puis nous avons fait des acquisitions, dont trois principalement : courant 2005, nous avons racheté l’entreprise française Seitel que nous avons intégrée depuis et qui était spécialisée dans le monde de la gestion du magasin -système d’encaissement et gestion de la relation client- ; et il y avait un volet international de gestion des flux entre magasins et tout ce qui était central.

Nous avons ensuite acquis en mars 2006, l’entreprise Influe, qui est une entreprise leader dans le marché des échanges informatiques de données pour tous ces environnements, ainsi que dans le monde de l’industrie. Nous l’avons fusionnée durant l’année 2007-2008, puisqu’elle s’est terminée le 31 mars dernier…

Enfin, nous avons acquis en fin d’année 2007, la société Infolog, également leader dans son métier de la gestion de l’entreposage, c’est-à-dire tout ce qui est gestion de l’entrepôt et gestion logistique et des transports.

En bref, nous pesons pour près de 70 millions d’euros de chiffre d’affaires, nos produits sont conçus par nos ingénieurs, nous avons industrialisé et nous continuons de le faire au fur et à mesure des acquisitions réalisées, notre process de production qui est aujourd’hui externalisé, puisqu’il se trouve en Bulgarie en grande partie, et en Tunisie également.

Nous sommes le 9e éditeur français, 45e au niveau européen, et nous sommes numéro 2 dans cette activité au niveau européen en termes de chiffre d’affaires, mais avec cette couverture fonctionnelle, nous sommes les seuls aujourd’hui.

Qui sont vos principaux clients ? Quelle part de votre chiffre d’affaires représentent-ils ?
Les clients principaux varient en fonction des cycles d’acquisition qu’ils font, d’achat de licences et autre, si bien que nous n’avons jamais eu de client dépassant 5% de notre chiffre d’affaires.

En totalité, nous disposons de 6 000 clients, dont 1 500 grands clients avec lesquels nous travaillons de manière très proche.

A travers l’activité d’Influe, nous avons mis en place des systèmes pour gérer la relation entre les fournisseurs et les grands donneurs d’ordres, ce qui fait que sur nos systèmes qui sont entre autres, des systèmes que nous produisons en ASP (Application Service Provider ou services applicatifs par Internet), de nombreux clients utilisent ces moyens pour pouvoir travailler et échanger avec les grands donneurs d’ordre soit, principalement, les fournisseurs de la grande distribution qui n’ont pas forcément les moyens d’acquérir des infrastructures pour ça.

Nous avons donc mis à leur disposition depuis quelques années maintenant ces infrastructures qui leur permettent d’avoir accès à toutes nos informations et toutes nos applications moyennant simplement l’achat de «tickets», un peu comme les cartes de téléphones que l’on recharge...

Votre groupe a publié ses résultats au titre de l’exercice 2007/2008, faisant état d’un chiffre d’affaires de 55,5 millions d’euros, en progression de 20%, et d’un résultat opérationnel courant en hausse de 9,6%, à 4,7 millions d’euros. En revanche, le résultat opérationnel a chuté de 11,7%, à 3,2 millions d’euros, de même que le résultat net part du groupe en repli de 50,1%, à 1,4 millions d’euros. Quels commentaires vous inspirent ces résultats ?
Notre ROC a baissé en raison, essentiellement, de deux opérations réalisées cette année : nous avons alloué les goodwill que nous avions en norme IFRS évidemment, or l’affectation du goodwill nous a conduit à affecter 11 millions d’euros des acquisitions d’Infolog et d’Influe, à des prix que nous allons amortir, pour les trois composantes que sont les marques, la R&D et les clients.

Ces amortissements se résument à 11 millions d’euros, que nous allons amortir sur des périodes différentes en fonction de la nature de ces derniers -environ 5 ans sur les marques, 7 ans sur les produits et 12 ans sur le parc clients.

Aujourd’hui, sur l’année 2007-2008, nous avons un impact sur le résultat opérationnel courant, de 800 000 euros, concernant donc l’amortissement de ce goodwill, et que nous n’avions pas préalablement.

Par ailleurs, le coût du rapprochement et de la fusion avec Influe que nous avons effectué entre avril 2007 et mars 2008, en termes de facturing social, d’investissement dans les systèmes d’information, d’industrialisation, etc., nous a généré un coût non récurrent d’1,6 million d’euros.

Si vous prenez le ROC aujourd’hui, et que vous le retraitez des éléments non récurrents, il est d’environ 5,5 millions d’euros.

Des perspectives sur l’intégration d’Infolog en termes financiers…
Nous sommes actuellement en train de faire la même chose avec la fusion d’Infolog, par conséquent, nous devrions avoir des coûts assez similaires l’année prochaine, d’environ 1,5 million d’euros. 

Quels ont été les moteurs de la croissance ?
Nous avons quatre piliers de revenus : les ventes de licences, les ventes de maintenances -directement liées aux ventes de licences et qui présentent des récurrences importantes-, les ventes de produits ASP, et enfin, les ventes de conseils et services.

La partie qui était fortement en croissance l’année dernière a été celle des logiciels avec une croissance de 26% de l’activité vente de logiciels (licences).

Quant aux activités maintenance et produits ASP, elles ont suivi puisque l’ensemble de la croissance de ce qu’on appelle «le monde de l’édition», composé chez nous en termes de revenus, des licences, de la maintenance et de l’ASP, a enregistré une croissance de plus de 14% l’an dernier par rapport à un marché qui a fait en moyenne, et en Europe, près de 5,4%.

Deux phénomènes expliquent cette situation : nous avons tout d’abord beaucoup investi dans la R&D -je pense donc que nous collons de plus en plus à la problématique et aux besoins de nos clients- ; ensuite, il y a les synergies résultant de l’acquisition de ces deux nouvelles sociétés (Infolog et Influe), qui nous ont permis de faire du cross-selling entre nos clients et leurs différentes bases de clients, ce qui me semble également avoir été générateur de croissance.

Avez-vous été impactés par l’évolution du contexte économique internationale ?
A ce jour, notre croissance se poursuit. Nous avons enregistré un bon premier trimestre 2008, avec une forte croissance sur les ventes de logiciels ainsi que sur l’ASP, avec de gros projets… Le trimestre actuel se porte bien, et nous ne constatons pas de décalage de projets ou de signatures de la part de nos clients.

En revanche, nous avons un œil excessivement précis et attentif à toute variation de notre pipe commercial sur les trimestres qui viennent. Ceci étant, aujourd’hui -mais je ne vous dirai peut-être pas la même chose dans quelques semaines-, nous n’avons pas de signaux faibles concernant une variation là-dessus…

Comment l’expliquez-vous ?
En premier lieu, nos clients ont des activités de distribution, mais hors textile. Or, ce qui est le plus atteint aujourd’hui, est la distribution du textile en particulier, et des équipements également.

Nous travaillons beaucoup dans l’alimentaire, dans le spécialisé et particulièrement dans le monde du bricolage… Tous ces secteurs sont encore en croissance, du moins est-ce ce que nous avons observé.

Mais il ne faut pas oublier qu’une crise représente des risques comme des opportunités. Nos clients, de part ce qu’ils rencontrent en termes de contraintes de marché, sont en train de travailler pour améliorer leur performance, et pour cela, ils réalisent, ou sont en train de le faire, des phases d’investissement pour améliorer leurs marges en amont (supply chain)… c’est-à-dire nous.

Maintenant, la seule question que l’on se pose est la suivante : ces grands acteurs vont-ils, dans un premier temps, investir tout de suite sur les process qui vont leur apporter de la récurrence de marge ?

Concernant votre développement à l’international, vous avez indiqué souhaiter réaliser 50% de votre chiffre d’affaires à l’international d’ici à cinq ans. Comment comptez-vous y parvenir et avez-vous des zones géographiques privilégiées ?
Au niveau international, nous avons une activité assez «flat», notamment au Canada ; au Brésil, notre activité est en train d’exploser ; en Argentine, nous disposons d’une petite structure, mais son activité est assez flat aussi ; le Portugal est en croissance ; l’Espagne est en croissance moindre, avec un ralentissement sensible ; l’Italie souffre un peu et le Benelux marche bien…

Lorsque l’on est éditeur de logiciels aujourd’hui, il faut être un éditeur mondial parce que l’investissement en R&D nécessite d’amortir ces coûts sur des marchés de plus en plus larges. On ne peut dès lors plus être franco-français, ou simplement européen, il faut pouvoir avoir un retour sur investissement sur un marché beaucoup plus étendu. L’international est donc très important.

Aujourd’hui, de part les acquisitions que nous avons effectuées, nous nous retrouvons avec huit filiales, dont six sont très rentables, les deux autres étant en cours de développement (Canada et Brésil), donc notre objectif à court terme, sur cette année, c’est de consolider nos positions, et continuer d’augmenter le nombre de produits que nous allons vendre sur ces géographies.

Parallèlement à cela, nous avons des distributeurs dans des pays où nous ne sommes pas, qui fonctionnent bien ; c’est le cas de la Russie et de l’Allemagne notamment. Nous avons même des distributeurs qui augmentent leur panel de ventes de produits avec l’arrivée des nouveaux composants que nous avons soit acquis, soit développés de manière organique.

A plus long terme, nous avons démarré un projet en Chine avec un petit partenaire, pour tester le marché et mieux comprendre les besoins des clients, pour voir également quels sont les cycles de prise de décision dans cette culture que nous devons intégrer, afin d’adapter nos produits en fonction…

Ceci étant, il faut rester prudent, et nous estimons d’ailleurs qu’une croissance doit toujours être rentable.

Etes-vous exposés de part cette présence internationale aux évolutions du dollar ?
Nous sommes peu exposés, dans la mesure où seul le Canada se trouve dans la zone dollar. Au Brésil par exemple, nous travaillions en real, et sur le reste, nous travaillons en euro, si bien que nous n’avons que peu d’impact avec le dollar actuellement.

Un commentaire sur le cours de votre titre…
Je ne comprends plus la bourse ! Nous sommes une small/mid cap, or la crise a eu pour conséquence le fait que beaucoup d’investisseurs sont allés chercher de la liquidité en se repositionnant sur des marchés de large cap, si bien que les cours des mid cap, y compris celles qui marchent bien et font de la croissance, ont été complètement délaissées…

Aujourd’hui, le cours de bourse a une lecture qui, d’après moi, est totalement ésotérique ! 

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
Nous développons notre entreprise avec le triptyque suivant : les clients, les actionnaires et les collaborateurs. Le flux de la croissance qui est le notre et les performances que nous sommes en train de sortir -même si parfois la visibilité en termes de comptabilité n’est pas simple- devraient nous conduire à rémunérer l’actionnaire qui nous a fait confiance depuis quelques années.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy