Interview de Gauthier Picquart : PDG de Rue du Commerce

Gauthier Picquart

PDG de Rue du Commerce

La loi Chatel, je ne suis pas sûr que ce soit un gain pour le client

Publié le 12 Juin 2008

L’exercice 2007/08 confirme un retour à la croissance rentable engagée au second semestre 2006/2007. Le chiffre d’affaires a dépassé le seuil des 300 millions d’euros. La marge brute revient à 14% du CA. Hors galerie, le ROC ressort à 2%, soit à un niveau supérieur aux 1,5% de 2005/2006, exercice qui précède la période difficile 2006/2007. Quels ont été les moteurs de cette croissance ?
Les moteurs ont été de plusieurs ordres. Le premier a été de se concentrer sur les produits technologiques qui ramènent de l’argent, aussi bien des produits innovants que parfois des produits exclusifs par rapport à la distribution traditionnelle ou à la distribution sur Internet. Nous avons également beaucoup développé l’univers des accessoires et des produits complémentaires.

Le second moteur a été le développement des services et de la publicité qui viennent en complément de notre activité pure de vente de produits avec des marges qui sont supérieures.

Enfin, le troisième moteur a été de maîtriser nos coûts et le fait d’avoir été vigilants sur la montée en puissance de l’entreprise.

Nous venons de dépasser 300 millions d’euros de chiffre d’affaires avec moins de 300 personnes dans l’entreprise au 31 mars, ce qui signifie que nous avons amélioré notre productivité.

Par contre, sur le second semestre, l’environnement a été plus difficile, et plus particulièrement sur quatrième trimestre...
Le quatrième trimestre a été un peu en retrait en termes de croissance par rapport aux autres trimestres. La croissance sur le T4 a été de l’ordre de 8% alors que nous sommes plutôt sur des croissances de 17 ou 18% sur les autres trimestres de l’année. C’est notamment dû à un ralentissement de la consommation que nous avons tous mesuré. Nous pressentons une certaine morosité ambiante chez les consommateurs.

Cela dit, sur Internet, nous nous en sortons beaucoup mieux que dans la distribution traditionnelle.

Vous avez dit lors de la conférence qu’aujourd’hui le consommateur attendait plus de produits pour une même somme d’argent.
Ce n’est pas tant le nombre de produits qui ont été réduits mais aujourd’hui le consommateur va chercher à avoir le panier le plus rempli possible pour une somme donnée. C’est pour cela que sur Internet, nous avons pris de la croissance alors que dans la distribution traditionnelle ils régressent.

Sur Internet, les tarifs sont plus bas et le consommateur y a trouvé son compte.

La galerie marchande a été lancée il y a maintenant près d’un an. Peut-on avoir une idée de l’activité des ventes ? Des marges ?
La galerie marchande compte aujourd’hui 530 marchands partenaires de Rue Du Commerce et 300 000 références.

Nous faisons du chiffre d’affaires sur la galerie marchande depuis septembre 2007, ce qui veut dire que nous avons eu six mois d’activité sur notre exercice. Sur ces six mois, nous avons engrangé l’équivalent de 3,5 millions de chiffre d’affaires. Et c’est très exponentiel puisque nous estimons que sur l’année 2008, nous devrions avoir entre 30 et 60 millions d’euros de CA.

En termes de marges, nous prenons une commission qui varie entre 5 et 15%.

C’est une activité sur laquelle nous attendons beaucoup de croissance et qui a en même temps un taux de commissionnement assez nettement supérieur à ce qu’on trouve aujourd’hui sur le high-tech.

Concernant justement vos partenaires, vous avez dépassé votre objectif à fin mars de 300 partenaires. Vous êtes sur un trend exponentiel. Cette tendance va-t-elle vous permettre d’accroître votre taux de transformation ?
Nous avons une mécanique qui est très vertueuse : plus nous avons de partenaires, plus nous avons d’offres, plus nous proposons de variétés pour les consommateurs et plus nous avons de chance de permettre au visiteur de trouver ce qu’il cherche.

L’enchérissement de l’offre va nous permettre de continuer d’améliorer notre taux de transformation qui a déjà beaucoup progressé en 2007.

Et toujours concernant les partenaires, avez-vous de nouveaux objectifs ?
Non. Nous avions fixé un objectif de nombre de partenaires en année 1 pour imposer le déploiement de la galerie. Maintenant, nous considérons que nous allons continuer à monter en puissance.

Notre objectif, c’est d’être à plusieurs milliers de marchands assez rapidement, c’est-à-dire dans les 12 à 18 mois qui viennent.

Vous aviez annoncé atteindre la rentabilité sur la galerie marchande dans un délai de deux ans depuis son lancement. Le trend actuel est-il conforme à vos attentes ?
Le trend en termes de rentabilité est conforme à nos attentes. La galerie devrait être rentable à partir de l’année prochaine. 

Vous aviez également dit que la galerie pèserait pour 5 millions sur deux ans. L’investissement net pour l’exercice achevé fin mars ressort à 2,6 millions. Est-ce que l’on doit s’attendre au chiffre de 2,4 millions sur l’exercice qui vient de commencer ?
Oui, c’est vraisemblable. L’investissement sera répartit de manière similaire sur les deux années de lancement.

Comment se profilent les deux premiers mois de l’exercice ?
Ils sont plutôt corrects après un quatrième trimestre un peu difficile. Nous avons retrouvé une vigueur un peu plus prononcée avec un bon mois d’avril et un mois de mai un peu plus faible parce que c’est un mois de ponts en France.

Sur la partie high-tech, nous sommes relativement satisfaits de ce qui s’est passé, et sur la galerie, c’est très exponentiel et donc nous sommes très contents.

Et enfin que pensez-vous de la loi Chatel ?
C’est une loi qui prise à lettre pose un certain nombre de problèmes aujourd’hui. Elle limite les marchands dans leur capacité à proposer du service aux clients.

Rendre un service gratuit est toujours quelque chose d’intéressant, mais le rendre gratuit sans avoir la possibilité de proposer des options payantes aux consommateurs, là c’est une limite. Or, c’est comme cela que nous percevons aujourd’hui la loi Chatel.

Pour prendre l’exemple de la partie téléphonique, avoir une ligne téléphonique de suivi qui est gratuite ne me pose pas de problèmes en tant que telle, si ce n’est que nous avons déjà un suivi des commandes en ligne qui est gratuit.

Lorsque nous avions un suivi gratuit sur Internet et une ligne surtaxée, 95% des clients utilisés la ligne surtaxée. Ce qui veut dire qu’ils veulent un type de service différent, qu’ils veulent parler à un interlocuteur et cela a un coût.

Si on nous force à réduire les recettes qui ne sont pas des recettes pour faire des bénéfices mais qui financent le coût de traitement, cela veut dire que ce service se retrouvera à terme dans le prix du produit... Je ne suis donc pas sûr que ce soit un gain pour le consommateur.

Propos recueillis par Marjorie Encelot