Interview de Denis Thebaud : PDG d'Innelec Multimedia

Denis Thebaud

PDG d'Innelec Multimedia

Le marché du jeu vidéo va évoluer vers plus de diversité

Publié le 25 Juin 2008

Innelec Multimédia, distributeur de jeux vidéo et de logiciels, a publié au titre de l’exercice 2007-2008 un chiffre d’affaires en progression de 26,1% à 169,08 millions d’euros. Quant au résultat net part du groupe, il progresse de 1,65 millions à 2,2 millions d’euros sur un an. Porté par un secteur du jeu vidéo dynamique, Innelec Multimédia prévoit pour le prochain exercice une croissance à deux chiffres ainsi qu’une amélioration de sa rentabilité.

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre activité?
Innelec Multimédia intervient sur la distribution de jeux vidéo, de logiciels de jeux mais aussi de logiciels professionnels, de DVD vidéo et de CD audio.

Nous sommes un relais entre les éditeurs et les revendeurs. Nous distribuons les produits de près de 260 éditeurs auprès de 3 487 clients français, revendeurs de toute taille.

Nous avons différents concurrents, liés aux lignes de produits que nous traitons. Dans le domaine des logiciels professionnels, ce sont des sociétés comme Tech Data, Ingram ou Actebis. Dans celui des jeux vidéo, du DVD vidéo et du CD audio, nous avons des concurrents comme SDO, DEAM, Erbel, DEG, Sodifa, parmi les plus connus d’entre eux.

Innelec Multimédia a réalisé un chiffre d’affaires de 169,08 millions d’euros sur l’exercice 2007/2008, en progression de 26,1%. Quel a été le moteur de cette croissance ?
Un des moteurs de cette croissance a été le formidable développement de l’univers des consoles de jeux qui permet non seulement de renouveler le parc existant mais aussi de conquérir de nouveaux joueurs grâce aux nouvelles applications et fonctionnalités de ces consoles. Ainsi le fait le plus marquant de cet exercice est l’élargissement de notre cible de clientèle : les plus de 35 ans et les femmes ont été les deux principaux moteurs de la croissance du marché. Plus de clients signifie mécaniquement pour Innelec Multimedia davantage de ventes.

Comment se présente le prochain exercice ? Quels sont vos objectifs ?
Notre prochain exercice se présente sous de bons augures. Sur nos segments les plus traditionnels, le DVD vidéo et le CD audio, nous sommes loin d’avoir fait le plein de la clientèle. Sur le logiciel professionnel, nous avons une jauge en augmentation régulière.

Le moteur va continuer à être l’univers des consoles de jeux. Il va se vendre de plus en plus de consoles, notamment de consoles portables, et donc de plus en plus de jeux.

C’est une croissance qui s’appréhende en termes de foyers équipés en consoles, chaque foyer pouvant avoir une ou plusieurs consoles de jeux.

Etes-vous impactés par le ralentissement économique ?
Il est possible que nous soyons impactés. Le ralentissement économique doit avoir un impact sur tous les secteurs. Mais concernant Innelec Multimedia, il faut bien reconnaître que cet impact est peu perceptible étant donné que nous connaissons une croissance forte.

Quand vous passez de 200 km/heure à 180 km/heure, vous ne sentez pas la différence. Pour le moment, il y a sûrement un impact mais qui ne peut pas être mesuré.

Ces derniers mois ont été riches en sorties majeures sur consoles (GTA 4, Mario Kart, Wii Fit, Metal Gear Solid 4, etc.). Avez-vous remarqué un rebond de l’activité ?
La tendance de notre premier trimestre, qui couvre la période d’avril à juin, est très positive. Avec les titres que vous citez mais aussi avec d’autres titres, il y a eu une activité éditoriale soutenue et ce dans tous les types de jeux. Visiblement, le consommateur est là et a envie de consommer.

C’est encourageant. Les points de vente sont satisfaits du trafic actuel et sont optimistes. Certains joueurs renouvellent également leurs consoles. Par exemple, de nombreux utilisateurs de Playstation 2 passent à la Playstation 3, et ceux qui avaient une Nintendo DS passent à la DS Lite.

Microsoft a lancé de son côté la Xbox 360 ‘nue’ [version de base, offre Core System] qui a très bien marché. Le secteur est très dynamique et bouge énormément.

Le marché du jeu vidéo connaît une forte croissance, dépassant d’autres médias comme le cinéma en termes de revenus. Quelle est votre vision de ce secteur ?
Ce matin, je lisais un article du Times qui déclarait que ce qui nous unit, c’est le jeu. Tout le monde joue, car c’est un espace de liberté dépassant les âges et les frontières. C’est pour cela que nous pouvons être très optimistes.

Il y a bien sûr des classiques dans les jeux comme les jeux de sport ou de voitures. Mais de nouvelles formes de jeux ou de divertissement apparaissent. C’est une tendance qui dépasse l’industrie du jeu vidéo. Les gens veulent se distraire et veulent jouer en famille ou avec des amis. Cela tisse un lien mais il y a aussi l’aspect de compétition qui est fondamental.

Je pense que nous sommes sur une activité qui était un peu marginale ne touchant auparavant qu’un public d’initiés avec un accès difficile aux machines. Actuellement, le public s’élargit et je suis donc assez optimiste sur notre activité.

Comment le voyez-vous évoluer ?
Le marché va évoluer vers plus de variété et de diversité. Il va aussi vraisemblablement se désaisonnaliser.

Cela va être long mais nous en avons actuellement les prémices. Contrairement à l’activité du jouet traditionnel qui n’a jamais réussi à se désaisonnaliser, constituant l’un des points faibles de cette activité, l’activité du jeu va réussir ce processus.

Un commerçant a besoin de clients toute l’année. Les éditeurs commencent aussi à comprendre que nous pouvons avoir d’aussi bonnes ventes en juin ou en juillet qu’en novembre par exemple.

L’activité va aussi se développer en ligne. De plus en plus de jeux permettent de jouer en ligne. L’achat de cartes d’abonnement pour jouer en ligne va se développer.

C’est aussi une activité dans laquelle de nouveaux acteurs vont entrer sur le marché. Je ne crois pas que seules les multinationales vont réussir. Je crois beaucoup aux studios de développement où il y a des gens créatifs développant de très bons produits. C’est une activité où de nombreux créateurs pourront s’exprimer. Les grands éditeurs vont essayer de les phagocyter, de les absorber ou de les contrôler d’une façon ou d’une autre mais le jeu vidéo restera une activité faisant appel à beaucoup de créativité et à beaucoup de talents.

On entend souvent que le coût de développement est de plus en plus important sur les consoles actuelles. Cela ne pourrait-il pas constituer un frein à ces créateurs ?
Quand une société a moins de moyens qu’une autre, elle essaie de développer des jeux qui coûtent moins cher. Le coût de développement n’est pas forcément proportionnel à l’intérêt que suscite le jeu auprès de son public.

J’ai vu des jeux qu’Ubisoft est en train de développer, notamment pour Nintendo DS. Je n’ai pas l’impression que les coûts de développement soient gigantesques, par contre l’intérêt est bien là.

Une société peut créer une superproduction et faire au final un bide. Ce n’est pas parce qu’une société a des moyens limités qu’elle ne peut pas développer de grands succès. Regardez «Bienvenue chez les Chtis», c’est loin d’être le plus gros budget du cinéma et pourtant c’est un énorme succès.

Les coûts de développement représentent surtout un argument que les éditeurs avancent vis-à-vis de leurs clients pour justifier le fait que les prix soient élevés. Ce n’est pas forcément tout le temps vrai.

Innelec Multimédia a racheté en avril 2007 le groupement Je Console. Quel a été le bilan de cette acquisition plus d’un an après ? Quelles synergies cela vous a-t-il apporté ?
Je Console était un réseau de points de vente dans l’Est de la France, qui s’est rallié à notre société.

Le bilan est positif car le chiffre d’affaires de Je Console s’est développé plus que celui de nos autres activités. Nous avons amené à leurs poins de vente des aides promotionnelles et marketing pour dynamiser leur chiffre d’affaires.

Le bilan est donc très positif et nous a aussi permis de nous implanter à l’Est du pays où nous n’étions pas assez présent. Au global, Je Console est une opération positive pour les deux entités.

Quel a été l’objectif de la création d’Inno-wear (exploitation de licences de jeux vidéo pour produits dérivés) ?
La stratégie du groupe est de se développer dans le domaine du jeu vidéo mais aussi d’optimiser et de créer des synergies. Nous avons une connaissance des produits qui marchent ou qui ne marchent pas et des relations de longue date avec les éditeurs.

Il nous a semblé intéressant de développer des produits dérivés pour cette activité du jeu vidéo. Il y a deux objectifs à cela. D’abord, un objectif de rentabilité car l’activité de produits sous licence est plus rentable une fois qu’elle a atteint sa vitesse de croisière qu’une pure activité de distribution comme celle d’Innelec Multimédia. Sur cette dernière, nous pouvons tabler sur 2% net après impôts tandis que sur une activité de produits sous licence, nous pouvons attendre une dizaine de pourcents en cas de succès.

Il y a aussi un objectif de diversification de nos métiers et de développement à l’international. Pour le moment, Innelec Multimédia est essentiellement présente en France et dans les Dom-Tom. Inno-wear nous permet d’aller en Espagne, en Angleterre, en Allemagne et donc d’avoir une vision plus large du marché.

C’est un investissement mais il devrait porter ses fruits plus tard.

De nouvelles acquisitions sont-elles à prévoir ?
Nous pourrions éventuellement faire des acquisitions dans des activités telles qu’Internet, la gestion de sites de jeux vidéo avec un trafic important, la vente en téléchargement ou encore d’autres activités complémentaires à la nôtre.

Nous avons toujours été très prudent sur les acquisitions. Il ne suffit pas d’utiliser le chéquier, il faut aussi qu’il y ait de réelles synergies, une bonne entente avec les nouveaux collaborateurs ainsi qu’une vision commune sur les objectifs à atteindre. Nous avons quelques dossiers à l’étude.

L’action d’Innelec a perdu près de 30% depuis le début de l’année. Quel message souhaiteriez-vous adresser à vos actionnaires ?
De l’intérieur, nous ne vivons pas du tout de crise. Cette dernière est dans le cours de Bourse mais pas dans notre activité. La société se porte bien. Je dirais aux actionnaires de tenir bon puisque nous avons prévu un bon exercice 2008-2009. Il n’y a aucune raison de notre point de vue de quitter le navire.

Nous sommes une valeur de croissance et de rendement. Nous le justifions une fois de plus cette année puisque par rapport au cours du 18 juin, le rendement de l’action ressort à 6,55%.

Propos recueillis par Amine Wakrim