Interview de Bertrand Stephann : PDG de AuFeminin.com

Bertrand Stephann

PDG de AuFeminin.com

Avec auFeminin Network, nous attendons 20 millions de visiteurs uniques

Publié le 16 Mars 2009

Au titre de l’exercice 2008, vous avez fait état d’un chiffre d'affaires en hausse de 10% à 24,721 millions d'euros, tandis que le résultat net part du groupe s'est lui établi à 6,4 millions d'euros en baisse par rapport aux 8,79 ME réalisés en 2007. Quel commentaire vous inspire ces résultats ?
Nous avons essentiellement deux activités chez auFeminin : d’une part, une activité d’édition de sites Internet féminins –nous sommes d’ailleurs le premier éditeur européen de sites à destination des femmes-, qui représente 19,4 millions d’euros soit la majorité de notre chiffre d’affaires ; et d’autre part, une activité logiciel pour les campagnes publicitaires online, avec Smart Adserver, qui dégage 4,3 millions d’euros, qui est certes plus petite que l’activité d’édition, mais qui reste intéressante dans la mesure où elle est en croissance de 43% sur l’année 2008.

L’activité d’édition est pour sa part en croissance de 4% sur 2008, avec deux tendances contrastées : une performance relativement décevante en France puisque cette activité a enregistré une baisse de 11% cette année, alors qu’à l’international, on assiste à une très belle performance se traduisant par une croissance de l’activité de 74%.

Pourriez-vous nous rappeler depuis combien de temps vous êtes tournés vers l’international ?
Nous sommes positionnés depuis longtemps sur l’international, mais de manière virtuelle. C’est-à-dire qu’Auféminin a lancé très tôt des versions de son site en différentes langues, en commençant en 2001 par l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, puis avec l’Angleterre en 2005.

Nous avions donc pris des positions assez tôt, ce qui explique notre leadership d’audience dans tous ces pays… Nous sommes ainsi leader des sites féminins en Allemagne avec plus de 2 millions de visiteurs uniques, de même qu’en Espagne et en Italie.

Nous sommes plus petits en Angleterre où nous faisons 500 000 visiteurs uniques, et nous sommes également présents, via une adaptation de notre site français, en Belgique, en Suisse, au Canada et au Maroc.

Ces sites existent donc depuis longtemps, mais nous n’avions pas encore développé de filiales locales. Or quand je suis arrivé, et suite à la demande de notre actionnaire principal Axel Springer, nous avons décidé de lancer notre développement européen. Nous avons donc ouvert des filiales en Allemagne et en Angleterre cette année, et nous envisageons de continuer…

Au total, notre développement à l’international a concrètement démarré début 2008.

Cela a-t-il un rapport avec le recul de votre résultat net cette année ?
Effectivement, c’est ce qui explique la hausse significative de nos charges de personnel en particulier, puisque nous sommes désormais 111 personnes avec, de fait, des positions plus importantes en Allemagne et en Angleterre, et puis une structure française qui doit soutenir ce développement international parce qu’il faut évidemment renforcer les structures à Paris qui sont les interlocuteurs de nos filiales étrangères.

Vos charges d’investissement seront-elles comparables en 2009 ?
Je pense que la croissance des charges sera moins élevée. Sera-t-elle récurrente ? Oui probablement, dans la mesure où nous n’avons pas prévu dans nos plans de réduire nos effectifs, au contraire même. 

La croissance des charges devrait donc ralentir, grâce à l’effort de restructuration consenti en 2008 notamment, mais il est encore trop tôt pour vous fournir un chiffre précis…

Comment expliquez-vous la baisse brutale d’activité en France ?
En France, nous avons été soumis à une concurrence plus forte dans un marché globalement en croissance plus faible. Il y a 18 mois environ, à peu près au moment du rachat d’auFeminin par Axel Springer, nous étions encore relativement seuls sur ce marché de l’Internet féminin.

Mais depuis, le paysage concurrentiel français a sensiblement évolué et ce sont désormais de grands groupes de médias qui sont devenus les principaux acteurs de ce marché. Il y a bien entendu Axel Springer via auFeminin, mais également Lagardère via Elle et Doctissimo, ou encore le groupe Bertelsmann à travers Prisma Presse en France (Femmes Actuelles…), etc.

Ces grands groupes développent une stratégie dans l’Internet féminin, ce qui est plutôt une bonne nouvelle d’ailleurs, dans la mesure où cela signifie que notre marché devient plus important et est pris bien plus au sérieux par les médias et les annonceurs.

Cette chute de performance impacte surtout votre activité dans la publicité sur Internet. La crise économique et financière actuelle y contribue sans doute…
C’est évident, d’autant qu’en période de crise, on constate que les budgets publicitaires sont généralement les premiers affectés. Or nous sommes un média publicitaire, nous sommes un peu le «TF1 du web», toute proportion gardée bien sûr, ce qui implique que lorsque les budgets des annonceurs baissent, nous sommes touchés…

Cela dit, Internet est moins affecté que les autres médias, nous sommes encore sur un média globalement en croissance, ce qui n’est plus vraiment le cas de la télévision -si on exclue les chaînes de la TNT- ou de la presse par exemple.

Les deux phénomènes se sont donc combinés cette année, à savoir le renforcement de la concurrence et la baisse du marché en raison de la crise…

Mais nous ne sommes pas restés les bras croisés pour autant ! Nous avons complètement refondu notre site Internet, avec une nouvelle version de auFeminin.com sortie en septembre dernier et qui produit déjà de bons résultats.

Qu’apporte donc de nouveau cette version ?
Pour commencer, le contenu a été considérablement enrichi afin de nous positionner au même niveau qu’un grand magazine féminin papier. Nous avons également renforcé tous les services d’interactivité et de communication -ce qui correspond a un élément supplémentaire et très différenciant par rapport aux magazines papiers justement.

Nous avons également pensé à l’international en faisant cette nouvelle version, que nous avons d’ailleurs déjà lancée en Allemagne en novembre, et les autres pays devraient suivre…

Quels sont vos objectifs pour 2009, notamment en termes chiffrés ?
Nous ne donnons aucun objectif chiffré, mais nous nous plaçons bien évidemment dans un objectif de croissance. Même si le contexte économique de 2009 n’est pas évident, nous considérons être en mesure d’apporter encore de la croissance... A quel niveau ? On ne le précise pas aujourd’hui.

Cela étant, il y a clairement une volonté, de la part des annonceurs, de retour sur investissement, de performance et d’efficacité à laquelle nous répondons à travers un certain nombre d’outils et d’innovations technologiques au niveau publicitaire, avec de nouveaux formats par exemple, des outils de ciblage sociodémographiques ou par mots clés, etc.

Parallèlement, nous continuons à développer notre portefeuille de sites et notre audience… Enfin nous venons de lancer une initiative qui s’appelle auFeminin Network, et qui consiste à proposer à des sites féminins de devenir nos partenaires et ainsi de rejoindre notre réseau ce qui nous permet d’augmenter l’audience et ainsi la puissance publicitaire que l’on peut offrir.

A travers ce réseau, nous prévoyons d’atteindre 20 millions de visiteurs uniques mensuels sur l’ensemble de l’Europe, répartis en 18 millions pour notre groupe et 2 millions pour les sites partenaires.

Quelles sont les modalités de ce type de partenariat ?
Nous sommes clairement dans une logique de monétarisation pour les sites partenaires, c’est-à-dire que grâce à notre groupe, ces sites peuvent avoir accès à certains annonceurs… Pour résumé, disons que nous intervenons un peu comme si nous étions leur régie publicitaire.

Quel premier bilan tirez-vous de l’acquisition d’Onmeda.de ?
Nous sommes très satisfaits de cette acquisition, d’une part parce que le site se développe bien –il progresse en audience, le contenu est qualitatif et jouit d’une bonne notoriété…-, par ailleurs l’intégration avec notre filiale Go feminine s’est très bien passée, si bien qu’aujourd’hui, nous avons une filiale unique, Gofeminine.de, qui regroupe Go feminine -donc notre site en Allemand- et Onmeda.de.

Du reste, nos filiales étrangères sont d’ores et déjà rentables, certes avec un niveau de marge inférieur à la France, mais il faut le temps de se développer et de toute façon, nous sommes déjà dans une croissance rentable…

Quand estimez-vous pouvoir atteindre un niveau de rentabilité proche de la France ?
C’est difficile à dire, mais nous nous sommes donnés entre 2 et 3 ans…

Dans un communiqué du groupe, vous dites vouloir saisir les opportunités d'acquisition afin d’améliorer la rentabilité globale d’auFeminin. De quel montant disposez-vous pour ces acquisitions et visez-vous des zones géographiques  précises ?
Etant le premier portail européen, nous privilégions toujours l’Europe. Nous n’avons pas de contraintes précises par rapport à un pays, nous sommes déjà positionnés de manière assez large.

En toute occurrence, notre trésorerie atteint désormais 16 millions d’euros et nous n’avons aucune dette, ce qui signifie que nous disposons d’une bonne marge de manœuvre pour investir…

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy