Interview de Michel Koutchouk : Directeur Général d’Infotel

Michel Koutchouk

Directeur Général d’Infotel

Nous souhaitons devenir leader de la dématérialisation d’ici 2012

Publié le 29 Avril 2009

Vos résultats pour l’exercice 2008 font notamment ressortir un chiffre d’affaires en progression de 7% à 88,5 millions d’euros, ainsi qu’un bon niveau de marge opérationnelle, de 10,1%… Quel premier commentaire ces chiffres vous inspirent-ils ?
Nous sommes assez satisfaits de ces résultats. La croissance est au rendez-vous : alors que nous avions annoncé auparavant dans le chiffre d’affaires, une croissance d’un peu moins de 5%, nous constatons maintenant, après retraitement pour être à périmètre comparable –puisque nous avions racheté une société en 2007-, que la croissance organique ressort à 7%...

A cette croissance du chiffre d’affaires, s’ajoutent par ailleurs un bon niveau de marge opérationnelle, qui atteint cette année 10,1%, et, en résultat net, une marge de 7,7% également en amélioration. De quoi être assez satisfaits, surtout par les temps qui courent…

Quels ont été les moteurs de croissance ? Quelle est la part récurrente de votre chiffre d’affaires ?
Infotel a deux spécialités : nous sommes à la fois une société de services et un éditeur de logiciels.

Au niveau de la société de services, notre caractéristique principale, et qui correspond au moteur de croissance, c’est d’avoir pris, depuis quelques années déjà, le virage des prestations au forfait, en particulier avec les centres de services. C’est-à-dire que nous réalisons pour des grands comptes de la maintenance, de l’entretien, autrement dit de la «tierce maintenance applicative» ou de «l’info gérance applicative», ce qui représente aujourd’hui plus de 62% de notre activité de services.

Ce sont donc ces prestations forfaitisées qui sont, d’une certaine manière, sécurisées c’est-à-dire qu’elles sont récurrentes d’une année sur l’autre, ce qui nous permet d’éviter ce qu’ont connu d’autres acteurs fonctionnant surtout en régie, c’est-à-dire des coupes immédiates de personnel. 

Quant à l’activité de logiciels, ces deniers ont trait aux grandes bases de données et sont revendus, pour la plus grande partie aujourd’hui, par IBM dans le monde entier. Nous recevons donc des royalties, exprimés en dollar ce qui rend les choses un peu aléatoire étant données les variations du cours du dollar face à l’euro ces dernières années…

Quoiqu’il en soit, cela nous apporte tout de même du chiffre d’affaires, et ces royalties sont presque de la marge puisque nous n’avons pas de forces de vente en propre…

Comment expliquez-vous la faiblesse de l’activité Logiciels, en repli de 3,8% sur l’année ?
Il y a à la fois l’effet de la baisse du dollar, et l’impact du dernier semestre qui n’a pas eu la croissance que l’on observe en général à la fin de l’année. Traditionnellement en effet, les logiciels se vendent mieux en fin d’année parce qu’on attend d’avoir épuisé les budgets…

Or le second semestre 2008 a été particulièrement morose, et comme nous vendons surtout aux Etats-Unis, la morosité a d’abord été ressentie là-bas avant d’atteindre l’Europe.

Quel a été l’impact de la variation du dollar sur vos comptes ? Pouvez-vous compenser ces pertes en augmentant vos tarifs ?
Nous estimons que cette baisse atteint 6% sur l’ensemble de l’année. Ceci étant, nous ne pouvons pas augmenter nos prix dans la mesure où c’est IBM qui conserve la maîtrise des prix. Nous ne faisons que toucher la partie de royalties qui nous revient.

D’autant que, si nous vendions nous-mêmes nos produits, nous ferions plus de chiffre d’affaires certes, mais nous ferions moins de marge, il n’y a donc pas de quoi se plaindre…

Vous dites avoir peu ressenti la conjoncture économique sur votre activité…
Nous avons ressenti la crise comme tout le monde, en particulier au second semestre, mais peut-être moins que les acteurs du secteur faisant 100% de régie.

Nous l’avons donc surtout ressentie par des décisions d’achats qui ralentissent et par une pression sur les prix qui ne se relâchent pas, mais nous n’avons pas enregistré, ou très peu, de coupes nettes. Nous avons effectivement perdu quelques postes, parce que nous avons aussi une activité de régie, mais il ne s’agit pas du tout d’une hémorragie comparable à ce que d’autres ont pu connaître.

Quelles sont vos perspectives pour 2009 ?
Nous avons deux visions : d’une part, nous sommes sur des projets stratégiques, c’est-à-dire que nous travaillons vraiment sur les cœurs des systèmes d’information. Or parmi nos principaux clients, on trouve des banques, des sociétés d’assurance où la machine-outil de production est l’ordinateur : aujourd’hui, nous sommes sur des applications web qui communiquent avec les bases de données, et il est bien évident que ce n’est pas là où se trouvent ces applications que l’on va couper.

Au contraire même, on a besoin d’être beaucoup plus présent auprès des clients, qui vont de plus en plus aller regarder les informations via le web, pour faire de la maintenance et faire ainsi évoluer les applications sans nécessairement les rénover intégralement.

Nos clients n’ont en effet pas de budget de rénovation, mais des budgets d’entretien. Dans la mesure où nous faisons justement de l’entretien, nous avons moins de difficultés que ceux qui s’attaquent à de nouveaux projets…

Pour autant aujourd’hui, nous ne faisons pas de prévisions de croissance puisque nous n’y voyons pas encore clair, mais nous ne faisons pas non plus de prévisions de récession, nous attendons que l’horizon s’éclaircisse pour voir ce que sera la croissance.

Quand on regarde les prévisions aussi bien d’IDC, de Gartner que de Pierre Audouin Consultants, on constate que nous sommes plutôt, dans nos secteurs (Logiciels et Services), sur des tendances de croissance de 3% environ, contre 5% l’an dernier.

Il s’agit donc de croissances positives, mais avec une pression sur les prix et des incertitudes sur l’ampleur des applications que l’on peut développer. De fait, même avec un client comme Peugeot, que nous suivons depuis 30 ans environ, nous avons des inquiétudes sur les renouvellements, mais il n’y a pas de coupes sombres.

Vous êtes-vous fixés des objectifs chiffrés pour le nouvel exercice ?
Pour le moment non et nous ne sommes pas les seuls ! Tant que l’économie n’y voit pas clair, il reste difficile de se positionner...

Quels seront vos axes de développement en France et à l’international ? Envisagez-vous de réaliser de la croissance externe ?
Pour ce qui concerne les acquisitions, nous continuons d’étudier des dossiers, dans la mesure où nous disposons des ressources financières nécessaires : notre trésorerie est confortable avec plus de 21 millions d’euros, et nous n’avons aucune dette…

Cela étant, il y a encore aujourd’hui deux problèmes : d’abord, concernant la qualité des dossiers -nous souhaitons acheter des sociétés ayant une réelle cohérence par rapport à Infotel-, ensuite, pour ce qui touche aux prix : ces derniers sont trop décalés par rapport à notre valorisation, et notre cours s’étant encore dégradé, le comparatif reste en notre défaveur.

Cela n’empêche cependant pas notre développement que nous poursuivons en France comme à l’étranger. En France d’abord, parce que nous avons une clientèle composée de grands comptes (BNP, Peugeot, EADS, etc.) qui souhaitent faire baisser les coûts. Pour se faire, il existe globalement deux solutions : l’offshore et le nearshore.

Pour l’offshore, on constate un mouvement de retour en arrière parce que les coûts cachés de l’offshore (coûts d’implantation, de communication etc.) s’avèrent importants. Nos clients préfèrent donc aujourd’hui une solution de nearshore. Pour exemple, nous sommes en train de convertir un projet qui devait être en offshore à l’origine, pour installer finalement un plateau de nearshore à Nantes. Nous le faisons également à Toulouse et nous venons d’annoncer l’ouverture d’un centre de services à Brest à la fin du mois…

Nous ne nous développons pas de la même manière à l’étranger étant donné que notre stratégie consiste surtout à suivre nos clients. Ainsi avec EADS, nous sommes fournisseurs de premier niveau, ce qui nous donne un certain nombre d’ouvertures, en particulier des ouvertures vers les filiales d’EADS implantées à l’étranger. Nous travaillons ainsi pour Airbus, en Espagne et en Allemagne. Nous pouvons donc, de cette manière, avoir une couverture internationale mais satisfaisant en premier lieu les besoins de nos clients…

Pourriez-vous nous détailler le plan «Ambition 2012» ?
Nous souhaitons, durant cette période courant jusqu’à 2012, nous développer et montrer en interne et en externe que nous avons une ambition claire.

Notre plan «Ambition 2012» consiste donc à poursuivre ce que l’on fait déjà, en le faisant mieux et en suivant deux axes majeurs : en premier lieu, poursuivre notre stratégie de proximité en ouvrant des centres de services pour améliorer encore notre couverture des besoins en services et pour faire en sorte que la quasi-totalité de cette activité devienne une activité de prestations forfaitisées. Cela correspond non seulement à un besoin mais aussi à une évolution de nos clients.

Nos clients veulent en effet avoir des prestataires de services à valeur ajoutée. Une banque par exemple veut pouvoir s’appuyer sur des prestataires qui font de l’informatique à 100%. Quelque soit les branches d’activité (l’aéronautique, les banques, le transport, l’industrie etc.), tout le monde se dirige vers cette notion de centre de services avec des prestations forfaitisées, et doté d’une interface claire.

Enfin, le second axe doit nous conduire à devenir le leader de la dématérialisation. Nous étions déjà le leader de la dématérialisation il y a 25 ans, mais le marché n’était pas encore prêt.

Aujourd’hui, on voit que ce marché est beaucoup plus réceptif et qu’il y a énormément d’applications à faire, que nous faisons d’ailleurs déjà chez nos clients : nous faisons de la dématérialisation de factures ; nous avons également des applications d’archivage patrimonial comme par exemple pour le Centre informatique national de l’enseignement supérieur (CNES) qui concentre et archive tous les travaux de l’enseignement supérieur ; nous faisons aussi du coffre-fort numérique…

Il y a donc toute une galaxie d’applications qui deviennent, avec l’augmentation des coûts du papier notamment, de plus en plus stratégiques pour de la dématérialisation complète.

Nous détenons donc un savoir-faire nous permettant de revenir sur ce marché encore balbutiant il y a 25 ans, pour en faire un véritable vecteur de croissance pour notre groupe.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy