Interview de André Martinie : PDG de Freelance.com

André Martinie

PDG de Freelance.com

La LME a tendance à augmenter notre besoin en fonds de roulement ce qui est délicat en période de crise (Freelance.com)

Publié le 16 Septembre 2009

Votre chiffre d'affaires s'est établi à 22,8 millions d’euros, en repli de 6,1% par rapport au chiffre d'affaires pro forma du 1er semestre 2008 (24,2 millions d’euros). Comment expliquez-vous ce résultat ? Quel a été l’impact de la crise économique sur vos activités ?
Freelance.com est présent sur deux principaux métiers : le freelancing, c’est-à-dire l’activité qui consiste à trouver des experts indépendants pour des clients, pour la plupart des grands comptes, qui cherchent à externaliser une partie de la réalisation de leurs projets, essentiellement informatiques. Notre second métier est  le portage salarial, qui fonctionne un peu différemment puisque ce sont les consultants portés qui cherchent eux-mêmes leurs missions et nous demandent alors de transformer leurs honoraires en salaire et cotisations sociales afin de disposer ainsi d’un statut de salarié.

Il s’agit donc de deux business model très différents.

Dans le freelancing, notre activité se porte bien puisqu’elle s’est établie en légère croissance au cours de la première moitié de notre exercice 2009. Il est vrai toutefois que nous percevons un très léger fléchissement dont l’essentiel provient de nos clients SSII. Ces sociétés réduisent actuellement drastiquement la part de la sous-traitance dans leur activité et font donc moins appel à des freelances. Il y a quelques mois, l’activité de freelancing que nous réalisions avec ces SSII représentait 7 à 8% de notre portefeuille client. Cette activité est aujourd’hui quasiment tombée à 0%. Inversement, c’est le dynamisme du reste de notre clientèle, qui s’est substituée aux SSII, qui nous permet donc d’être en croissance dans le freelancing.

Concernant le portage salarial, cette activité traverse la première crise de son histoire. Ce métier est beaucoup plus diversifié dans la nature des missions demandées par les clients -du consulting pour l’essentiel et très peu d’informatique-. Il s’agit de missions qui sont plus souvent considérées comme non stratégiques en période de crise.  C’est pour cette raison qu’elles font partie des budgets que les entreprises ont tendance soit à couper, soit à suspendre, soit à ralentir.  

A la crise économique est venu également s’ajouter un autre phénomène avec l’apparition sur le marché, depuis le début de l’année, d’un nouveau concurrent du portage salarial : le statut d’auto entrepreneur. Une solution intéressante pour démarrer une activité de consultant indépendant dans la mesure où, tant que vos honoraires ne dépassent pas 32 000 euros par an, ce statut est beaucoup plus simple et surtout moins onéreux en termes de cotisations sociales que ne l’est le statut de salarié dans le cadre du portage salarial.

Je pense que lorsque l’économie redémarrera, probablement dans le courant de 2010, on verra le portage salarial redresser la tête ; d’ici là, il faut réaliser des économies, mais cela ne changera pas notre ambition qui demeure d’être un acteur important sur ce marché. 

En règle générale, notre chiffre d’affaires augmente très naturellement en période de sortie de crise, alors que pendant les crises, ce dernier a plutôt tendance à faire preuve d’une bonne résistance en demeurant stable.

Comment a évolué la demande sur les six premiers mois de l’année ? Comment pourrait-elle évoluer sur le reste de l’exercice ? Et par secteurs d’activité (banques etc.) ?
La demande évolue relativement peu en termes de nature des prestations : nous ne sommes pas en train d’assister à la disparition des technologies qui dominent actuellement le marché, ou à l’éclosion d’une nouvelle technologie. Par exemple, l’open source progresse bien mais il n’explose pas.

En revanche, et c’est une tendance particulièrement lourde notamment chez les grands comptes du CAC40 et du SBF120, on assiste déjà depuis plusieurs années à un découpage des missions, qui se raccourcissent de plus en plus. Il y a quelques années, on nous confiait facilement des missions d’une année et demie, puis on a commencé à segmenter, c’est-à-dire qu’une mission d’un an et demie était découpée en trois missions de 6 mois. Désormais, les missions sont découpées en périodes successives de 3 mois. Les clients gagnent ainsi en flexibilité.

Sur le reste, je pense que la LME (Loi de modernisation de l’économie) a eu tendance à créer des difficultés pour les entreprises qui travaillent pour les très grands comptes en matière de délais de paiement. Cette loi s’est en effet très rapidement imposée aux PME, or on n’assiste pas à la même chose de la part de certains grands comptes. Cela induit que certaines entreprises de sous-traitance comme la nôtre, peuvent avoir des évolutions importantes dans leurs trésoreries alors que leur activité se porte bien.

En résumé, la LME a tendance actuellement à augmenter de manière sensible notre besoin en fonds de roulement ce qui est évidemment délicat en période de crise économique.

Qu’en est-il de vos prix ?
On ne constate pas, pour l’instant, de variations visibles. Nous sommes plutôt dans une période de stabilité avec une sensible augmentation des pressions à la baisse mais qui n’ont pas encore atteint un stade nous permettant de dire que nous sommes en période déflationniste sur les prix.

Envisagez-vous de réaliser des acquisitions ?
Nous avons déjà annoncé que nous souhaitions poursuivre notre politique d’acquisition, et c’est toujours le cas. Nous étudions des dossiers, toujours dans le portage salarial, mais nous avons également des projets à financer dans d’autres domaines dont je ne peux pas encore vous parler.

Il s’agirait du développement d’une nouvelle activité ?
Oui, exactement, mais je ne peux rien dire de plus pour le moment.

Propos recueillis par NS