Interview de Nègre Stéphane : Directeur général d'Intel France

Nègre Stéphane

Directeur général d'Intel France

Nous sommes confiants sur le fait que la hausse de notre CA correspond à une hausse de la demande utilisateurs (Intel)

Publié le 15 Octobre 2009

Si les chiffres du troisième trimestre présentés par Intel sont plutôt flatteurs, le constat l’est déjà moins en comparaison de l’année 2008 : le bénéfice net est ainsi en recul de 7,8%, et le chiffre d’affaires en retrait de plus de 800 millions de dollars à -7,8% également. Quel commentaire vous inspire ces résultats ? Quels ont été les moteurs de croissance sur la période ?
Nous sommes en premier lieu très satisfaits des résultats de notre troisième trimestre, dans la mesure où ils montrent une croissance forte par rapport au second trimestre. Par ailleurs, en termes de CA, nous avons pu constater que nous avions eu une croissance par rapport au trimestre précédent sur différents segments [grand public et entreprise] et sur toutes les géographies, y compris l’Europe.

Cela étant, ainsi que vous l’avez souligné en comparant les résultats de 2009 par rapport à 2008, nous avons eu une crise économique extrêmement importante. Maintenant, peut-être en sortons-nous plus rapidement qu’anticipé, mais nous sommes toujours avec des résultats inférieurs à ce qu’ils étaient en 2008.

Cela étant, le décrochage est bien moindre puisqu’en début d’année, nous avions une décroissance d’environ 23% par rapport au premier semestre 2008, or au troisième trimestre, cette décroissance n’est plus que de 7,8%, nous nous rapprochons donc des niveaux de revenus de 2008. Nous ne sommes pas passés indemnes au travers de la crise, mais nous observons une reprise relativement forte actuellement.  

Quant est-il des plans de réduction de coûts ?
Les plans de réduction de coûts ne doivent pas être pris comme des plans de réductions de personnels ou d’activité. Nous sommes sur un mode de fonctionnement où les coûts d’investissements les plus importants d’Intel se passent dans les usines. Il faut donc que nous investissions en permanence pour réduire nos coûts de fabrication. Aujourd’hui nous sommes en transition d’un process de fabrication pour passer de puces de 45 nanomètres à 32, ce qui nécessite des investissements en R&D et en capacité de production, mais le résultat sera une baisse des coûts fonctionnels et de fabrication pour maintenir voire améliorer notre marge brute dans les trimestres qui viennent.

En chiffre, cette amélioration de la marge brute…
Pour l’exercice du troisième trimestre, nous avons une marge brute supérieure à 57% ce  qui est un indicateur important sur le marché des semi-conducteurs, dans la mesure où cela montre que nous contrôlons les coûts et que nous utilisons au mieux nos capacités de production. Cette croissance de la marge brute s’explique par deux choses :
D’abord, par le taux d’utilisation de nos usines qui s’est sensiblement amélioré grâce à la reprise du marché, ensuite, par la réduction des coûts de fabrication grâce au transfert d’une technologie vers une autre (de 45 nanomètres vers le 32) or nous sommes en cours de transfert.

Cela nous laisse espérer une marge brute encore en progression sur le quatrième trimestre, qui pourrait atteindre 62%.

Le résultat opérationnel s'est établi à 2,58 milliards de dollars, en baisse de 17% sur un an. Ceci «hors amende de la Commission européenne», quel peut encore être l’impact de cette dernière sur vos résultats ?
L’impact de l’amende a été intégralement provisionné au second trimestre. Pour mémoire, nous avions eu au second trimestre un résultat opérationnel positif, un résultat avant paiement de l’amende également positif. Malgré tout, nous avons provisionné au deuxième trimestre une amende un peu supérieure à 1 milliard d’euros, ce qui avait fait apparaitre des résultats négatifs au deuxième trimestre. Ensuite, l’amende a été payée intégralement au troisième trimestre, donc les résultats sur ce trimestre ne sont pas impactés par ce paiement d’amende. Donc les résultats opérationnels d’aujourd’hui reflètent réellement les résultats de notre activité…

Quel bilan tirez-vous de la vente des microprocesseurs lancés cette année, Atom et Core i7 ?
On peut séparer à peu près trois grandes familles de processeurs :
-Le premier concerne la famille des microprocesseurs dédiés aux serveurs d’entreprises. Au troisième trimestre, nous avons enregistré un revenu record d’un milliard de dollars sur cette famille, ce alors que le marché de l’entreprise, toujours en reconstruction, n’est pas encore vraiment sorti de la crise…
-La seconde famille concerne le marché du PC traditionnel portée notamment par la famille Core et les nouvelles générations de Core
-La dernière concerne le marché des mini-PC ou notebook portée par la famille Atom.
Dans ces deux derniers sous-segments, c’est la division PC mobile hors mini-PC portée par Atom qui a bénéficié de la plus forte croissance au troisième trimestre, ce qui est un indicateur important dans nos résultats dans la mesure où cela indique que la croissance sur le marché du PC à haute performance s’est mieux comportée que celle du marché du mini-PC qui représente certes un vecteur de croissance important en termes d’unités mais à des niveaux de coûts plus bas.

S’agit-il d’une tendance de fond selon vous ?
Je pense que la véritable opportunité d’Atom pour Intel, c’est quand Atom va entrer en volumes visibles dans des segments qui ne sont pas vraiment ceux du PC, tels que le segment de l’électronique grand public avec les box ou boitiers qui vous permettent de récupérer sur Internet, ou le câble, de la télévision numérique ou des systèmes interactifs basés sur Internet ou mixant la télévision et Internet… Il s’agit là d’opportunités de croissance très importantes pour Atom.

Il en est de même pour la téléphonie mobile avec les Smartphone, c’est-à-dire tous les produits à très forte mobilité, avec un potentiel de croissance de revenus pour Intel extrêmement fort. Je ne dis pas que ce qui se passe dans le marché du notebook n’est pas intéressant pour Intel, mais le véritable potentiel de croissance pour Atom, c’est quand ce dernier sera beaucoup plus visible sur de nouveaux marchés plutôt que dans une évolution du marché des PC comme nous l’observons actuellement.

Nous n’avons pas encore d’évaluations de ces nouveaux marchés, mais notre PDG, Paul Otellini, estime qu’en 2014, 50% de notre production de processeurs seront dédiés à des nouveaux formats de PC et à ces nouveaux segments comme la téléphonie mobile ou l’équipement automobile etc.

Faut-il de ce fait lire les ambitions d’Intel en matière de téléphonie dans l’acquisition récente de Wind River Systems ?
Wind River est un leader sur le marché de la plateforme logiciel notamment pour le secteur du marché de l’embarqué. Son acquisition permet donc à Intel d’avoir une offre qui va au-delà du processeur uniquement, et qui offre des blocs de base comprenant le processeur mais aussi les couches basses logiciels à partir desquelles les intégrateurs peuvent développer des applications ou des produits finis. C’est donc une opportunité importante pour les processeurs d’Intel de devenir pertinents sur des marchés où ils ne sont pas encore suffisamment visibles aujourd’hui.

Certains éléments tels que la hausse de 5,3 % des ventes de semi-conducteurs en seulement un mois, entre juin et juillet [source : SIA, la Semiconductor Industry Association], font croire à une vraie reprise du secteur informatique. Ne s’agit-il pas simplement d’un renouvellement des stocks ?
Quand nous sommes rentrés dans la crise, il y a eu un effet multiplicateur de son impact porté par le fait qu’un stock important s’était créé, or pour éliminer ce stock, les fabricants informatiques ont arrêté de passer des commandes.

Aujourd’hui, alors que l’on voit une reprise sensible des commandes, nous restons prudents en suivant de près ce qui se passe sur la demande finale, donc utilisateur, pour ne pas être «leurré» par une demande qui serait du restockage de la chaîne de distribution. A ce jour, nous sommes relativement confiants sur le fait que l’augmentation de notre chiffre d’affaires correspond précisément à une augmentation de la demande utilisateur, avec un faible impact résultant d’un restockage dans la chaîne logistique, nous ne pensons donc pas qu’il y a un risque important sur le quatrième trimestre ou sur le premier trimestre de l’année prochaine. Il n’y a pas de bombe à retardement à appréhender de ce côté-là...

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy

claire