Interview de Diane Bruno : Gérante actions Small & Mid Caps au sein de Mandarine Gestion

Diane Bruno

Gérante actions Small & Mid Caps au sein de Mandarine Gestion

Parmi nos principales convictions Ipsos, Zodiac et Sopra

Publié le 03 Juin 2011

Sur les dix dernières années, la surperformance des small et mid caps est importante. Entre 2001 et 2010, le Stoxx small 200 a gagné 36% alors que le Stoxx large 200 a perdu 30%. En dividendes réinvestis, le Stoxx small 200 a gagné 79% alors que le Stoxx large 200 a perdu 3%. Vous avez la conviction que les raisons qui ont contribué à cette surperformance sont toujours valides pour la décennie à venir...
Les small et mid caps, autrement dit les sociétés dont la capitalisation est comprise entre 300 millions d'euros et 5 milliards d'euros selon notre définition, présentent l’avantage d’avoir des business models de niche qui n'intéressent pas forcément les grandes entreprises. Beaucoup peuvent devenir des leaders mondiaux avec des parts de marché très importantes. Les small et mid caps offrent ainsi une véritable diversification économique par rapport aux larges caps.

Contrairement à l'idée reçue, les small et mid caps sont très internationales. Dans le secteur automobile, les équipementiers comme Valeo, Faurecia, Plastic Omnium sont davantage tournés vers l’extérieur que les constructeurs. Ces sociétés bénéficient, de ce fait, de la croissance économique mondiale comme moteur. Une société comme Biomérieux est en Chine depuis les années 90. Seb a également commencé son internationalisation avec la Russie et l'Amérique latine il de cela plusieurs années.

Les small et mid caps ont aujourd’hui des structures financières solides. Sur le Stoxx small 200, 17% de l'indice est en trésorerie nette et 45% de l'indice affiche un ratio dette nette sur Ebitda inférieur à 2,5 fois ce qui est une proportion d'endettement correcte.
Ces sociétés ont su tirer les leçons de la crise de 2008 pendant laquelle les vannes du crédit se sont refermées. Elles se sont massivement restructurées. Lorsque l'on discute avec les directions de ces sociétés, pour la plupart, la volonté affichée est de gagner en indépendance vis à vis des banques. La situation financière tend ainsi à coïncider avec les perspectives de développement tant sur le plan domestique qu'à l'international.

Cette solidité financière permet à ces sociétés d'investir dans de la croissance externe. Parce que Bic, Zodiac, Ingenico, ne sont pas des capitalisations énormes, ils peuvent faire des acquisitions de taille raisonnable et changer de dimension sur le marché mondial.

Cette croissance externe tend à stimuler le cours de bourse de ces sociétés bien plus que pour les sociétés de grandes capitalisation.

Qu’entendez-vous par là ?
Concernant, les sociétés du CAC 40, les acquisitions sont souvent moins structurantes : en effet, la croissance externe doit être de taille très conséquente pour qu’elle change le profil du prédateur. Si ce type d’opération peut arriver, elles sont souvent considérées comme risquées par les investisseurs comme cela a été le cas avec la rumeur selon laquelle Scheider convoiterait Tyco, un grand acteur américain.

Quid du catalyseur qui résiderait dans le fait que ces small et mid caps se présentent comme des proies éventuelles ?
Les small & mid cap sont souvent considérée comme des cibles. Nous considérons qu’il est difficile d’investir sur une valeur uniquement sur son statut de cible. Nous considérons plus les fusions acquisition comme la cerise sur le gâteau. Dans le secteur des biotechs, les opérations sont monnaie courante dans la mesure où les géants de la santé ne peuvent plus développer à leurs frais de la R&D.

Cependant une société comme Meetic s'est faite acheter à un cours de 15 euros soit sous son cours d’introduction en bourse.

On évoque depuis longtemps le possible rachat de Guyenne et Gascogne et par Carrefour. Or le grand distributeur est plutôt dans une logique de spin off de son activité discount avec Dia.

On reproche souvent aux small et mid caps leur volatilité ?

La volatilité des small et mid caps au final est semblable à celle des larges caps. Il est vrai que si l'on considère une small cap individuellement celle ci sera plus volatile qu'une large cap. Cependant si le portefeuille de titres est bien construit et bien diversifié, la volatilité s'en trouve amoindrie dans la mesure où les valeurs sont décorrélées économiquement.

On reproche également le manque de liquidité ?
La liquidité peut indéniablement être un handicap. C'est le travail du gérant de surveiller la liquidité de son portefeuille et de surveiller le laps de temps qui lui sera nécessaire pour sortir un titre le cas échéant.

L'idée est de combiner des titres de manière à ce le portefeuille puisse être vendu en une journée.

Nous avons fait le choix de limiter à moins de 10% du portefeuille les valeurs de moins de 300 millions d'euros. On ne souhaitait pas avoir beaucoup de lignes peu liquides. En conséquence, il nous est possible de liquider 80% de notre portefeuille en une journée.

Comment contrôler cette liquidité ?

La liquidité ne dépend pas seulement de la capitalisation des sociétés a proprement parler. Elle dépend plus du flottant, autrement de la part du capital librement échangé. Pour tout investisseur qui entre seul dans une small et mid, il faut qu’il considère cette part du flottant. Si une société fait 300 millions d’euros de capitalisation mais qu’elle a seulement un flottant de 30%, cela signifie que seulement 100 millions d’euros sont librement échangés. Cela reviendrait pour l’investisseur à miser sur une société dont la capitalisation fait 100 millions d’euros mais avec un flottant de 100%.

On peut mettre plusieurs jours avant de sortir d’une valeur ?

Tout dépend donc du flottant et de la position détenue sur le titre, une position importante ou pas.

De quelle manière gérez-vous la problématique de la transparence ?
Nous n’avons pas de vrai souci de transparence. Nous n’investissons pas sur le marché libre, uniquement sur le marché réglementé et parce que nous voulons que l’entreprise cotée soit dans l’obligation de rendre régulièrement des comptes à l’investisseur (historique de comptes de deux ans, comptes annuels et semestriels).

Ces sociétés cotées sur le marché réglementé jouent le jeu, publient fidèlement leurs comptes, font des road shows avec les directeurs financiers ou responsables investisseurs, organisent des réunions d’analystes. Il est alors possible d’interpréter les résultats de ces sociétés et d’aller vers ces valeurs avec une information suffisante pour se forger son opinion.

Ceci étant, toute société cotée à un moment donné de sa vie boursière peut décevoir. Le problème de transparence peut aussi bien concerner les small et mid caps que les larges caps.

Au niveau européen, la société Pandora, introduite en bourse en 2010, qui fait des bracelets ‘charms’ a connu des problèmes de communication. Le groupe qui a déçu deux fois de suite a ainsi perdu plus de 40% de sa valeur en 2011. La société mettra du temps à retrouver la confiance des investisseurs.

Faut-il un horizon d’investissement pour aller dans le compartiment des small et mid caps ?

Il faut toujours un horizon d’investissement quand on investit dans les actions car ce sont des actifs risqués. Piur autant je ne pense pas qu’il y ait un horizon spécifique aux small et mid caps.

Qu’en est-il de votre turnover ?
Le turnover dépend de la volatilité des marchés. En général, nous achetons une action avec un potentiel de revalorisation de plus de 20%. Le turnover dépendra de la vitesse à laquelle la hausse de l’action interviendra.

Est-il pertinent d’aborder cette classe d’actifs par le biais de la valorisation ?
Nous préférons l’aborder sous l’angle de la croissance. Pour des gérants croissance, la valorisation absolue n’est pas le meilleur angle d’attaque. Les small et mid caps sont valorisées plus chères que les grandes capitalisations. Nous sommes près à payer ce différentiel de valorisation s’il est justifié par de la croissance.

Quel potentiel de revalorisation peut-on escompter ?

Selon nous, le potentiel de rerating boursier est fonction de la croissance des bénéfices. A moyen terme, ces perspectives de croissance bénéficiaires permettront la poursuite de la hausse des marchés actions et des small & mid caps en particulier.

Dans le contexte actuel, quelles sont les secteurs qui vous semblent les plus porteurs ?

Nous raisonnons davantage en termes de thématiques. La thématique de la consommation dans les pays émergents nous semble plus que pertinente. Si la croissance de la Chine a vocation à ralentir, les autorités du pays entendent renforcer la classe moyenne. Dans cette thématique, nous aimons beaucoup Seb qui fait plus de 50% de son chiffre d’affaires dans les pays émergents, Piaggio qui délivre plus de 30% ses profits en Inde et en Asie, Ipsos qui fait 30% de son chiffre d’affaires chez les émergents.

Une autre thématique est la consommation sur Internet. Sur cette ligne, nous trouvons Asos ou Delticom.

Une dernière thématique est l’économie et la sécurité énergétique. Les normes environnementales et les normes qui ont trait à la protection se veulent plus strictes. Beaucoup d’équipementiers automobiles et d’équipementiers pétroliers sont concernés. En cela, nous pouvons mentionner une société comme Rheinmettall, une société allemande dont la division automobile fabrique des des pièces permettant d’améliorer la performance énergétique des moteurs. Dans le parapétrolier, nous trouvons Shoeller Bleckmann, une société autrichienne qui bénéficiera des réglementations plus strictes sur l’exploitation les champs pétroliers en offshore profond.. Nous avons également Bureau Veritas en France qui est présent dans les activités de contrôle qualité.

Quelles sont vos principales positions ?

Nous avons deux fonds, un fonds européen et un fonds français. Dans le fonds européen, les principales positons sont Andritz, une société autrichienne qui construit des usines clé en main en hydroélectricité, Homeserve, une société anglaise qui assure des polices d’assurance, et Bucher. Dans le fonds français, nos principales positions sont Ipsos, Zodiac et Sopra.

Propos recueillis par Imen Hazgui