Interview de Pierre Guillemin : Directeur de la gestion diversifiée et Actions chez  Swiss Life Asset Management

Pierre Guillemin

Directeur de la gestion diversifiée et Actions chez Swiss Life Asset Management

Actions françaises 2014 : un peu moins de 30 valeurs présentent un intérêt tout particulier parmi lesquelles ADP, Eurotunnel, Neopost, Eiffage, Safran, Téléperformance, Ingenico, Eurofins, Orpéa, Nexity, Technicolor, Plastic Omnium, Wendel

Publié le 11 Février 2014

Que vous inspire le marché des actions françaises cette année ?
Depuis le 31 décembre 1999 et jusqu'au 31 janvier 2014, le Cac 40 dividendes réinvestis a gagné 7,71%. L'indice des valeurs de moyenne capitalisation représenté par le CAC Mid 60 affiche une performance de 106.60% sur la même période tandis que les petites capitalisations (indice CAC Small 90) ont délivré 71,34%.

En cela, je dirais que les grandes capitalisations françaises sont un peu l’arbre qui cache la forêt. Ce n’est pas au niveau de ces actions que la valeur ajoutée est générée.
L’économie française, si l’on se fie aux entreprises un peu moins sous les feux de la rampe- qui en s’appuyant sur leur savoir faire sont parvenues à innover et à gagner des parts de marché au niveau national et international-est plus dynamique qu’on ne le pense ou n’est pas aussi noire qu’on veut bien l’imaginer. Attention à ne pas se laisser entrainer dans la morosité.

En considérant l’ensemble de l’univers des actions françaises, vous mettez en évidence un peu moins de 30 valeurs qui présentent un intérêt tout particulier. Quelles sont-elles ?

Nous avons tout d’abord ADP qui bénéficie d’une augmentation sensible des flux de passagers et des marchandises entrainés par la reprise mondiale et plus particulièrement européenne. La croissance annuelle de l’ EBITDA , autrement dit le profit avant dette et avant impôt, est de 5,5%. L’action a bondi de 45.49 % en 2013 et pourrait encore délivrer une performance notable cette année. La même logique de progression du trafic avec une bonne gestion des coûts de l’entreprise vaut pour Eurotunnel et Neopost.

Nous pouvons ensuite mentionner la société informatique Alten, qui, avec une croissance significative de son EBITDA de 11% , a affiché une performance 2013 de 31.01 % .
Dans le domaine de l’ingénierie et de la construction, Eiffage se distingue. La société tire avantage des contrats à l’exportation et d'une très bonne équipe de management. Dans les matériaux de construction, Imerys, pourrait livrer une belle surprise bien que quelque peu sanctionnée en ce début d’année.

Rexel parait être une robuste société industrielle. Après avoir procuré une performance 2 8.85 % en 2013, une certaine résistance est affichée en ce début de mois de février.
Safran représente le cas d’école que l’on doit enseigner dans les écoles de management avec 25% d’accroissement des résultats, 58.97 % de prouesse boursière en 2013. Dans le même secteur industriel, Téléperformance est à mon sens une société à regarder en raison de la hausse de son profit avant impôt de 18% sur un an et un très beau parcours boursier de 64.48 % en 2013.
JC Decaux est aussi à mon avis une action à regarder de près. Après un gain en 2013 de 70.28 % l’action rencontre toujours un engouement en ce début d’année.

Dans les services à l’industrie Faiveley Transports semble être une très belle compagnie. Le chemin boursier tracé en 2013 est décevant, seulement 8.79 %. Les investisseurs se réintéressent massivement à la valeur en ce début d’année notamment du fait d’une croissance des résultats de 17%.
Parmi les valeurs de services informatiques, nous pouvons citer Ingenico qui connait un accroissement de son profit de 23%.
Dans l’affacturage, Euler Hermes devrait être portée par la demande de la part des petites et moyennes entreprises. La valeur est quelque peu mal aimée en ce début d’année, ce qui offre des points d’entrée plus intéressants pour se repositionner.

Au sein du secteur de la santé, Eurofins est une excellente société à considérer. Le titre a grimpé de 61.38 % en 2013 et devrait avoir de nouveau un bon parcours cette année. Une prudence est de rigueur néanmoins face à la volatilité qui peut être plus forte que pour d’autres actions. Attention donc au poids dans le portefeuille afin de ne pas subir trop d'aléas. Dans ce même secteur de la santé, Orpéa est pareillement une autre très belle société à détenir dans son allocation.

Nexity et Technicolor constituent des valeurs à acquérir surtout si la consommation venait à se raffermir.

Je conserverais Plastic Omnium dans les biens d’équipements malgré l’envolée du titre en 2013 de 1 72.76%, en raison d’une forte croissance du résultat opérationnel de 11%.

Dans le capital investissement, Wendel est à mes yeux mal aimée en ce début d'année, à tort. Le profit a augmenté de 27% alors que le score boursier est de 39.03 % en 2013.

Pourriez-vous nous expliquer la démarche qui vous a conduit à cette liste de valeurs ?
J’ai dans un premier temps une démarche très quantitative. J’analyse la dynamique du risque de chaque titre par rapport à son secteur et par rapport au marché. Techniquement, je parle de la dynamique de la volatilité et de la corrélation des titres. A partir de l’étude du couple rendement risque de chaque titre par rapport à l’ensemble du secteur, j’obtiens une première liste de valeurs. Dans cette liste, je concentre alors la recherche sur les titres affichant les meilleurs indicateurs financiers comme l’EBITDA, le book to value , l'endettement, les coûts opérationnels.

Sur quels titres seriez-vous méfiants ?

Je me méfierai d’Eurazeo. Le titre a très bien performé en 2013 mais présente actuellement un résultat opérationnel moyen. Une prise de profits serait à conseiller avec un retour 10% en dessous du cours actuel.
Je prendrais également mes bénéfices sur Faurecia dans le secteur automobile. L’action a progressé de 136.39 % en 2013. Le bénéfice semble stagner et il pourrait y avoir un tassement de la marge opérationnelle.
Dans la même optique, malgré la qualité du management, je me porterais vendeur d’Ipsen , de Medica, de Métropole Télévision, de Saft Groupe, de TF1.
Je serais attentiste sur Ubisoft en raison des fortes variations du cours.

Vous n’avez pas cité Gemalto dans votre liste des valeurs préférées alors qu’elle souvent évoquée par d’autres de vos homologues ?

L’action présente un profil plus risqué sur le plan technique. Malgré l’EBITDA en élévation de 19%, le couple rendement risque n'est pas attractif par rapport au marché ce qui signifie que les investisseurs n'ont pas de vision claire sur le titre actuellement.

Y a-t-il un secteur à éviter ?
Il n’y a pas vraiment de segment de marché qu’il faut absolument éviter, il faut regarder la qualité des entreprises avant tout.

Pensez-vous qu’il est à craindre sur certaines petites ou moyennes valeurs un phénomène de bulle ?
Je fais plutôt confiance à la sagesse du marché financier. Si les cours sont plus hauts que les fondamentaux l'indiquent, ils finiront par s’ajuster. Mais il est vrai que plus longtemps la surperformance perdure, plus douloureuse est la correction.

Quel regard portez-vous sur le risque de change pour ces sociétés relativement aux perturbations que traversent les pays émergents ?
Les sociétés sont assez bien équipées pour atténuer le risque de change à l’aide de produits de couverture. Le problème lié aux émergents ne se situe pas tant dans le décrochage de leurs devises mais plutôt dans leur ralentissement économique. Les hausses de salaires, les problèmes de qualité de fabrication, les coûts et les délais d’approvisionnement rendent certains pays émergents beaucoup moins compétitifs que par le passé. De nombreux groupes occidentaux, notamment américains et britanniques déploient de plus en plus une stratégie de rapatriement des centres de production sur le territoire national. En raison de cette nouvelle donne, le jeu est très différent de ce qu’il était il y a cinq ans.

Un dernier mot ?
Une fois que la sélection de valeurs a été faite, il est nécessaire et fondamental de s’imposer une discipline d'investissement et ne pas subir l'émotion du moment mais conserver à tout moment sa logique de placement.

Propos recueillis par Imen Hazgui