Interview de Jacques Tordjman : PDG GFI Informatique

Jacques Tordjman

PDG GFI Informatique

Il appartient à Bull de manifester à nouveau son intérêt

Publié le 14 Septembre 2007

Le CA de GFI, déjà publié, est ressorti en hausse de 3,8%, à 331,9 millions d’euros, tandis que le RN s’inscrit en progression de 51%, à 9,7 millions d’euros et que le ROC prend 8,8%, à 20,9 millions d’euros, soit une marge de 6,3%, contre 6,0% un an plus tôt.

Un commentaire sur ces résultats ? En êtes-vous satisfait ?
Je suis plutôt satisfait compte tenu des évènements. Ca fait un an que GFI est sous pression, que nous avons, à la fois, l’opération Apax qui nous a occupé beaucoup de temps et qui a avorté et, deuxièmement, l’OPA hostile de Fujitsu qui nous a encore occupés et qui s’est terminée mi-août.

Les discussions avec Apax avaient démarré début septembre de l’année dernière. C’est un an pendant lequel l’équipe (le management, les services administratifs, …) était très prise. Ca a aussi déstabilisé beaucoup de gens. Donc, obtenir ces résultats dans ces conditions me satisfait, d'autant plus que le calendrier nous a été défavorable, puisque le premier semestre, cette année, compte un jour de facturation de moins que l’année dernière.

Comment expliquez-vous la différence de progression entre le CA (près de 4%) et le RN (plus de 50%) ?
C’est tout à fait normal puisque nous bénéficions d’économies d’impôt que nous n’avions pas l’année dernière. Il y a, bien sûr, une partie du résultat opérationnel qui entre en compte, mais pas autant que l’économie d’impôt.

Globalement, la marge du groupe s’est améliorée par rapport à l’année dernière. A quoi imputez-vous ce mieux ?
Là, c’est essentiellement dû à deux choses. D'abord, le programme de transformation que nous avons fait subir au groupe depuis trois ans et qui commence à porter ses fruits, c’est-à-dire une transformation qui a consisté pour nous à changer de business modèle. Nous sommes passés à un business modèle où nous fournissons soit de la valeur ajoutée, soit de la production informatique à bas coût utilisant nos centres de services régionaux ou nos centres offshore (Maroc, Portugal ou Espagne).

En deuxième lieu, pratiquement toutes nos filiales à l’international ont progressé. Pendant la crise terrible de 2002-2004, ces filiales étaient petites et ont souffert davantage, donc, pour la plupart, elles s’étaient mises à perdre de l’argent. Nous avons donc mis en place des plans de développement, de restructuration, etc. Ils sont derrière nous et grâce à eux, toutes les filiales internationales, hormis l’Italie, sont dynamiques, produisent de la croissance organique (15% au total pour l’international) et améliorent le résultat opérationnel.

Concernant l’Italie, qui reste le problème du groupe, nous y travaillons et nous avons diminué de moitié les pertes par rapport à l’année dernière. Il nous reste encore un effort à faire, mais si la filière n'est pas encore à l’équilibre, c'est est lié au fait que nous avons un plan de restructuration qui, pour l’instant, a été retardé par les autorités locales. Il va être exécuté dans les semaines à venir et nous en attendons des résultats par la suite. 

Toujours concernant la marge, on note une légère diminution de celle-ci en France (7,1%, contre 7,2% au premier semestre 2006)...
L’explication est à chercher du côté du calendrier. Nous avons cette année un jour de moins, et un jour en France pèse 1,8 million d’euros. C’est énorme. C’est 4 200 personnes à une moyenne de 400 euros par jour, ça vous donne l’état des lieux.

Pour le reste, je dirais qu’il y a une ou deux unités qui ont mal démarré l’année, mais qui sont aujourd’hui redressées. Cela devrait permettre d’améliorer les marges sur le deuxième semestre.

Pouvez-vous nous préciser quelles sont ces unités qui ont mal performé ?
Nous avons une unité dans l’infogérance à Paris qui a mal démarré l'année. En outre, le secteur industrie a été un peu plus tendu, alors que les autres secteurs (les télécommunications, la banque-finance et le secteur public) ont bien fonctionné.

Ces deux phénomènes-là ont pesé un tout petit peu sur la marge.

Vous affichez votre confiance pour le second semestre. Avez-vous des prévisions à nous communiquer ?
Quand nous avons fait notre plan 2010 (un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros via 6% de croissance organique par an et 6% de croissance externe, et une rentabilité située entre 9 et 10%), nous avons dit que 2007, la première du plan, devait améliorer globalement la marge.

Elle l’a amélioré au premier semestre ; nous espérons, et nous avons confiance dans le fait que cette marge sera de meilleure facture.

Ce que nous cherchons sur le second semestre, c’est à montrer que la croissance organique réalisée au premier semestre se poursuit, qu'elle sera peut-être un peu meilleure, et que la marge s’améliore par rapport au premier semestre, de manière à prouver que 2007 est parfaitement en ligne avec le plan.

Je vous rappelle que ce plan était l’alternative à l’offre Fujitsu et qu’il a permis de faire échouer cette OPA hostile.

Donc, vous réitérez vos guidances pour 2010…
Tout à fait, je dirais même plus que jamais. Il y a du travail, c’est sûr, mais nous sommes sereins, nous n’avons plus ce combat d’OPA, nous sommes focalisés sur les affaires.

Après l’échec de l’offre Fujitsu, je me suis fixé trois grands objectifs. Un, remettre l’entreprise au travail et actuellement je visite tous mes collaborateurs en France et à l’étranger pour leur expliquer ce qu’il s’est passé et les motiver autour du plan. En deuxième lieu, il fallait que je m’assure de la délivrance des résultats 2007. Et, trois, travailler avec le nouveau tour de table qui est sorti. Ca va être ma priorité future dans les semaines à venir.

Justement, concernant le tour de table. Vous avez confirmé l’entrée probable d’Apax au conseil d’administration… Peut-on avoir une idée du calendrier ?
Ce que nous ne voulons pas, c’est faire une succession d’assemblées générales. Nous essayons pour l’instant de faire un plan qui, j’espère, nous amènera à faire une AG vers la fin de l’année.

Toujours sur Apax, le fonds monte régulièrement au capital de GFI. Peut-on s’attendre à une prise de contrôle de GFI par ce dernier ?
Je ne crois pas, ce n’est pas leur intention, ce n’est pas ce qu’ils ont dit. Pour l’instant, je n’ai aucune indication dans ce sens.

Pour moi, Apax a dit qu’il souhaitait être un actionnaire de référence de GFI, qu’il souhaitait nous accompagner dans la réalisation du plan 2010 et qu’il n’essayait en aucune façon de s’approprier GFI.

Moi, je reste à ce niveau-là, s’il y avait autre chose, nous en parlerions.

Depuis l’échec de l’offre de Fujitsu, les discussions avec Bull semblent au point mort…
Pendant l’OPA de Fujitsu, Bull, comme d’autres, a dit son intérêt pour GFI, et nous avons commencé à parler d’un éventuel projet, mais nous avons dû tout arrêter compte tenu du manque de temps.

L’OPA étant terminée, on me questionne et de donne mes priorités : remettre la maison au travail, délivrer des résultats, travailler avec le tour de table. Alors, on me pose la question : Et Bull ? Je réponds que ce n’est pas la priorité de l’instant. Du coup, ils ont annoncé que ce n’était plus une priorité… Ce n’est pas ça, simplement ce n’est pas la priorité de l’instant.

Avec mon nouveau tour de table, nous allons évidemment regarder si Bull est intéressé pour parler ou non. Mais, aujourd’hui, franchement, la balle n’est pas chez nous. Eux, ils ont manifesté leur intérêt, les choses ont été arrêtées ; eh bien il appartient à Bull de manifester à nouveau son intérêt.

Et est-ce que GFI se trouve intéressé par certaines autres sociétés ?
Eh bien non, nous, aujourd’hui, nous sommes surtout intéressés par notre plan. On s’est battu pendant l’OPA pour cela, vraiment, ça a été notre cheval de bataille. Les gens ont cru en notre plan, même en plein pendant la crise boursière de cet été.

Maintenant, si dans le futur, avec notre nouveau tour de table et nos actionnaires, il peut y avoir des opérations intéressantes à faire sur le plan industriel, nous les regarderons.

Un dernier mot pour vos actionnaires, peut-être pour les petits qui vous ont soutenus lors de cette OPA Fujitsu ?
C’est clair. Ca a été un soutien formidable. Je ne sais même pas comment les remercier, la seule façon étant peut-être d’exécuter le plan.

Si grâce à ce plan, nous créons de la valeur année après année, moi je me sens responsabilisé à travers ça.

Propos recueillis par Marjorie Encelot