Interview de Laurent Alexandre : président de Doctissimo

Laurent Alexandre

président de Doctissimo

Le rachat par un prédateur est une option, pas une obligation

Publié le 25 Septembre 2007

Un commentaire sur vos résultats semestriels ?
Nous avons une très forte croissance de l’audience. Nous avons dépassé un million de visites par jour, ce qui a permis un développement important du chiffre d’affaires. Sur le premier semestre, la publicité a crû de plus de 90%, avec des charges en légère baisse.

La croissance de notre chiffre d’affaires total est de 40%, mais nous avons abandonné plusieurs activités (activité de consulting, notamment), puisque nous nous concentrons aujourd’hui sur la diffusion et l’e-pub. En fait le CA consolidé, il est à +41%, ce qui correspond à +70% sur le nouveau périmètre des activités et à +90% sur l'e-publicité, qui est notre cœur de métier.

Notre rentabilité s’inscrit également en forte croissance, avec un taux de marge qui est de 42,2% (2,27 millions d’euros de résultat net).

Nous sommes contents de ce chiffre. Nous sommes également contents de la forte progression de l’audience. Il n’y  a pas que la marge qu’il faut regarder, il y a aussi la préparation de l’avenir.

Ce qui est important, c’est que l'e-publicité se porte bien aujourd’hui en France (+40%) et il faut noter que l'e-publicité féminine surperforme ce chiffre. Les annonceurs de la grande distribution de l’agroalimentaire, de la beauté, etc. commencent à arriver sur Internet. Et nous, de notre côté, nous surperformons l'e-publicité féminine (le public féminin compte pour deux tiers de l’audience des sites de Doctissimo, ndlr). Nous le devons à un effet de taille critique, à l’effet des un million de visites par jour.

Sur août, nous avons dépassé 11 millions de visiteurs uniques.

Vos charges ont baissé…
Nous avions encore beaucoup de tâches qui étaient non-automatiques. Depuis 18 mois maintenant, nous avons automatisé l’envoi de publishing, le back-office et donc, nous avons beaucoup augmenté la productivité.

D’ailleurs, il y a un chiffre qui est intéressant, c’est le coût d’exploitation par visite qui a énormément baissé. Il est passé de 21 euros pour 1 000 visites à 11 euros.

Doctissimo est inscrit dans un cycle de croissance rentable. Quels sont vos objectifs à court/moyen terme ?
L’objectif c’est de poursuivre la croissance de l’audience et du chiffre d’affaires, puis de faire des extensions thématiques. Nous allons ouvrir une partie «mode» - nous étendons notre territoire dans l’univers des féminins – et une partie «développement durable», un sujet transversal très important pour nous. Nous allons créer beaucoup de contenu sur ce sujet-là. C’est un sujet qui préoccupe beaucoup les mères de famille et qui est très synergique de l’univers «bien-être».

Vous avez des chiffres à nous fournir sur vos guidances ?
Nous sommes d’ores et déjà au-dessus de 110% du chiffre d’affaires publicitaire au troisième trimestre. Cela s’explique notamment par une forte croissance dans les univers «nutrition» et «beauté».

La «beauté» est devenue le premier univers sur Doctissimo aujourd’hui, avant c’était la santé.

(Question easynaute) Quelle est la contribution des nouveaux sites à cette croissance ?
La contribution commence à être significative pour Ado.fr et elle va le devenir pour Fluctuat.net et pour les petites acquisitions que nous avons faites au premier semestre.

L’autre contribution qui monte, c’est l’international dans les pays francophones, puisque nous sommes très bien implantés au Québec avec un bon taux de pénétration (un million de visiteurs uniques sur six millions d’habitants). C’est pour nous un relais de croissance.

Jusqu’à présent nous ne commercialisons absolument pas l’e-pub dans les pays francophones, ni en Belgique, ni en Suisse, ni au Canada, ni dans les autres pays francophones.

La contribution va évoluer positivement selon vous…
La contribution des petits sites va monter et la contribution de l’international sur l’ensemble des sites va devenir significative. Elle monte en partant de zéro, puisque nous avons débuté au printemps, et elle monte chaque mois.

Où en êtes-vous au niveau de l’intégration de ces sites ?
L’intégration s’est faite et l’unification des plates-formes est également, aujourd’hui, faite. C’est d’ailleurs grâce à cette intégration des plates-formes technologiques que nous avons une baisse forte de nos coûts par visiteur.

La durée de consultation s’inscrit en repli. Comment l’expliquez-vous ?
Sur Ado.fr, nous avons un public plus jeune, qui a des durées de session plus faibles. Globalement, les ados ont des sessions plus longues sur les sites de chat, ce qui n’est pas le cas d’Ado.fr qui est un site de contenu, mais les tchats ne sont pas des bons véhicules publicitaires.

La très forte croissance de l’audience d’Ado.fr, qui a dépassé les 200 000 visiteurs par jour, se traduit mécaniquement par une baisse sur le réseau de la durée de session. En contenu éditorial, Ado.fr est devenu n°1 chez les jeunes.

Si nous observons isolément Doctissimo.fr, nous ne voyons pas une baisse de la durée de consultation.

La consolidation s’est accélérée dans votre secteur. Que vous inspire le rachat de votre concurrent auFeminin.com par Axel Springer ?
Nous avons une très grande admiration pour Anne-Sophie Pastel et Marc-Antoine Dubanton. C’étaient des managers remarquables. Nous sommes très tristes qu’ils aient vendu, nous sommes très tristes qu’ils aient eu envie de faire autre chose, de changer d’horizon.

Est-ce que vous aviez-vous examiné le dossier ?
Pour les racheter, il n’en était pas question, ils étaient beaucoup plus cher que nous, mais pour fusionner avec eux… oui.

Allez-vous procéder à des acquisitions d’ici la fin de l’année ?
Nous allons procéder à des rachats.

Un recours à un appel au marché sera-t-il nécessaire ?
Aujourd’hui, avec nos cash-flows (plus de 2 millions pour le premier semestre), et compte tenu du fait que la croissance externe est prudente et relutive, nous pouvons faire de la croissance externe, à ce stade, sans recours au marché.

De surcroît, nous avons une auto-détention qui est de 10%. Donc, au cours actuel (450 000 titres à pas loin de 20 euros), nous avons pas mal de moyens financiers.

Par ailleurs, nous ne payons pas d’impôt sur les sociétés, puisque nous avons encore des déficits reportables importants (plusieurs millions d’euros), ce qui augmente les cash-flows disponibles après impôt.

Et, bien sûr, nous n’avons pas de dette.

Donc, au final, les cash-flows nous suffisent pour procéder à des acquisitions et si nous avions besoin de faire un gros coup, nous avons l’auto-détention.

L’idée est, aujourd’hui, de continuer de faire de la croissance externe économique et relutive et, derrière, de booster en interne les sites que nous rachetons à des prix raisonnables.

Sans nous révéler les noms des dossiers que vous étudiez, peut-on en savoir un peu plus sur les dossiers que vous examinez ?
Je ne préfère pas.

Doctissimo fait, lui-même, l’objet de convoitises. A l’image d’Anne-Sophie Pastel, envisagez-vous une cession de votre groupe ?
La presse s’est faite l’écho de l’intérêt des prédateurs pour Doctissimo. C’est sûr que dans l’univers féminin, notre audience ne laisse pas indifférente, surtout à un moment où la publicité déserte les médias traditionnels pour aller vers l’Internet.

Nous avons toujours dit que nous n’excluions rien, mais que le rachat par un prédateur est une option, pas une obligation. Aujourd’hui, nous pouvons continuer sans être racheté, notre audience nous donne la possibilité d’un développement en stand alone.

Toutefois, comme toute entreprise cotée, si l’intérêt des actionnaires est l’adossement industriel, le management ne s’y opposera pas.

Quel serait le candidat idéal ?
Il y a potentiellement de nombreux candidats. Il est clair que, dans tous les pays, nous sommes entrés dans une phase de consolidation et que les médias traditionnels souhaitent acquérir des sites d’audience de masse. Aujourd’hui, depuis le départ d’AuFéminin, Doctissimo est le plus gros pure player Internet coté à la bourse de Paris.

Le mot de la fin pour vos actionnaires ?
Nous commençons à bien monétiser notre audience de masse que nous avons acquis depuis 2000. La poursuite de la croissance est très encourageante pour les perspectives industrielles de moyen terme.

Propos recueillis par Marjorie Encelot