Attaques spéculatives : le bluff gagnant des marchés !
(Easybourse.com) Les marchés ont poussé les dirigeants Européens dans leurs retranchements. Ils ont annoncé un plan géant de 750 milliards d'euros de solidarité afin de stabiliser et défendre la zone euro contre les attaques spéculatives. En réalité, certains spéculateurs ont simplement tiré profit de la situation délicate de certains pays de la zone euro.
Les marchés ont joué le win-win deal avec brio ! Cette expression anglo-saxonne consiste à jouer gagnant dans tous les cas de figures. La spéculation sur les titres grecs, les rumeurs sur l’Espagne et le Portugal… Certains investisseurs ont su faire monter les enchères au-delà de toute attente, avec une prise de risque minimale, ou en tout cas bien moins qu’il n’en paraissait.
Ainsi, trois pays (Grèce, Portugal et Espagne) ont été les victimes d’offensives spéculatives sans précédent. Vendredi, les emprunts d’Etats à 10 ans de la Grèce étaient rémunérés 11,77%, soit quatre fois la rémunération des obligations d’Etats allemands ! Or, depuis que les pays européens ont accepté de débloquer le plan de soutien, si âprement négocié et plusieurs fois annoncé, la Grèce s’est détournée des marchés. Les spéculateurs se sont alors tournés vers de nouvelles proies : le Portugal, l’Espagne, l’Italie… Un climat de panique savamment entretenu par des rumeurs parfois folles. Pourquoi l’Espagne serait-elle en train de négocier un prêt de 280 milliards d’euros avec le FMI alors que son ratio dette sur PIB est de seulement 56%, contre une moyenne européenne de 78% ?
L’Argentine n’avait pas été aidée en 2001
En réalité, la nervosité des marchés était alimentée par l’incapacité des Européens à répondre d’une même voix face aux attaques spéculatives, et aux rumeurs. Le discrédit de la zone euro a été conjugué aux difficultés (réelles) de certains pays, notamment la Grèce. Or nulle part dans le monde, les difficultés d’un pays n’ont été aussi extrapolées par les investisseurs, alors que la crise a été mondiale. Pourquoi la Grèce alors ? Les investisseurs avaient pris conscience que la mise en faillite de la Grèce n’était pas envisageable pour les Européens. Un départ vers une indépendance monétaire n’était pas non plus à l’ordre du jour. Un tel scénario est jugé extrêmement complexe, long et couteux à mettre en place. Les marchés étaient donc assurés qu’un mécanisme de solidarité allait, au bout du compte, être enclenché. Rien de comparable avec la crise argentine du début des années 2000. Le pays n’avait alors pu compter sur personne pour surmonter sa banqueroute : ni sur ses partenaires commerciaux locaux, ni sur son allié de Washington, et encore moins sur le FMI…
Il est évident que la Grèce a sa part de responsabilité. La mauvaise gestion de ses deniers publics et le maquillage de ses comptes a fourni le motif idéal pour les spéculateurs. Ces derniers ont étendu cette crise aux pays dits PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) en invoquant une communauté de faiblesses plus ou moins avérées : laxisme budgétaire, compétitivité défaillante… «Face à un marché très organisé, les Européens se sont montrés très désorganisés» nous expliquait Paul Wright, de chez Schneider Foreign Exchange. Les spéculateurs se sont joués des positions de la Banque Centrale Européenne, ont attisé les divergences politiques entre l’Allemagne et le reste de la zone euro, et ont été jusqu’à remettre en cause la pertinence même de la zone euro. Excédés, les Européens ont fini par annoncer un plan géant de solidarité au sein de la zone euro de 750 milliards d’euros.
Au tour de qui ?
Rassurés les marchés ? Pas si sûr ! Les agences de notation réclament davantage de précisions sur l’avenir de la zone euro. En effet, le non-respect du Pacte de Stabilité a conduit la Grèce à sa perte. La France, quant à elle, semble vivre un véritable déni d’après certains analystes. Ces derniers estiment qu’il n’y a aucun doute que la France se dirige vers une crise «à la grecque», et qu’il faudra bien plus que les économies de bout de chandelle annoncées ces derniers jours pour éviter l’Iceberg. Et si après la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie, la prochaine cible était française ?
Nabil Bourassi
Publié le 11 Mai 2010