Les eurodéputés disent "Oui" à la taxe sur les transactions financières

(Easybourse.com) Le vote du Parlement européen en faveur d'une taxe sur les transactions financières a redonné du poids à cette idée, chère à Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Certains la surnomment « taxe Robin des Bois », d’autres « taxe Tobin », du nom de l’économiste américain qui dès les années 1970 avait formulé l’idée d’un prélèvement sur les opérations de change, dont le produit servirait à lutter contre la pauvreté. La « taxe sur les transactions financières » a reçu hier le soutien d’une large majorité de députés européens, qui ont solennellement voté en faveur de son application au niveau international.
«Le Parlement européen recommande la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, qui améliorerait le fonctionnement du marché en réduisant la spéculation et en contribuant à financer les biens publics mondiaux et à diminuer les déficits publics», peut-on lire dans un amendement adopté par 360 voix contre 299.
650 milliards d’euros de recettes pour le développement
D’après les calculs des eurodéputés, cette taxe dont l’assiette doit être « la plus large possible » et le taux réduit (entre 0,01% et 0,05%) pourrait rapporter 200 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, et 650 milliards si elle était appliquée au niveau mondial. De quoi alléger les souffrances des pays les plus pauvres, lutter contre le réchauffement de la planète mais aussi tirer les leçons de la crise.
Je sais bien que cette taxe a de grands ennemis, de grands adversaires sur son chemin
«La taxe sur les transactions financières a un côté punitif : elle consiste à faire payer les institutions financières pour les dégâts qu’elles ont provoqués avec la crise des subprime. Ensuite, elle vise à décourager les transactions à très court terme, autrement dit la spéculation, quels que soient les instruments financiers utilisés. Enfin, elle créerait des recettes qui font actuellement cruellement défaut dans la lutte contre la pauvreté», résume Henri Sterdyniak, professeur associé à l’université de Paris IX-Dauphine et chercheur à l’OFCE (Sciences Po). «Mais pour être efficace, une telle taxe doit être mise en œuvre au niveau mondial, en particulier dans les pays anglo-saxons et sur les places asiatiques où se réalisent une grande partie des transactions financières», ajoute-t-il.
Les Etats-Unis y sont opposés
C’est là que bât blesse. Car si Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont réussi, non sans difficulté, à convaincre leurs partenaires européens du bienfondé de la taxe, la tâche s’annonce beaucoup ardue au niveau international. «Je sais bien que cette taxe a de grands ennemis, de grands adversaires sur son chemin», a reconnu Nicolas Sarkozy lors d’une conférence sur les principaux chantiers de la présidence française du G20. Une allusion à l’opposition des Etats-Unis, hostiles à toute forme de limitation des échanges internationaux, mais aussi de l’Australie, de la Chine ou encore de la Russie. Autrement dit d’une bonne partie des grandes puissances mondiales.
Quelles sont alors les chances pour que la taxe sur les transactions financières voie le jour ? «L’idée peut sembler utopique, pourtant elle de plus en plus crédible depuis la crise de 2008», souligne Henri Sterdyniak. Celle-ci a fait apparaître un consensus autour de la nécessité d’encadrer l’activité des marchés financiers, et même les pays les plus libéraux ont pris des mesures en ce sens. C’est d’ailleurs un dirigeant britannique, Lord Turner, qui a relancé l’idée de la taxe Tobin en 2009, jugeant qu’il s’agissait d’un bon instrument pour réduire et rationaliser l'envergure des marchés financiers, diminuer les risques et servir d'élément dissuasif contre de très nombreuses transactions «socialement inutiles». «Le monde a changé et la régulation du système financier international n'est plus un sujet de gauche, mais est, au contraire, devenue un enjeu public d'ordre mondial où la droite et le centre, qui dirigent 21 des 27 Etats membres de l'Union européenne, ont toute leur place», commente le député européen conservateur Jean-Paul Gauzès, pourtant réticent au départ à voter le texte en faveur de la taxe sur les transactions financières.
A défaut d’une taxe internationale, le Parlement européen plaide pour son instauration à l'échelle européenne, quitte à rendre un peu moins attractives les places financières du Vieux-Continent. La Commission pourrait faire des propositions en ce sens. Si les gouvernements européens arrivent à s’entendre, pourquoi pas les autres ?
François Schott
Publié le 09 Mars 2011