Quel regard porter sur l’évolution des marchés financiers en 2018 ?
2018 a été une année particulièrement éprouvante pour les gérants. Pratiquement aucune classe d’actifs n’a été épargnée. Les deux seuls actifs qui ont principalement joué le rôle de valeur refuge ont été le Bund à dix ans et l’or.
Par ailleurs, les obligations d’Etat américains à dix ans et les actions américaines ont pu limiter leur mise à mal grâce à l’appréciation du dollar.

Le marché actions a dû faire face à un bear market inédit et insolite…

Si l’on considère l’indice MSCI Word, les bénéfices réalisés sont relativement conformes aux prévisions des analystes en début d’année. Pourtant un décrochage s’est dessiné à partir du quatrième trimestre, si bien que les trois derniers mois de l’année ont marqué une des pires périodes de l’histoire boursière contemporaine.
Très clairement, la dimension politique et géopolitique constitue le principal facteur explicatif du décalage entre l’évolution macro/microéconomique et l’évolution boursière. La confrontation explicite entre les deux plus grandes puissances mondiales a généré des incertitudes, du stress et de la volatilité pour laquelle les investisseurs ont demandé un surcroit de rémunération. La prime de risque se traduisant de ce fait par une baisse sensible des cours de bourse.

A ce stade, la lecture des marchés doit se faire en ayant à l’esprit deux considérations importantes. La première a trait au changement de configuration sur la sphère obligataire…

Si l’on regarde l’évolution du marché obligataire américain sur une période de 70 ans, il peut être relevé que les taux à dix ans américains ont connu deux grandes phases depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Une première phase, qui va de 1946 à 1981, s’est caractérisée par une hausse continue des T-Notes à 10 ans. Ces derniers sont alors passés de 2,2% à 14,5%.
La seconde phase a laissé place à une baisse continue qui s’est achevée avec des taux inférieurs à leur niveau de départ, soit 1,9% au printemps 2016.
Alors que la première phase a été inintéressante pour les investisseurs, la seconde a permis de procurer un rendement protecteur contre l’inflation et supérieur à la croissance réelle réalisée par l’économie américaine.
Depuis trois ans, la configuration a changé en ce sens que la croissance nominale est devenue nettement supérieure à la rémunération que procure l’investissement obligataire. Et le risque de duration n’est plus correctement rémunéré.

Cette situation qui équivaut à une forme de redistribution, celle des créanciers en faveur des débiteurs, a vocation à perdurer. En découle le postulat qu’un positionnement sur les actions est plus propice qu’un positionnement sur les obligations souveraines, en particulier dans un environnement où la dette publique est destinée à s’amplifier.

S’agissant de la seconde considération, un historique d’une cinquantaine d’années met en lumière le fait que la valeur ajoutée des entreprises était jusque-là majoritairement dédiée à la rémunération du capital. La part de la richesse créée consacrée à cette composante est ainsi passée de 20% à 26% aux Etats-Unis, notamment sous l’impulsion de la réforme fiscale.
Or, le creusement des inégalités, le développement de la pauvreté sont de nature à conduire à un changement de ce paradigme. Nous devrions voir la part de la valeur ajoutée consacrée au travail augmenter, notamment sous l’effet de la montée des forces populistes.

Cette nouvelle réalité est grandement prise en compte par le marché. Elle explique en partie la faible valorisation que l’on observe.
Les investisseurs pensent en cela que les résultats des entreprises ne seront pas au niveau auquel on les attend au cours des prochaines années.

A quelle allocation d’actifs amène l’analyse de l’environnement actuel ?

DNCA Finance reste globalement favorable aux actifs risqués européens. En parité de pouvoir d’achat, l’euro est déprécié. Les fondamentaux de la zone euro, sous le prisme du déficit budgétaire ou encore de la balance courante, sont favorables.
La société de gestion est raisonnablement optimiste sur les actions européennes. Un meilleur confort est affiché sur les obligations high yield dont les spreads dépassent les 500 bps, et offrent a priori une bonne rémunération du risque.
Une certaine prudence est témoignée, en revanche, à l’égard des souverains.

L’exposition sur les périphériques a ainsi été réduite.

La neutralité est avancée sur les obligations investment grade en raison d’un effet de contagion possible de la hausse des taux souverains.
Cette neutralité est également exprimée vis-à-vis du cash qui sert surtout à être dans une position d’attentisme.

Dans la sphère actions, une redistribution en termes de style de gestion doit être envisagée…

L’écart de performance entre le style growth et le style value a atteint un pic historique.
Si l’on considère les actions européennes, entre 2008 et 2018, le style value (MSCI Europe Value) a fait 50% moins bien que le style growth (MSCI Europe Growth). De telle sorte que la valorisation moyenne des actions décotées est descendue à son plus bas niveau de 40 ans. Un tel niveau avait été observé au milieu des années 70, et au début des années 2000, lors de la bulle TMT.
En comparant le secteur de la boisson et celui des banques, il est intéressant de relever à quel point ces deux secteurs évoluent de manière très divergente.
Ainsi, le secteur des boissons, qui inclut des sociétés comme AB Inbev, Pernod Ricard, Diageo, Rémy Cointreau a vu sa prime par rapport à l’indice MSCI Europe varier de 40% à 60%.
A l’inverse, le secteur bancaire, victime désignée du bear market en 2018, se paie encore moins cher que la moyenne historique.

Quel pourrait être le catalyseur de cette rotation sectorielle ?

Une remontée des taux directeurs. Si des tensions venaient à se faire sentir sur les taux à dix ans allemands, cela pourrait marquer un signal pour amorcer ce rebalancement sectoriel.