Guillaume Légaut
Directeur de l'association Finansol
La finance solidaire répond à une attente des épargnants
Publié le 30 Octobre 2009
Lire aussi notre dossier: Le succès croissant des placements solidaires à l'occasion de la Semaine de la finance solidaire (4-11 novembre).
Vous dirigez l'association Finansol, chargée de promouvoir la finance solidaire en France. Pouvez-vous nous expliquer ce que recouvre ce concept ?
La finance solidaire consiste à faire fructifier son épargne en finançant des projets qui ont une forte utilité sociale. Elle répond à une attente d’un nombre important d’épargnants, qui veulent conserver leur épargne tout en lui donnant un sens et en la faisant travailler de manière efficace.
On ne peut pas répondre à tous les besoins sociaux par la seule logique de dépense publique, bien que celle-ci ait toute sa légitimité. La finance solidaire, c’est le moyen de recréer des circuits de solidarité choisie à côté des circuits de solidarité imposée.
C’est notamment permette à des personnes exclues du système bancaire de démarrer leur entreprise. Bien souvent, la finance solidaire apporte les premiers capitaux à ces personnes avant de passer le relais aux circuits de financement classiques.
Notre but est de faire émerger des entreprises et des emplois qui ne pourraient pas voir le jour avec la finance classique. Il y a là une frange de l’activité économique à fort potentiel.
N’y a-t-il pas un risque à confier son épargne à des organismes finançant ce genre d’activités ?
Non, les taux de défaut sont très faibles. Tous les organismes de finance solidaire mettent en place un accompagnement des personnes financées. Ils les aident à analyser leur besoin de financement, à construire un business plan, suivent le développement de l’activité.
En outre, comme la finance solidaire consiste en de très petits investissements et nombreux, le risque est beaucoup plus diffus. A la différence du capital risque, qui constitue des portefeuilles de 15 ou 30 participations, les financeurs solidaires répartissent le risque sur plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’entreprises.
A titre d’exemple, l’association pour le droit à l’initiative (ADIE, spécialiste du micro-crédit pour la création d’entreprise) a 95% de retour d’investissement positif.
Comment peut-on placer son argent de manière solidaire ?
Il existe différentes manières de procéder. La plus militante consiste à investir directement dans des financeurs solidaires (ndlr : intermédiaires financiers dont l’activité principale consiste à investir dans des activités en faveur de l’emploi, du logement, de l’environnement ou de la solidarité internationale). On achète alors des parts sociales de ces organismes. Parmi les financeurs solidaires les plus connus, on peut citer Habitat et humanisme, la Nef, France Active, l’ADIE, ou encore SIDI (solidarité internationale pour le développement et l’investissement).
Les banques proposent de leur côté des produits d’épargne solidaire, notamment des livrets de partage dont les intérêts sont reversés en tout ou partie à des organismes comme ceux que je viens de citer. Elles offrent également des produits d’investissement solidaire, comme des fonds communs de placement, des SICAV ou des produits d’assurance-vie s’adressant à un public d’épargnants classiques qui veulent avoir une démarche plus responsable dans la manière de gérer leur épargne. Ces fonds investissent une partie de leurs actifs (10% maximum) dans des entreprises solidaires non cotées en bourse.
Enfin, l’épargne salariale est un bon moyen de placer son argent de façon solidaire. A compter du 1er janvier 2010, toute entreprise mettant en place un plan d'épargne entreprise (PEE) ou un plan d'épargne interentreprises (PEI) sera dans l'obligation de proposer au moins un produit d’épargne solidaire à ses salariés.
Quels sont les rendements de ces produits ?
Le rendement varie selon les produits. Mais en général, il reste modeste : entre 0 et 2% pour les parts sociales de financeurs solidaire ; plus ou moins, selon la performance du fonds, pour les fonds communs de placement.
Il ne s’agit pas pour les épargnants de perdre de l’argent. Mais il ne s’agit pas prioritairement d’en gagner. L’épargne solidaire vise avant tout à financer des activités qui ont une forte utilité sociale. Le rendement vient à titre accessoire.
A combien se monte le marché de la finance solidaire aujourd’hui ?
Les encours des placements solidaires atteignent en France 1,631 milliard d’euros. C’est une toute petite proportion de l’épargne des Français. Mais c’est un secteur qui croît de 35 à 40% par an.
Les investissements financés par ces produits se sont montés à 379 millions d’euros en 2008. Cela représente 25 000 emplois créés et 1 500 familles logées ou relogées.
Les banques jouent-elles le jeu de la finance solidaire ?
Certains réseaux bancaires sont historiquement plus engagés que d’autres. Les pioniers ont été le Crédit coopératif et les Banques populaires. Mais petit à petit, l’ensemble des réseaux bancaires créent des produits de finance solidaire. Le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, BNP Paribas ou encore La Banque Postale disposent d’une offre dans ce domaine.
Bien que l’offre soit là, les réseaux n’ont pas toujours le réflexe de les mettre en avant. Les banquiers conseillent en général les produits les plus rémunérateurs à leurs clients, mais ils n’ont pas l’habitude de les interroger sur les motivations de leur épargne.
D'une manière générale, banquiers et épargnants connaissent mal les entreprises financées par l'épargne solidaire. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre ces entreprises en avant à l’occasion de la semaine de la finance solidaire.
Propos recueillis par François Schott
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