Interview de Damien Douani : Community Conversationalist Officer pour l'Europe, bluekiwi

Damien Douani

Community Conversationalist Officer pour l'Europe, bluekiwi

Les réseaux sociaux d'entreprises, leviers de compétitivité, ont vocation à se développer

Publié le 22 Juillet 2010

Quelle est la valeur ajoutée d'un RSE par rapport aux outils de communication classiques tels que le téléphone ou le mail ?
L'idée initiale est d'améliorer la communication pour échanger au mieux. En effet, les RSE permettent de hiérarchiser les informations ce qui est impossible avec une messagerie classique. Les échanges sont ainsi structurés sous forme de conversations dans lesquelles n'importe qui peut interagir. Tout ce qui est échangé est archivé et peut être ainsi réutilisé. L'information est plus fluide et n'est plus verticale mais horizontale. Il y a donc un décloisonnent de l'entreprise aussi bien en interne que vers l'extérieur, avec ses clients par exemple.

Quel impact opérationnel en termes de productivité une entreprise peut-elle attendre d'un RSE ?
Les RSE permettent de gérer des conversations en interne ou en externe et tout l'enjeu est d'être capable de capturer les éléments clés des conversations pour les transformer opérationnellement. En permettant à chacun de s'exprimer, les RSE favorisent l'émergence de nouvelles idées et leur centralisation.
Les RSE engendrent par ailleurs une responsabilisation du personnel puisqu'en créant son «profil», un employé utilise des mots clés (tags) pour définir ses compétences. Il y a également la possibilité d'être «tagué» par un tiers. Cet enrichissement mutuel du «profil» de chacun permet par la suite de trouver les compétences requises pour un projet précis. Le gain en termes de productivité est donc énorme puisque, grâce aux RSE, le temps passé à chercher la bonne personne à tâtons dans toute l'entreprise est économisé.

Comment expliquez-vous la récente croissance des réseaux sociaux au sein des entreprises ?
Le départ à la retraite de nombreux employés «baby boomers» et l'arrivée sur le marché du travail de la génération Y qui est née avec un écran dans les mains est un facteur non négligeable. Les entreprises ont mis du temps à rentrer dans l'ère d'Internet ; aujourd'hui encore, beaucoup installent des pare-feu pour empêcher l'accès à certains sites. De ce fait, on vit la première époque où les équipements personnels sont plus évolués que les équipements professionnels. Mais le salarié lambda est connecté quoiqu'il arrive, par un blog, un smartphone, etc., et n'oublie pas ses habitudes au bureau, d'où la question de l'ouverture de l'entreprise aux réseaux sociaux qui font pour beaucoup aujourd'hui partie intégrante du quotidien.

Quelles sont les principales raisons des réticences qui persistent aujourd'hui à l'égard des RSE ?
Les réticences sont majoritairement dues à la méconnaissance du produit. Certains managers craignent des dérapages et que cette mise en contact généralisée de tous les collaborateurs vire à la foire d'empoigne ! Mais dans la réalité, ces situations n'arrivent jamais en raison de l'extrême transparence inhérente aux réseaux sociaux qui engendre un self-control absolu. Les réseaux sociaux questionnent aussi la hiérarchie et son fonctionnement.
De même que celui des relations avec les personnes extérieures à l'entreprise, un réseau social comme bluekiwi permet en effet une mise en contact de l'entreprise avec son environnement externe, tel que ses clients ou ses fournisseurs, et beaucoup ne savent pas appréhender les conversations avec ce type d'acteur.

Quels sont les facteurs clés de succès d'implémentation d'un RSE ?
La mise en place d'un réseau social et son adoption par tous les collaborateurs nécessitent beaucoup d'efforts ; il faut apprendre à appréhender l'outil et à animer la communauté. Pour ce faire, il est extrêmement important que le management s'implique et montre l'exemple. Il joue un rôle central et prépondérant en incitant à utiliser le RSE. Certains peuvent par exemple donner comme mot d'ordre : «Avant de me poser une question, regardez si la réponse n'est pas dans bluekiwi» ou bien «Si vous m'envoyez un mail, vous aurez une réponse dans les 48h ; si vous m'écrivez sur bluekiwi, vous aurez une réponse dans la demi-journée.»

En pratique, quelles sont les étapes de déploiement d'un RSE, de l'installation à l'utilisation ?
L'installation est très simple et ne nécessite qu'une connexion et un navigateur Internet. En quelques minutes, l'entreprise peut disposer d'un RSE utilisable sur ordinateur ou sur smartphone. En revanche, la phase d'adoption à proprement parler peut prendre plus ou moins de temps d'une entreprise à l'autre. Souvent, les entreprises testent pendant quelques mois une solution basique, puis passent à une solution sur mesure si le système est adopté. Il y a toujours une gradation dans l'utilisation.

Quels changements structurels les RSE sont-ils amenés à engendrer dans les entreprises ?
En termes de management, les RSE feront certainement émerger de nouveaux rapports de force et des changements de perception de la hiérarchie dus à l'augmentation de la communication. Grâce aux RSE, on peut ainsi attendre une diminution des problèmes de confiance entre direction et salariés du fait de la responsabilisation de ces derniers. De nouveaux métiers seront de plus amenés à se développer tel que celui de «Community Manager», capable de comprendre les RSE et d'animer les communautés.

Quelles perspectives de développement des RSE identifiez-vous pour les années à venir ?
Il est certain que la démocratisation des réseaux sociaux en entreprise prendra plus de temps qu'auprès du grand public car les process de l'entreprise sont plus rigides. Mais l'implémentation des RSE va s'accélérer du fait du gain de compétitivité qu'ils permettent. Il est important de comprendre que les réseaux sociaux ne sont pas un phénomène de mode, mais de véritables outils de travail amenés à remplacer à terme l'usage omniprésent du mail. Il y a d'ailleurs aujourd'hui plus d'échanges sur Facebook que sur Gmail. Dans dix ans, le mail ne sera pas mort, mais son utilisation sera différente du fait de la montée en puissance des RSE.

Tribune Sciences Po de l'économie de l'immatériel,