Interview de Thierry Million : Directeur de la gestion obligataire – Allianz GI Investments Europe.

Thierry Million

Directeur de la gestion obligataire – Allianz GI Investments Europe.

Nous regarderons de près les stress tests des caisses d'épargne espagnoles et des banques grecques

Publié le 22 Juillet 2010

A lire également l'article : "Stress tests bancaires : des données truquées pour les caisses d'épargne espagnoles"

Quel regard portez-vous sur la publication des stress tests bancaires qui devrait avoir lieu vendredi soir ?

Nous voyons cette publication d'un œil positif. Les marchés se sont bien comportés dans la perspective de ces résultats. Les investisseurs pourront se faire une idée plus précise de l'état du système bancaire européen.

Quelle a été l'évolution du marché de la dette ?
Si nous considérons le spread de l'indice Itraxx qui mesure le niveau de spread des CDS de la dette financière senior, nous sommes passés de 160 points de base fin juin, à 140 points de base aujourd'hui. Nous avons donc eu un resserrement d'une vingtaine de points, ce qui n'est pas négligeable.
La tendance à l'amélioration qui s'était amorcée au mois de mai, s'est ainsi confirmée.
Les spreads des obligations souveraines se sont également resserrés. Sur les titres à 5 ans de l'Espagne, le spread s'est réduit de près de 80 points de base.

Quel est le principal enjeu lié à ces stress tests ?
L'essentiel dans ces stress tests réside dans leur crédibilité. La tentation est forte de vouloir comparer ces stress tests à ceux subis par les banques américaines.
Nous n'avons pas encore eu toutes les précisions au sujet des hypothèses retenues. Mais ce de ce que l'on a pu entendre, ont été arrêtés un scénario central, un scénario averse et une simulation de choc sur les souverains.
C'est ce dernier scénario qui intéresse particulièrement les marchés eu égard au niveau de dépréciation des obligations souveraines. On parle sur la Grèce d'une dépréciation d'environ 23%.

Les rumeurs qui circulent sur les paramètres pris en considération vous semble-t-elles fiables ?
Naturellement plus nous nous approchons de la publication et plus les rumeurs deviennent vraisemblables.
Mais la configuration est complexe. Les banques ont plusieurs livres : trading book et banking book. Nous ne savons pas exactement de quelle manière les stress tests vont être menés pour les différents actifs détenus dans chacun de ces books.

De quelle manière avez-vous accueilli les stress tests menés par Moody's et Citigroup ?
Pour conduire des stress tests fiables il faut du temps. Le bilan d'une banque internationale est extrêmement complexe et difficile à évaluer. Ne serait-ce que les hypothèses de croissance servant d'appui sont différentes selon les pays.
L'échéance du 23 juillet avait été décidée le 18 juin.

Quelles sont vos principales préoccupations au sujet de ces stress tests ?

Nous regarderons de près les stress tests des caisses d'épargne espagnoles et des banques grecques. Sur ce point, nous voyons que le gouvernement grec pousse à la concentration du secteur. Je pense que cela s'inscrit dans le cadre de la préparation à la publication des résultats des stress tests.
Du côté des banques allemandes, ce sont principalement les Landesbanken qui sont les plus en difficultés. Mais Mr Schäuble semblait plutôt confiant.
Et nous ne savons pas si les stress tests prennent en considération la création de la «Bad bank» qui va reprendre près de 210 milliards d'euros d'actifs non performants.

Selon certains experts, l'échec de certaines caisses d'épargne espagnoles et landesbanken allemandes ne suffira pas. Pour que ces stress tests regagnent la confiance des marchés, il faudrait qu'il y ait des sociétés de renom qui soient prises dans les filets. Trois noms sont évoqués : Hypo Real Estate, Commerzbank et Dexia. Qu'en pensez-vous ?
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire qu'il y ait des échecs d'institutions de renom dans ces stress tests. Auquel cas cela ne serait pas un bon signal pour faire fonctionner normalement le marché interbancaire. C'est davantage la méthodologie qui sera jugée.

La vocation première de ce stress test est de refaire fonctionner le marché interbancaire. Pensez vous que cette finalité sera atteinte ?
Nous ne pouvons que l'espérer. Actuellement, la présence de la BCE est indispensable pour fournir de la liquidité. Les banques espagnoles et grecques en particulier sollicitent grandement l'accès au financement de la banque centrale.
Dans leur ensemble, les banques espagnoles auraient emprunté de l'ordre de 136 milliards d'euros. En ratio, les banques grecques auraient sollicité environ 18% de leur besoin.

Selon certains experts, l'accalmie qui devrait découler de ces stress tests devrait cependant être temporaire en raison des incertitudes qui pèsent sur les contraintes réglementaires auxquelles devraient faire face les établissements…
Les évolutions réglementaires visent à renforcer les fonds propres et la solidité du système bancaire parce que nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de mesurer avec précision les risques pris par les banques.
Si l'on travaillait davantage du côté des risques, le coussin de sécurité aurait pu s'en trouver maintenu à son état actuel. C'est le laisser-faire, qui a permis les excès qui ont mené à la crise financière qui justifie les réformes réglementaires.
L'impératif d'augmenter le capital ne règlera le problème que si l'on encadre mieux les activités des institutions bancaires en amont.

Vous attendez-vous à de nouvelles pressions sur le secteur à la rentrée ?
Cela dépendra de l'évolution de la conjoncture. Si celle-ci continue à se dégrader, le taux des prêts non performants va augmenter et les établissements vont avoir besoin de capitaux supplémentaires.

Quelle est votre stratégie d'investissement sur ce secteur actuellement ?
Nous sommes exposés en particulier sur le segment lower Tier 2. Nous nous attendons à ce que les banques reviennent se refinancer sur le marché de la dette senior à la rentrée. Elles ne peuvent pas continuer à emprunter indéfiniment à court terme.
Les chiffres qui circulent sur les volumes à émettre sont de plusieurs centaines de milliards.
Nous jouons cette perspective en se plaçant sur la dette subordonnée.
En termes d'allocation géographique, nous sommes davantage positionnés sur la France et l'Europe du Nord. Nous sous exposons les pays périphériques.

Propos recueillis par Imen Hazgui

imen