Interview de Benoît Flamant : Directeur de la gestion d'IT Asset Management

Benoît Flamant

Directeur de la gestion d'IT Asset Management

Parmi nos principales convictions, ARM Holdings, Apple, Google, et Capgemini

Publié le 24 Décembre 2010

Un des secteurs sur lequel vous misez particulièrement est le secteur des technologies de l’information. Pourquoi ?
Le secteur de la technologie de l’information est un secteur important. Aux Etats-Unis c’est le premier secteur de l’indice S&P 500. Il représente un cinquième de l’indice américain, ce qui est loin d’être négligeable. En Asie, le secteur est également largement représenté. A Taiwan par exemple, il représente un tiers de la cote. Il est par contre très faiblement pondéré dans l'Eurostoxx 600 où il ne pèse que 3 à 4%.

Le secteur est de plus en plus recherché. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, un facteur générationnel. L’émergence des personnes dont l’âge se situe entre 18 et 28 ans, les «digital natives». Ces personnes sont nées avec Internet et encouragent l’utilisation de ces technologies. Ce sont à la fois les décideurs et les consommateurs. Il n’est pas anodin en cela que le créateur de Facebook, le site communautaire le plus fréquenté au monde ait été un jeune étudiant d’Harvard. Il n'a aujourd'hui que 26 ans.

Un deuxième élément favorable à ce secteur réside dans le fait qu’il s’agit d’une industrie qui contribue à apporter de la valeur à d’autres industries. Si l’on considère le secteur de la santé, les technologies de l’information ont permis l’apparition d’appareils d’examen médicaux en 3D, numérisés, la réalisation de diagnostics à distance. Le secteur bancaire est une autre illustration de l’appui que représente les technologies de l’information. Le commerce, les voitures (électronique embarquée, systèmes anti-vol à base de géolocalisation), les avions (électronique embarquée, systèmes de commande, vidéo, accès Internet, téléphone à bord, check-in automatique), et aujourd’hui les médias se développent également grâce à ces technologies. Même l’agriculture se sert de ces technologies pour alimenter son bétail, pour l’éclairage, l’arrosage ou l'alimentation. Plus aucun pan économique n’est épargné.

Le troisième et dernier facteur expliquant l’essor des technologies de l’information réside dans une logique de substitution de valeur ou « création destructrice » notion popularisée par l’économiste Joseph Schumpeter. Des segments industriels classiques sont de plus en plus remplacés par les technologies de l’information. On peut citer la musique avec Appel et Itunes. Les ventes de CD musicaux ont ainsi été divisées par deux en dix ans tandis que le numérique voit sa part de marché passer à 40% aux USA en 2009 et son chiffre d’affaires atteindre 4,2 milliards de dollars.
Apple a vendu pour 28 milliards de dollars US d’iPod, d’iPhones et de contenu via sa boutique en ligne iTunes music store sur la seule année 2009. Et l’iPod n’a que neuf ans, l’iPhone trois ans, l’iPad quatre mois.

Au-delà de la musique, il en va de toute l’industrie du contenu: livres, journaux, séries télévisées, films. Par exemple, grâce au Kindle, Amazon a déjà vendu au deuxième trimestre 2010 plus de livres électroniques que de livres brochés dans un ratio de 143 pour 100 (180 pour 100 sur le seul mois de juin).

Aux Etats-Unis ce phénomène de substitution est beaucoup plus manifeste. L’essor du streaming vidéo a obligé une très grande société américaine qui s’appelle Blockbuster, pourtant très bien implantée sur le territoire avec près de 5000 magasins de location et vente de DVD, à lancer une procédure de sauvegarde ("Chapter 11"). Les grands de la vente de livres, Borders et Barnes and Noble sont également très affaiblis par l’arrivée de sites spécialisées dans la vente de livres.

Quelles sont les thématiques qui vous semblent les plus porteuses ?

Parmi les thématiques que nous aimons nous avons la numérisation du consommateur avec des appareils comme l’Iphone, le Blackberry, la Freebox. On a affaire ici à une tendance structurelle.
Nous aimons également la thématique du cloud computing qui consiste à utiliser des applications directement sur internet au lieu de les acheter, les installer et les gérer. Une société emblématique de cette thématique est la société Salesforce.com qui fait 1,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires et qui a près de 90 000 clients. Un autre acteur important est Amazon.com connu en tant que distributeur en ligne mais qui vend également sa puissance informatique à la demande.
Ces thématiques marquent une rupture dans les comportements des consommateurs et font de l’ombre aux acteurs traditionnels, tels que SAP, SAGE, ou Oracle s’agissant des logiciels. Cette réalité est observée également avec la thématique de la mobilité. Les smartphones, les Ipads s’inscrivent dans un écosystème tout aussi important que le PC. Or aucun acteur majeur du PC n’a vraiment pris le virage de la mobilité.

Quelles sont principales convictions en termes de valeurs ?
Nous pouvons en mentionner quatre. Tout d’abord, une société anglaise ARM Holdings, extrêmement bien positionnée sur les smartphones et tablettes. Le titre se paie au dessus de notre objectif de cours mais la valeur est une opportunité intéressante en cas de correction à la baisse. La société réalise un chiffre d’affaires de 390 millions de livres. Les marges opérationnelles sont de 29%.

Une autre de nos fortes convictions est la société Apple, raisonnablement valorisée, d'autant plus qu'elle devrait afficher un chiffre d'affaires en hausse de 58% en 2010. Nous apprécions également Google, en particulier du fait de sa plateforme Android qui devrait beaucoup rapporter au segment mobile où Google réalise déjà environ 500 millions de dollars de chiffre d’affaires.

Enfin, si nous devions citer une valeur française, nous pourrions parler de Cap Gemini qui s’inscrit dans une autre tendance en plein émergence en Europe, l’offshore ou l’externalisation de certaines activités par les entreprises de manière à optimiser leur budget. Le titre est coté à 35 euros actuellement. Nous le voyer évoluer vers les 45/50 euros.

Quels sont les principaux risques sous jacents à un investissement dans ce secteur ?

De premiers abords, nous répondrions la conjoncture. Mais d’une part nous ne croyons pas au scénario du double dip. Nous pensons que la croissance sera au rendez-vous-même si elle risque de rester faible.
Ensuite, les technologies de l’information parviennent généralement à bien s’en sortir parce qu’elles bénéficient de l’effet de rareté de valeurs de croissance.

Propos recueillis par Imen Hazgui