Interview de Guy Maisonnier : Economiste au sein de l'Institut français du pétrole

Guy Maisonnier

Economiste au sein de l'Institut français du pétrole

Pétrole : nous ne retomberons pas en dessous de 100 dollars

Publié le 28 Février 2011

Quel regard portez-vous sur l’évolution du prix du baril ?
Le prix du baril est monté par palier avec la hausse des incertitudes dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.
Nous avons dépassé le seuil des 90 dollars en décembre avec les premiers troubles en Tunisie. Nous avons ensuite franchi le seuil des 100 dollars avec les évènements en Egypte. Nous atteignons à présent les 110 dollars avec les incidents en Libye.

Compte tenue des incertitudes qui pèsent actuellement sur l’évolution de la situation, nous ne pouvons pas exclure que le prix du baril arrive à 120 dollars.
Pensez-vous que ce niveau élevé du prix soit durable ?

Tout dépendra de la suite des évènements. Le Moyen Orient représente 30% de l’offre mondiale du pétrole, l’Afrique représente 10%. On touche donc au cœur du système pétrolier.

Pensez-vous que nous pourrions  avoir d’autres zones d’embrasement ?
Il y a une vague de fond en termes de liberté et de considérations sociales. L’Arabie Saoudite, qui joue un rôle majeur dans l’équilibre du marché, a réagi en annonçant l’injection de l’ordre de 39 milliards de dollars dans l’économie avec des hausses de salaires.
Une contagion est envisageable dans des pays comme l’Iran où on a déjà eu des mouvements après les élections. Cependant je ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour indiquer avec précisions ce qui pourrait se passer.

Croyez vous qu’un accord pourra être trouvé au sein de l’OPEP pour enrayer l’envolée du prix ?

Il existe deux possibilités pour réagir face à la forte augmentation du prix du baril. Tout d’abord, l’utilisation des capacités disponibles au sein de l’OPEP, de l’ordre de 5 millions de barils par jour, dont 3 millions disponibles en Arabie Saoudite. Ce dernier pays a clairement affirmé sa volonté de compenser la moindre perte de pétrole sur le marché. Le second point réside dans l’utilisation des stocks. Les membres de l’Agence Internationale de l’Energie disposent de stocks importants de 90 jours de consommation, 2,5 millions de barils pendant deux ans. Ce sont des quantités importantes.

Cependant le risque existe que cela pèse sur les marges de production. Or ces marges sont l’élément de sécurité du marché. Il n’est pas sûr que ces moyens d’action aient un impact majeur sur le prix. Cela pourra probablement éviter de fortes hausses, mais cela ne permettra pas de retomber en dessous de 100 dollars.

Quelles seront les zones géographiques qui seront le plus affectées ?
Tous les pays importateurs. Nous avions calculé en 2008 que le passage du prix du baril de 80 à 100 dollars avait entrainé un transfert de 200 milliards de dollars des pays importateurs vers les pays producteurs pour 24 millions de barils par jour.

Les répercussions devraient être plus sévères sur ménages américains que sur les ménages français ?
En France, les taxes représentent 50% du prix. Une hausse du prix du baril de 10% ne représente que 5% pour le prix final. Il y a un effet d’amortissement beaucoup moins vrai aux Etats-Unis, où les taxes représentent au maximum 20% du prix. Toute hausse du prix du baril a un impact plus fort sur le pouvoir d’achat des ménages américains.

Quid des émergents ?


Un des risques de cette hausse est manifestement de renforcer l’inflation dans ces pays avec des conséquences en termes de diminution du pouvoir d’achat et de resserrement des taux d’intérêt.

Quelle hausse du prix du baril les ménages français pourraient supporter ?
Il n’y a pas vraiment de réponse à cette question. Nous aurons des transferts de comportements, comme des déplacements moins importants. Les ajustements se feront en fonction des revenus et des spécificités propres à chaque foyer.

Propos recueillis par Imen Hazgui