Interview de Jean-Francois  Monteil : Managing director, Responsable du Secteur Services Financiers pour la zone EMEA  chez Alexander Hughes Executive Search Consultants

Jean-Francois Monteil

Managing director, Responsable du Secteur Services Financiers pour la zone EMEA chez Alexander Hughes Executive Search Consultants

Le gros handicap de Paris c'est qu'elle ne sait pas se vendre

Publié le 18 Mai 2011

A-t-on raison de comparer les 5000 suppressions d’emplois dans le secteur financier à Paris et les 94 000 suppressions d’emplois à Londres ?
La comparaison ne fait pas sens. Tout d’abord nous ne comparons pas les mêmes types de métiers. Les activités de Londres sont beaucoup plus volatiles que les activités parisiennes. Nous sommes à Paris dans une logique de banque universelle où on mélange métiers récurrents et métiers volatils (banque de détail, gestion d’actifs, banque de financement et d’investissement, banque de marchés). Nous avons donc une meilleure mutualisation de nos risques. L’amplitude est toujours plus forte au Royaume-Uni.

Par ailleurs, nous ne comparons pas le même nombre d’institutions. Il est donc compréhensible que les répercussions de la crise aient été plus lourdes à Londres qu’à Paris.

Peut-on dire qu’il est aussi facile de supprimer des emplois que d’en créer à Londres. Et de ce fait doit-on s’attendre à voir un rythme accéléré de création d’emplois outre-Manche dans les mois à venir ?
Il est vrai que les procédures de licenciement sont plus flexibles au Royaume-Uni. Les délais de préavis sont plus courts, les motifs sont moins rigoureux. L’arsenal juridique est beaucoup plus protecteur en France, c’est indéniable.

Que pensez-vous du projet Quantvalley qui a vocation à promouvoir la compétence de la gestion quantitative à Paris ?
Arnaud Chrétien, qui est à l’origine de ce projet, a l’avantage d’avoir un profil très international. Il est notamment par l’un des bastions essentiels de la gestion d’actifs, un des fonds souverains les plus puissants de la planète. Le momentum est favorable. L’activité financière est à fort contenu intellectuel. Et de plus le projet recouvre une dimension stratégique. Le secteur de la gestion quantitative pourrait employer plusieurs milliers de personnes à terme. Les compétences sont là : si elles sont exportables, elles peuvent également être localisées, développées et relocalisées à Paris

Avez-vous des réserves par rapport à ce projet ?

Non. Néanmoins, si l’on considère que la gestion quantitative est importante, qu’elle apporte de la valeur aux portefeuilles, on peut regretter qu’il n’ait pas été proposé à d’autres hedge funds de faire la même démarche et de faciliter leur implantation. Les jeux ne sont peut-être pas faits. Je pense en particulier aux hedge funds qui se sont installés sur les bords du lac Léman mais aussi à ceux qui sont restés au Royaume-Uni. Pour être compétitif en tant que place, il nous faudra probablement faire «grossir le gâteau», il faut accueillir au risque de devoir partager.
On peut également imaginer que les métiers de conservation et services aux investisseurs, les moyens de paiement, métiers financiers dits industriels et/ou à fort contenu IT fassent des synergies, des acquisitions, développent de nouvelles compétences connexes.

Si à ce jour, la place de Paris n’est pas encore une place spécialisée, ne peut-elle pas se targuer de ce leadership dans la gestion d’actifs pour s’avancer comme la spécialiste de l’asset management en Europe ?
Comme en Allemagne, la gestion obligataire en euros est bien faite en France. On devrait pouvoir monter des projets dans le compartiment obligataire.
La gestion des actions internationales pourrait se renforcer même si Londres, New York sont plus globales. Paris pourrait achever de se distinguer dans la gestion ISR à travers plusieurs démarches qu’elle a largement commencé à faire avec succès.

Le gros handicap de Paris c’est qu’elle ne sait pas se vendre ?
Les grandes places anglo saxonnes dans une logique de marketing auprès des très bonnes écoles pour vendre la place, les jobs, les boîtes. Ce n’est pas toujours le cas dans l’hexagone. On sait innover mais on ne sait pas assez faire savoir qu’on innove. On ne communique pas suffisamment même si la communication recrutement se développe.
Nous ne manquons pas de savoir faire mais nous manquons de faire savoir sur une base plus globale. Des efforts sont faits, il faut continuer. Pour paraphraser Arnaud Chrétien , « nous la France » sommes très forts pour créer des marques internationalement reconnues, nous devrions nous efforcer de créer des marques également dans le secteur de la finance car nos expertises nous y autorisent.

Paris Europlace a fait un grand travail. Il faut le relayer ardemment avec le soutien des directions générales, des DRH, des Autorités, etc… Comme on peut vendredi la technologie et du luxe à l autre bout du monde, on peut vendre de l’ergonomie d accueil favorable aux services financiers et bancaires pour les majors, les filiales spécialisées de « Majors » et les «Niche Players» focalisés sur un produit, un métier, un savoir faire, de l innovation.

Dans votre activité, la demande est elle plus importante dans l’asset management ?
C'est une demande parmi d'autres compte tenu de la pluri-spécialisation métiers évoquée plus haut de notre Place Financière.




Propos recueillis par Imen Hazgui