Interview de Philippe Delienne : Philippe Delienne, président de Convictions AM

Philippe Delienne

Philippe Delienne, président de Convictions AM

Aucun grand pays occidental ne mérite un triple A

Publié le 09 Août 2011

La décision de Standard&Poor’s d’abaisser la note des Etats-Unis, en pleine tourmente des marchés, vous semble-t-elle justifiée ?
La décision de S&P est logique, je m’étonne qu’elle n’ait pas été prise plus tôt. La dette des Etats-Unis atteint 100% de leur PIB, ce qui est beaucoup trop. Plusieurs études ont montré qu’une dette supérieure à 90% freine la croissance, donc la capacité de remboursement d’un Etat. Par ailleurs, le plan annoncé début août est insuffisant. En réalité, il n’y a pas de plan crédible de réduction des déficits. Le Congrès va devoir mettre en place un groupe de travail pour tenter de rapprocher les deux camps, mais on n’est pas sûr qu’il aboutisse à un accord avant la fin de l’année. D’ici là, les marchés ont le temps de tergiverser.

Qu’en est-il des autres pays notés triple A ?
Aucun des grands pays occidentaux notés triple A ne mérite cette note, sauf peut-être l’Allemagne. En France, la dette publique dépasse 80% du PIB, elle va encore augmenter même si le gouvernement parvient à ramener le déficit public à 3% du PIB en 2013. Rappelons que le Pacte de stabilité et de croissance fixe un plafond de dette publique à 60% du PIB. Ce n’est pas un chiffre au hasard : c’est ce qui distingue les emprunteurs les plus solvables des autres. Seuls des pays comme la Suisse, la Finlande ou la Norvège sont en-dessous de ce seuil.

Quelles sont vos prévisions pour les marchés actions d’ici la fin de l’année ?

Nous allons avoir de la volatilité jusqu’à la fin de l’année. Dans ce contexte, nous ne sommes pas acheteurs d’actions. Nous préférons les obligations, ainsi que l’or. Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, le marché réagit aux annonces politiques. C’est pourquoi il est très important que les responsables politiques adoptent les réformes nécessaires. En zone euro, les choses vont dans le bons sens. Il y a eu l’accord sur la Grèce où le secteur privé a pris à son compte une partie des pertes, ce qui est tout-à-fait inédit. On peut très bien imaginer le même schéma avec l’Italie, le Portugal et d’autres. Mais pour cela il faut que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ait les moyens de ses ambitions. Ses ressources atteignent aujourd’hui 440 milliards d’euros, or la bonne taille se situe autour de 1 500 milliards. Ce n’est qu’avec ce matelas que les marchés seront rassurés.

Les mesures prises pour sauver la Grèce et d’autres pays en difficulté ont un coût pour les finances publiques. La France, l’Allemagne ne risquent-elle pas dans ces conditions de perdre leur triple A ?

La France, l’Allemagne perdront peut-être leur triple A si elles assument une plus grande solidarité financière via un fonds européen. Mais je préfère cela à une explosion de la zone euro. Il ne faut pas se focaliser sur le triple A, ce qui importe, c’est de trouver les moyens de relancer la croissance tout en réduisant les dépenses publiques. Ce n’est pas facile à faire, alors qu’il y a des échéances électorales dans de nombreux pays. Mais c’est possible. Voyez le plan annoncé par le gouvernement italien ce week-end : il prend la mesure des réformes nécessaires dans ce pays.

Propos recueillis par François Schott