Interview de Philippe-Henri Burlisson : Directeur des gestions fondamentales au sein de Groupama AM

Philippe-Henri Burlisson

Directeur des gestions fondamentales au sein de Groupama AM

Tensions sur l'Italie : certes la BCE achète, cependant, en face, d'importants investisseurs institutionnels vendent de gros volumes

Publié le 07 Novembre 2011

Que retenez-vous de la première conférence de presse de Mario Draghi jeudi en tant que gouverneur de la BCE ?
Mario Draghi confirme une frontière très précise entre ce qui relève de la politique monétaire et ce qui ne ressort pas de la politique monétaire. En cela il n’a pas clairement répondu aux questions concernant le FESF, le sort de la Grèce ou encore le SMP. Un plan anti crise a été adopté par les dirigeants européens le 26 octobre qui n’intègre pas la BCE et il est probable que Mario Draghi ne souhaite pas empiéter sur les éléments de ce plan, confirmant au passage son indépendance, et partant sans doute du postulat que ce plan sera mis en œuvre et fonctionnera. Si l’on a l’impression que le gouverneur de la BCE nous a laissé sur notre faim concernant l’évolution du programme de rachat des titres de dette, c’est en conscience, car non seulement ce n’est pas son mandat, mais de plus, cela aurait pu implicitement faire croire à l’intégration d’une hypothèse d’un éventuel mauvais fonctionnement à venir du plan adopté.

Le thème de la croissance économique est un peu plus marqué que pour Jean Claude Trichet ?

Le mandat de la BCE est clairement la stabilité des prix. La croissance était reléguée au second plan. Or jeudi, Mario Draghi a mis en avant les prévisions de croissance modérée, voir une légère récession, pour justifier la baisse des taux même s’il a également indiqué que l’inflation avait vocation à s’infléchir d’ici la fin de l’année 2012.

A quelle évolution du taux directeur vous attendez vous pour les prochains mois ?
Je pense que nous irons à 1% et qu’il faudra que le contexte macroéconomique se dégrade plus que prévu pour que l’on aille plus bas, ce qui n’est pas exclu. A présent, je pense qu’il ne faut pas accorder trop de prix aux scénarii catastrophistes.

Malgré la politique de rachat de titres de la BCE, l’Italie continue à être sous pression. Le taux de refinancement à dix ans reste au dessus des 6%...

Certes la BCE achète. Cependant, en face, d’importants investisseurs institutionnels vendent de gros volumes dans une optique d’allègement de leur risque dans un contexte 1/ de forte volatilité et d’incertitude quant à la résolution de la crise de la dette souveraine et 2/ du risque spécifique italien dans un contexte de faiblesse politique.

La BCE peut-elle à seule rivaliser avec les flux vendeurs ?

Il faut espérer que les flux vendeurs ne sont pas permanents etqu’il n’y a pas un puits sans fond de dette italienne à vendre. Le spread de 4% entre l’obligation italienne et l’obligation allemande était un niveau que l’on avait réussi à contenir. Depuis quelques jours, nous sommes remontés au dessus de 4%, à 4,4%-4,5%. Il est trop tôt pour dire si ce spread va continuer à progresser. Il faut espérer que la mise sous surveillance de la politique économique et budgétaire de l’Italie par l’Europe et le FMI et l’arrivée potentielle de Mario Monti au pouvoir, finissent par calmer le jeu.



Propos recueilis par Imen Hazgui