Pascal Lagarde
Directeur général de CDC Entreprises
Développer un marché obligataire dédié au financement des PME : un sujet important
Publié le 24 Novembre 2011
CDC Entreprises a actuellement plus de 220 fonds français d’investissement en portefeuille dont une vingtaine gérés directement, qui représentaient fin 2010 un peu moins de 3000 PME. A ce stade, comment se portent les entreprises qui composent votre portefeuille ?
Jusqu’à présent, ce portefeuille se porte bien. Nous n’avons pas de problème important en termes de chiffre d’affaires, ou de résultats. Nous n’avons pas encore senti un effet forcené de la crise. Nous n’avons pas encore décelé d’importantes difficultés généralisées dans les activités des entreprises dans lesquelles nous sommes directement ou indirectement investisseurs.
Sentez-vous une problématique de financement des entreprises ?
Quand bien même nous n’intervenons qu’en haut de bilan, nous pouvons toutefois signaler que des tensions se ressentent dans le financement en bas de bilan.
S’agissant du financement en fonds propres, il est clair que les fonds d’investissement en capital risque technologique ou en capital développement ont encore de l’argent en stock et donc continuent à financer les entreprises.
Nous sommes inquiets néanmoins par le renouvellement de ces fonds d’investissement en raison du retrait d’importants investisseurs institutionnels, banques et assurances suite à des contraintes réglementaires et prudentielles imposées par Bale III et Solvency II.
Que voulez vous dire ?
Les fonds d’investissement investissent en général quatre ans de suite. Ensuite l’équipe de gestion lève à nouveau des capitaux pour un fonds successeur. Actuellement, beaucoup de fonds d’investissement ont du mal à trouver des souscripteurs en particulier dans le secteur du capital risque. Cela laisse présager un tarissement des sources de financement en fonds propres pour les PME.
Il est compliqué de dire avec exactitude quand se dessinera le creux de la vague. Ce qui est assez certain c’est que les prochains mois s’avéreront ardus.
Les fonds de notre portefeuille ont enregistrés en 2010 une baisse de 38% des montants levés.
Avez-vous connu un déséquilibre entre niveau de la collecte et niveau d’investissement ?
Nous ne disposons pas de ce type d’indicateur.
Ceci étant, nous bénéficions du financement du Fonds stratégique d’investissement (FSI), de la Caisse des Dépôts, et du programme d’investissement d’avenir. C’est ce qui nous a permis d’augmenter le montant de nos financements en 2010.
Comment compenser l’absence des investisseurs institutionnels ?
De plusieurs manières. En premier lieu, nous devons démontrer à nos partenaires institutionnels que nos dossiers sont de qualité et qu’ils ont fait le bon choix en investissant à nos cotés. Il convient également de les convaincre que le marché des PME innovantes, même s’il apparaît plus risqué, est un marché attractif pour les investisseurs institutionnels et qu’il constitue une valeur ajoutée importante pour l’économie de notre pays.. Pour cela, nous nous pensons notamment qu’il est nécessaire d’accompagner très tôt les entreprises et en les aidant à mieux formaliser leur besoin de fonds propres auprès des investisseurs. Des entreprises porteuse de projets solides, muris et intégrant la contrainte et les opportunités de financement permettent de sécuriser les investissements.
Un autre point serait de trouver des moyens de drainer une partie de l’épargne vers le financement des PME non cotées. Dans les pays anglo saxons une grande partie de la collecte des fonds d’investissement provient des fonds de pension. Nous n’avons pas de fonds de pension en France, cependant nous avons toute une panoplie d’épargne qui ne va pas spontanément sur les marchés.
C’est l’objet d’un récent rapport de la Chambre de commerce de Paris intitulé : quel avenir pour le financement des sociétés non cotées ?
Un grand nombre de propositions me semblent intéressantes, notamment la modulation de la fiscalité de l’assurance vie, l’évolution de la réglementation du livret de développement durable.
D’autres idées seraient pertinentes à mettre en avant, comme le développement de l’épargne retraite et la réorientation d’une partie de cette épargne vers le financement des PME.
Je pense que dans l’absolu, il est nécessaire d’avoir des outils d’épargne qui s’orientent pour partie vers des investissements de long terme et ciblés.
Comment procéder à de tels changements sans créer pour autant de nouvelles niches fiscales ?
Les voies qui sont avancées par la CCIP ou par d’autres experts ne consistent pas pour la plupart à créer de nouvelles niches fiscales mais d’améliorer la fiscalité qui existe.
Une des propositions formulées consiste à étendre un marché obligataire dédié aux PME ?
Ce marché obligataire me semble être un sujet important. En 2010, nous avons créé un fonds d’investissement direct, OC+, qui réalise des opérations d’investissement en obligations convertibles dans des PME matures, qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas ouvrir leur capital pour des raisons de valorisation en temps de crise, mais qui ont besoin de fonds propres pour réaliser des investissements ou des acquisitions. Ce fonds fonctionne très bien. C’est une première pierre apportée à l’édifice qui permet un accès aux quasi-fonds propres.
Nous sommes également investis dans des fonds mezzanines.
Pour ce qui est du développement de ce marché, sur le plan des modalités techniques, la suggestion prônée par certains acteurs est une syndication des titres des PME pour réduire le risque et répondre à une demande plus globale ?
Nous examinons des projets dans ce domaine dont certains pourraient se conclure d’ici la fin de l’année. La syndication permet d’avoir un portefeuille assez stable au cours du temps. Cela suppose d’être sélectif, de retenir des business plan précis.
Qu’est ce qui vous semble le plus judicieux en termes de pooling ? Par industries ? Par profil de sociétés ?
Je pense que les deux formes de pooling peuvent coexister. Nous sommes prêts à évaluer les deux types de projets. Un peu comme dans le capital investissement, certains fonds sont très sectorisés avec des équipes de gestion expertes dans un domaine précis. Elles sont assez compétentes pour distinguer les bonnes et les mauvaises entreprises. Cependant un risque systémique est pris sur le secteur. A contrario, des équipes de gestion sont plus généralistes et permettent une plus forte diversification des risques.
Toujours dans les modalités techniques de ce marché obligataire, est évoquée la participation d’Oséo en tant que garantie d’une partie des titres de dette acquis ?
Effectivement, les projets que l’on étudie impliquent par la participation d’Oséo.
Pour certains experts, à l’instar du médiateur national du crédit aux entreprises, Gérard Rameix, semblent penser que cette garantie ne sera pas évidente à obtenir car elle suppose un cout pour le gouvernement que ce dernier n’est peut être pas prêt à assumer.
Je ne peux vous répondre sur ce point. Cela dépendra sans doute de l’ampleur des titres obligataires qui devront être garantis.
Pour Gérard Rameix toujours, au-delà de ces crédits syndiqués, il y a lieu de ne pas écarter l’investissement direct sur ce marché obligataire ?
Cet investissement direct est d’autant plus facile lorsque la PME est importante ou approche l’ETI. Les projets que nous examinons intéressent des petites PME .
L’une des difficultés de financement que vous percevez comme les plus aigues intéressent les fonds de capital risque technologiques…
Le domaine du financement des entreprises technologiques est un domaine relativement risqué. Nous avons à faire à des starts up, des sociétés basées sur de la recherche qui peut ne pas aboutir, sur une innovation qui peut ne pas fonctionner ou ne pas trouver son marché.
Ceci étant, c’est au sein de ces entreprises que l’on peut trouver les relais de croissance les plus spectaculaires pour notre économie.
Nous nous sommes efforcés d’être présents pour soutenir ces fonds capital risque technologiques, notamment au sein du programme FSI France Investissement.
Au titre du Programme d’investissement d’avenir (PIA), plusieurs mandats ont été confiés par le Commissariat général à l’investissement. Un premier mandat a pour objet un fonds de fonds dans le capital amorçage (FNA) dédié à la création d’entreprises technologiques innovantes. Il dispose de 400 millions d’euros. Nous avons reçu une vingtaine de projets de fonds.
Pour les investissements directs dans les PME, nous gérons également la partie investissement dans les PME du segment numérique du PIA par le biais d’un autre fonds de 400 millions d’euros, le FSN PME. Nous sommes enfin présents dans le segment des biotechs avec le fonds InnoBio de 139 millions d’euros, lancé en 2009.
L’enveloppe de 400 millions d’euros sur l’amorçage et de 400 millions sur le numérique vous semble-t-elle suffisante pour répondre aux besoins de refinancement des entreprises et combler le retrait des investisseurs privés ?
Ce sont des sommes importantes qui me paraissent avoir un impact très significatif sur le marché. Nous gérons au total 5,2 milliards d’euros dédiés à l’investissement en fonds propres dans le PME de croissance, dans les secteurs du capital-risque, de l’amorçage et du capital-développement.
Jusqu’à présent, ce portefeuille se porte bien. Nous n’avons pas de problème important en termes de chiffre d’affaires, ou de résultats. Nous n’avons pas encore senti un effet forcené de la crise. Nous n’avons pas encore décelé d’importantes difficultés généralisées dans les activités des entreprises dans lesquelles nous sommes directement ou indirectement investisseurs.
Sentez-vous une problématique de financement des entreprises ?
Quand bien même nous n’intervenons qu’en haut de bilan, nous pouvons toutefois signaler que des tensions se ressentent dans le financement en bas de bilan.
S’agissant du financement en fonds propres, il est clair que les fonds d’investissement en capital risque technologique ou en capital développement ont encore de l’argent en stock et donc continuent à financer les entreprises.
Nous sommes inquiets néanmoins par le renouvellement de ces fonds d’investissement en raison du retrait d’importants investisseurs institutionnels, banques et assurances suite à des contraintes réglementaires et prudentielles imposées par Bale III et Solvency II.
Que voulez vous dire ?
Les fonds d’investissement investissent en général quatre ans de suite. Ensuite l’équipe de gestion lève à nouveau des capitaux pour un fonds successeur. Actuellement, beaucoup de fonds d’investissement ont du mal à trouver des souscripteurs en particulier dans le secteur du capital risque. Cela laisse présager un tarissement des sources de financement en fonds propres pour les PME.
Il est compliqué de dire avec exactitude quand se dessinera le creux de la vague. Ce qui est assez certain c’est que les prochains mois s’avéreront ardus.
Les fonds de notre portefeuille ont enregistrés en 2010 une baisse de 38% des montants levés.
Avez-vous connu un déséquilibre entre niveau de la collecte et niveau d’investissement ?
Nous ne disposons pas de ce type d’indicateur.
Ceci étant, nous bénéficions du financement du Fonds stratégique d’investissement (FSI), de la Caisse des Dépôts, et du programme d’investissement d’avenir. C’est ce qui nous a permis d’augmenter le montant de nos financements en 2010.
Comment compenser l’absence des investisseurs institutionnels ?
De plusieurs manières. En premier lieu, nous devons démontrer à nos partenaires institutionnels que nos dossiers sont de qualité et qu’ils ont fait le bon choix en investissant à nos cotés. Il convient également de les convaincre que le marché des PME innovantes, même s’il apparaît plus risqué, est un marché attractif pour les investisseurs institutionnels et qu’il constitue une valeur ajoutée importante pour l’économie de notre pays.. Pour cela, nous nous pensons notamment qu’il est nécessaire d’accompagner très tôt les entreprises et en les aidant à mieux formaliser leur besoin de fonds propres auprès des investisseurs. Des entreprises porteuse de projets solides, muris et intégrant la contrainte et les opportunités de financement permettent de sécuriser les investissements.
Un autre point serait de trouver des moyens de drainer une partie de l’épargne vers le financement des PME non cotées. Dans les pays anglo saxons une grande partie de la collecte des fonds d’investissement provient des fonds de pension. Nous n’avons pas de fonds de pension en France, cependant nous avons toute une panoplie d’épargne qui ne va pas spontanément sur les marchés.
C’est l’objet d’un récent rapport de la Chambre de commerce de Paris intitulé : quel avenir pour le financement des sociétés non cotées ?
Un grand nombre de propositions me semblent intéressantes, notamment la modulation de la fiscalité de l’assurance vie, l’évolution de la réglementation du livret de développement durable.
D’autres idées seraient pertinentes à mettre en avant, comme le développement de l’épargne retraite et la réorientation d’une partie de cette épargne vers le financement des PME.
Je pense que dans l’absolu, il est nécessaire d’avoir des outils d’épargne qui s’orientent pour partie vers des investissements de long terme et ciblés.
Comment procéder à de tels changements sans créer pour autant de nouvelles niches fiscales ?
Les voies qui sont avancées par la CCIP ou par d’autres experts ne consistent pas pour la plupart à créer de nouvelles niches fiscales mais d’améliorer la fiscalité qui existe.
Une des propositions formulées consiste à étendre un marché obligataire dédié aux PME ?
Ce marché obligataire me semble être un sujet important. En 2010, nous avons créé un fonds d’investissement direct, OC+, qui réalise des opérations d’investissement en obligations convertibles dans des PME matures, qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas ouvrir leur capital pour des raisons de valorisation en temps de crise, mais qui ont besoin de fonds propres pour réaliser des investissements ou des acquisitions. Ce fonds fonctionne très bien. C’est une première pierre apportée à l’édifice qui permet un accès aux quasi-fonds propres.
Nous sommes également investis dans des fonds mezzanines.
Pour ce qui est du développement de ce marché, sur le plan des modalités techniques, la suggestion prônée par certains acteurs est une syndication des titres des PME pour réduire le risque et répondre à une demande plus globale ?
Nous examinons des projets dans ce domaine dont certains pourraient se conclure d’ici la fin de l’année. La syndication permet d’avoir un portefeuille assez stable au cours du temps. Cela suppose d’être sélectif, de retenir des business plan précis.
Qu’est ce qui vous semble le plus judicieux en termes de pooling ? Par industries ? Par profil de sociétés ?
Je pense que les deux formes de pooling peuvent coexister. Nous sommes prêts à évaluer les deux types de projets. Un peu comme dans le capital investissement, certains fonds sont très sectorisés avec des équipes de gestion expertes dans un domaine précis. Elles sont assez compétentes pour distinguer les bonnes et les mauvaises entreprises. Cependant un risque systémique est pris sur le secteur. A contrario, des équipes de gestion sont plus généralistes et permettent une plus forte diversification des risques.
Toujours dans les modalités techniques de ce marché obligataire, est évoquée la participation d’Oséo en tant que garantie d’une partie des titres de dette acquis ?
Effectivement, les projets que l’on étudie impliquent par la participation d’Oséo.
Pour certains experts, à l’instar du médiateur national du crédit aux entreprises, Gérard Rameix, semblent penser que cette garantie ne sera pas évidente à obtenir car elle suppose un cout pour le gouvernement que ce dernier n’est peut être pas prêt à assumer.
Je ne peux vous répondre sur ce point. Cela dépendra sans doute de l’ampleur des titres obligataires qui devront être garantis.
Pour Gérard Rameix toujours, au-delà de ces crédits syndiqués, il y a lieu de ne pas écarter l’investissement direct sur ce marché obligataire ?
Cet investissement direct est d’autant plus facile lorsque la PME est importante ou approche l’ETI. Les projets que nous examinons intéressent des petites PME .
L’une des difficultés de financement que vous percevez comme les plus aigues intéressent les fonds de capital risque technologiques…
Le domaine du financement des entreprises technologiques est un domaine relativement risqué. Nous avons à faire à des starts up, des sociétés basées sur de la recherche qui peut ne pas aboutir, sur une innovation qui peut ne pas fonctionner ou ne pas trouver son marché.
Ceci étant, c’est au sein de ces entreprises que l’on peut trouver les relais de croissance les plus spectaculaires pour notre économie.
Nous nous sommes efforcés d’être présents pour soutenir ces fonds capital risque technologiques, notamment au sein du programme FSI France Investissement.
Au titre du Programme d’investissement d’avenir (PIA), plusieurs mandats ont été confiés par le Commissariat général à l’investissement. Un premier mandat a pour objet un fonds de fonds dans le capital amorçage (FNA) dédié à la création d’entreprises technologiques innovantes. Il dispose de 400 millions d’euros. Nous avons reçu une vingtaine de projets de fonds.
Pour les investissements directs dans les PME, nous gérons également la partie investissement dans les PME du segment numérique du PIA par le biais d’un autre fonds de 400 millions d’euros, le FSN PME. Nous sommes enfin présents dans le segment des biotechs avec le fonds InnoBio de 139 millions d’euros, lancé en 2009.
L’enveloppe de 400 millions d’euros sur l’amorçage et de 400 millions sur le numérique vous semble-t-elle suffisante pour répondre aux besoins de refinancement des entreprises et combler le retrait des investisseurs privés ?
Ce sont des sommes importantes qui me paraissent avoir un impact très significatif sur le marché. Nous gérons au total 5,2 milliards d’euros dédiés à l’investissement en fonds propres dans le PME de croissance, dans les secteurs du capital-risque, de l’amorçage et du capital-développement.
Propos recueillis par Imen Hazgui