Interview de Joffrey  Ouafqa : Gérant actions au sein de Convictions AM

Joffrey Ouafqa

Gérant actions au sein de Convictions AM

Pour 2012, nous sommes confiants sur les valeurs du luxe, les valeurs pétrolières et certaines valeurs bancaires

Publié le 03 Janvier 2012

Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché des actions européennes en 2011 ?
Les termes qui caractérisent le mieux l’année 2011 sont volatilité et rotation sectorielle.
La crise politique qui a dominé le second semestre de l’année a créé beaucoup d’incertitudes et conduit à des mouvements erratiques parfois sur une même séance. S’agissant de la rotation sectorielle, certaines valeurs comme LVMH, ont alterné des rebonds et des corrections de 15%. C’est là un phénomène assez peu courant pour une valeur d’aussi bonne qualité.
Le nécessaire processus de désendettement des banques a eu pour effet un ralentissement dans l’octroie du crédit et par à-coup un essoufflement plus prononcé de l’économie et donc les bénéfices des sociétés européennes. L’attitude des agences de notation et les rumeurs qu’elles ont pu entrainé n’ont pas aidé à calmer les tensions.

Comment considérez-vous les PE à ce jour ?

Le PE pour l’année 2012 des indices européens est d’environ 8,5x. C’est un niveau historiquement bas, mais qui n’augure de rien concernant la suite des évènements.
En effet, le PE fin 2010 n’était pas très élevé. Cela laissait augurer une embellie pour 2011. Or la contagion de la crise des dettes souveraines à l’Italie et à l’Espagne et une crise de liquidité dans le secteur bancaire a pesé sur la valorisation des indices. Cela a eu pour conséquence la dégradation de toutes les perspectives de bénéfices des indices européens. L’augmentation des PE des marchés actions en Europe dépendra donc des solutions politiques apportées à la crise.

Quel commentaire vous inspire la disparité géographique ?

Lorsque l’on considère les performances par pays, on remarque que les différences de performances sont expliquées par la crise de la dette souveraine. Ainsi, l’indice italien a depuis le début de l’année perdu plus de 25%. Le Cac 40 a reculé de 19%, tandis que le Dax a fléchit de 15%.
Le Footsie a particulièrement été peu impacté puisque les sociétés anglo-saxonnes sont peu exposées à l’Europe. Il termine l’année à -6%.

L’Irlande est le seul pays européen à afficher une performance positive en 2011, de +15%. Le pays avait été très touché les années précédentes, à la suite notamment de la nationalisation de ses banques. Ainsi l’Irlande avait fait -14% en 2010, -29% en 2007 et -71% en 2008. Cette évolution fait dire à certains que les marchés boursiers de l’Italie et de l’Espagne pourraient connaitre la même configuration cette année tellement ils ont été affectés en 2011 ?
En Italie et en Espagne, les mesures de restriction budgétaire devraient peser sur la croissance des économies et sur les bénéfices des sociétés implantées dans ces économies. En cela le rattrapage technique sera limité.

Quelle opinion avez-vous sur la disparité sectorielle ?
Tous les secteurs défensifs ont joué leur rôle à l’exception du secteur des utilities en raison de l’incident de Fukushima survenu au Japon en début d’année. Le secteur enregistre une correction de -17%.
Pour le reste, la santé est à +12%, l’alimentation est à +5%, la consommation des biens discrétionnaires est stable, les télécommunications à -6%, et la distribution à -7%
A l’inverse, les secteurs cycliques ont largement sous performé : le secteur bancaire a chuté de 32%, les basic ressources de 30%, l’automobile de 23%, et la construction de -22%.

Y a-t-il des performances ou des corrections qui vous ont étonnées ?
La performance du secteur de la santé est assez étonnante. Dans un contexte de perte des brevets par tous les grands laboratoires pharmaceutiques, la concurrence des médicaments génériques se veut plus vive cette année. Une perte de chiffre d’affaires est à attendre en 2012, qui ne sera pas forcément compensée. D’autant plus que les Etats s’inscrivent dans une logique de réduction des dépenses de santé.
La correction du secteur des ressources de base est également surprenante dès lors qu’il est étroitement lié à la demande des pays émergents qui continuent à afficher une certaine dynamique. On s’est aperçue que la crise de la zone euro avait eu un impact sur la croissance de ces pays. Cela s’est répercuté sur le secteur des ressources de base.

Quelle est votre allocation actions pour 2012 ?
Nous sommes exposés aux sociétés liés à la consommation dans les pays émergents et aux Etats-Unis. En cela s’attacher à la part du chiffre d’affaires des sociétés européennes réalisée dans ces deux régions du monde n’est pas une mauvaise idée. Les valeurs du luxe peuvent alors s’inscrire dans cette thématique.
Les secteurs cycliques, comme le secteur industriel ou automobile seront plutôt à éviter. Cependant il faudra veiller à être opportuniste. Le marché a beaucoup pricé le ralentissement de la conjoncture en 2012. Au moindre signal positif, il pourrait être intéressant de revenir sur ces secteurs susceptibles de connaitre un net rebond.

Il peut être opportun de s’exposer sur le secteur bancaire de manière prudente. Les opérations exceptionnelles de refinancement à long terme, de manière illimitée, à un taux avantageux, lancées par la BCE peuvent être d’importants soutiens au secteur. Ces opérations atténuent le risque de liquidité et favorise la transformation par les banques de cette liquidité en crédits. Les résultats nets pourraient être stimulés. In fine, les banques pourraient devoir lever moins de capitaux pour respecter les contraintes de Bale III. Les banques françaises et italiennes seront alors à privilégier.

Nous sommes aussi confiants sur les valeurs pétrolières, en particulier les majors comme Total, Eni, Shell qui versent un dividende important. Le prix du baril devrait rester supérieur à 100 dollars. Il suffit que la croissance mondiale soit supérieure à 2,5% pour que la demande globale de pétrole soit en augmentation. La croissance prévue pour 2012 est de 3,5%.

Une dernière idée résiderait dans les valeurs de rendement. Dans un environnement de taux bas et de croissance incertaine, s’orienter vers les valeurs qui versent des dividendes importants. Il faut alors être très sélectif, aller vers les valeurs qui ont un cash flow suffisant et qui ont un taux de distribution par rapport au résultat net pas trop élevé. On préférera acheter du KPN, société de télécom néerlandaise, qui offre 10% de rendement, plutôt que Telefonica.

Propos recueillis par Imen Hazgui