Interview de Joffrey  Ouafqa : Analyste-Gérant actions chez Convictions AM

Joffrey Ouafqa

Analyste-Gérant actions chez Convictions AM

Telecoms : Telefonica, Telenor, Télé 2, France Telecom sont des actions susceptibles de nous intéresser

Publié le 27 Février 2012

A ce jour vous n'êtes pas investis sur le secteur des télécoms. Pourquoi ?
Ce secteur souffre de l'environnement macroéconomique en Europe et d'une concurrence toujours plus forte. De ce fait, nous ne décelons pas de valeurs suffisamment intéressantes. En outre, le secteur présente historiquement un profil défensif. Or le contexte actuel des marchés financiers est plus porteur aux secteurs cycliques.

Pour certains experts, les opérateurs devraient bénéficier d'un important pricing power à la suite des lourds investissements qu'ils devront effectuer pour renforcer et étendre leurs réseaux...
Les opérateurs vont effectivement être contraints d'investir dans les infrastructures pour développer leur offre 4G (internet mobile très rapide).
Les abonnés sont en attente de débits supérieurs pour pouvoir surfer plus aisément et la croissance du trafic des données est de toute évidence une problématique clé. Toutefois le pricing power sera vraisemblablement limité.
L'arrivée d'Iliad sur le marché mobile français a eu un impact négatif sur le pricing power. Tous les opérateurs concurrents ont du s'aligner sur les tarifs pratiqués par Free. Iliad a ouvert une boite de Pandore en démontrant qu'un autre business model était possible dans la téléphonie mobile (abonnement à bas prix sans subvention du téléphone mobile entrainant une base de clientèle élevée qui permet de financer le développement du réseau). Je ne serai pas étonné de revoir la configuration qui s'est dessinée en France se répéter ailleurs en Europe, en Hollande notamment.
Quant aux consommateurs, je doute qu'ils soient prêts à payer leur abonnement 50% plus cher dans le seul but de bénéficier d'une connexion à Internet plus rapide.

Un point positif pour le secteur résiderait dans l'exposition de certains opérateurs aux marchés émergents en forte croissance ?

Il est important de contrôler la part des marchés émergents dans le chiffre d'affaires de l'opérateur et d'apprécier si cette part permettrait de compenser à terme la contraction du chiffre d'affaires dans les pays matures.
Pour la plupart des acteurs, à ce jour, l'activité dans les marchés émergents n'est pas suffisamment importante pour compenser la perte de vitesse sur les marchés matures.

Deux risques importants sont à prendre en compte selon vous, le risque d'une baisse des dividendes et le risque de régulation...
Les Etats européens souhaitent réduire leur déficit budgétaire en augmentant les impôts. Or les sociétés télécoms sont vulnérables à une augmentation des taxes dans la mesure où ce sont des sociétés qui ont des revenus réguliers, domestiques et qu'elles ne disposent d'aucun moyen de pression sur les gouvernements car les délocalisations sont impossibles.
Concernant le niveau du dividende versé par ces sociétés, il n'est pas soutenable.
France Telecom par exemple voit ses cash flow se dégrader à cause de ses investissements dans le réseau et d'une baisse de ses parts de marché (notamment au profit de Free). Récemment Telefonica a diminué le montant de son dividende car la société souffre de son exposition à l'économie espagnole.

Un retour vers le secteur dans le courant de l'année est-il envisageable dans le cas où l'environnement des marchés venait à se dégrader ?
Oui, si nous voulons donner à notre portefeuille un profil plus défensif. Les cours de bourse ont déjà intégré de nombreuses mauvaises nouvelles, le risque d'une forte baisse du secteur en bourse parait donc limité. Par exemple, Telefonica cotait il y a un an 18 euros, et vaut aujourd'hui 13 euros. Cela représente une baisse substantielle de 27%.
Telenor en Norvège ou encore Télé 2 en Suède ont des expositions aux marchés émergents intéressantes qui les rendent moins vulnérables au déclin des pays matures.
L'action France Telecom a également intégré l'essentiel des mauvaises nouvelles. Le news flow négatif ainsi que les pertes d'abonnés devrait s'atténuer avec le temps.

Que pensez-vous d'Iliad ?
Au cours actuel l'investissement n'est pas attractif mais les fondamentaux de la société sont solides et sa récente entrée dans le marché du mobile est un succès beaucoup plus massif qu'initialement prévu. Les dernières estimations tablent sur 2M de clients acquis en moins de 2 mois. L'utilisation du réseau d'Orange par Iliad a un coût non négligeable, coût qui n'est pas forcément intégré par les marchés.

Propos recueillis par Imen Hazgui