Interview de Paul-Henri de la Porte du Theil : Président de l'Association française de la gestion financière (AFG)

Paul-Henri de la Porte du Theil

Président de l'Association française de la gestion financière (AFG)

La taxe sur les transactions financière frappe bien davantage l'épargnant que les acteurs à l'origine de la crise financière

Publié le 11 Juillet 2012

Quel regard portez-vous sur le dernier projet de taxe sur les transactions financières que prévoit de faire appliquer l’actuel gouvernement ?
Le projet n’est pas encore définitivement arrêté. Il prévoit a priori un doublement du prélèvement par rapport à ce qui était initialement prévu. Autrement dit les transactions seront taxées à hauteur de 0,2% au lieu de 0,1%.
A mon sens, cette taxe n’a pas été bien conçue. A l’origine, le G20 avait appelé de ses vœux cette taxe de manière à contrer la spéculation et le courtermisme. Or, si la taxe française concerne aussi les ordres annulés dans le cadre du high frequency trading et les ventes à nu de CDS, elle intéresse surtout les transactions sur actions de base. Le milliard et demi escompté viendra surtout de la taxe imposées lors d’acquisitions de titres de capital.

Cette taxe n’affecte plus les OPCVM par deux fois …
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il en était question dans le premier projet de la taxe. La taxe devait s’appliquer à l’actif et au passif à la souscription d’une part d’un OPCVM et à l’intérieur de l’OPCVM lorsque celui investit en actions ou en obligations. Le particulier investisseur dans un OPCVM se retrouvait deux fois plus taxé qu’un investisseur qui se portait acquéreur en direct.
Cette modalité de la taxation a été abandonnée par l’actuel gouvernement. La taxe ne concernera que les achats de titres par l’OPCVM. La neutralité prévaut désormais au moment de la souscription.
Cette double taxation a en revanche été maintenue dans l’actuel projet de taxe au niveau européen.

Quels effets négatifs de la taxe craignez-vous en particulier ?
Nous pouvons penser que les banques de marché parviendront par divers moyens-en particulier par la sophistication des produits vendus-à échapper à cette taxation. En revanche, l’investisseur particulier de base ne réussira pas à éviter cette taxation.

Diriez-vous comme certains que la création de cette taxe répond surtout à une volonté de rétablir une certaine crédibilité des autorités auprès de l’opinion publique ?
Il me semble effectivement que les autorités s’efforcent de redorer leur image en prenant des mesures pour sanctionner la finance, considérée comme responsable de la crise . Cependant, ce ne sont pas les acteurs de la finance à l’origine des maux qui sont frappés par cette taxe, mais davantage l’épargnant.

Comment l’expliquez-vous ?
La sanction de ces acteurs aurait supposé la saisie des transactions sophistiquées et compliquées qui ont conduit à des dérives . Cela est très compliqué techniquement. Ces transactions ne sont pas concrètes, mais virtuelles. Les autorités sont allées à la facilité.

Pensez-vous que les autorités sont alertées sur les potentielles répercussions négatives de cette taxe ?
Bien entendu, les autorités ont pleinement conscience des effets que produira cette taxe sauf qu’encore une fois nous sommes face à une opération de communication.

Comment les autorités pourraient elles rectifier le tir ?
En abandonnant l’idée de se baser sur les transactions pour la mise en application de cette taxe. Tobin, à la fin de sa vie, reconnaissait lui-même que cela n’était pas évident de procéder de cette manière. Il faudrait s’orienter vers la prise en considération des résultats que les transactions financières procurent. L’idée serait alors d’identifier les résultats générés à partir de transactions purement spéculatives.

On parle de plus en plus d’une taxe au niveau européen à partir d’une coopération renforcée entre neuf pays …
Cette taxe a de fortes chances de voir le jour. Cependant de nouveau, la Commission européenne fait fausse route en ce qu’elle s’appuie de nouveau sur la notion de transactions. Ainsi, de nouveau ce sera l’épargnant en actions de base qui sera principalement sanctionné.

Propos recueillis par Imen Hazgui