Interview de Bertrand Jacquillat : Président Directeur Général d'Associés en Finance

Bertrand Jacquillat

Président Directeur Général d'Associés en Finance

La taxe sur les transactions financières n'aura pas de conséquences exagérément fâcheuses sur l'investisseur particulier

Publié le 18 Juillet 2012

Selon vous, il y a lieu de relativiser les répercussions de la taxe sur les transactions financières qu’envisage de faire appliquer l’actuel gouvernement dès le 1er aout 2012 ?
Je ne serais pas aussi critique à l’égard de cette taxe que certains autres et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, le niveau de cette taxe est relativement faible. L’actuel gouvernement a décidé doubler le taux de prélèvement de 0,1% à 0,2%. Autrefois, un impôt de bourse était en vigueur. Il a été abrogé en 2008. Le taux de prélèvement qui était appliqué était de 0,15%, bien qu’il fût plafonné à 610 euros par personne.

Ensuite, de nombreuses dérogations ont été prévues. Ont été exclues du champ d’application de la taxe, les émissions de titres des sociétés comme les augmentations de capital ou encore les nouvelles dettes, les opérations de reclassement de titres au sein d’un même groupe et les opérations de tenue de marché, les interventions dans le cadre de contrats de liquidité, les prêts emprunts de titres et les contrats de titres vendus à réméré (ndlr : avec faculté de rachat). Par ailleurs, sur le marché secondaire, la taxe ne s’appliquerait qu’à certaines transactions, autrement dit, les acquisitions de titres de capital cotés sur un marché réglementé d’émetteurs capitalisant plus d’un milliard d’euros. Enfin, le projet exonère totalement les transactions sur les parts d’OPCVM qu’ils soient monétaires ou non et les opérations de change quelle que soit leur nature.

Est prévue l’imposition d’une taxe de 0,01%, sous certaines conditions aux opérations de trading à haute fréquence menées par des intermédiaires en France et sur les CDS à nu. En cela, la taxe a une finalité de purification des pratiques telle que le souhaitait l’Autorité des marchés financiers présidée par Jean-Pierre Jouyet. Cette finalité devrait être aisément atteignable dans la mesure où le trading à haute fréquence est pratiqué par des opérateurs très sophistiqués qui peuvent facilement délocaliser leurs opérations.

Une directive européenne sur la taxe sur les transactions financière a été proposée il y a un environ un an, en septembre 2011 qui étend le champ d’application de cette taxe au-delà de la France.

Sur le plan typiquement industriel, croyez-vous que cette taxe aura pour effet une vague massive de délocalisation de la part des professionnels de la finance ?
Mis à part pour le trading à haute fréquence, je ne le pense pas. Il y a d’autres facteurs que l’impôt à considérer pour décider s’il y a lieu de quitter la place de Paris ou pas lorsqu’on la compare singulièrement à la place de Londres. Des deux cotés de la Manche, il y a de nombreux avantages ou désavantages à appréhender pour apprécier le coût d’opportunité à se baser ici ou là, comme les salaires, les charges, la langue.

D’aucuns estiment que cette taxe aurait pour conséquence de frapper en particulier l’investisseur particulier. Qu’en pensez-vous ?

Cela sera effectivement le cas, comme l’impôt de bourse autrefois. Cependant encore une fois, les différentes exonérations et la faiblesse du niveau de la taxe amènent à penser que les conséquences ne seront pas exagérément fâcheuses.

Vous ne pensez donc pas que cette taxe remettra en cause le financement de long terme par les investisseurs ?
Je ne suis pas de cet avis.

D’aucuns estiment que le gouvernement a eu tort de baser cette taxe sur la notion de transactions. De nombreuses transactions de banques de marchés sont difficiles à appréhender car elles sont sophistiquées et compliquées. Il aurait ainsi mieux valu établir cette taxe à partir des résultats des institutions financières générés par ces transactions. Qu’en dites-vous ?
Selon moi, prendre comme référence les transactions réalisées n’est pas une mauvaise chose. Taxer sur les bénéfices générés par les institutions financières aurait été encore plus opaque. Nous aurions probablement eu une manipulation de ces institutions sur les transactions financières qui aurait abouti à amoindrir l’assiette de la taxe.

Propos recueillis par Imen Hazgui