Interview de Didier Davydoff : Directeur général de l'Observatoire de l'Epargne Européenne

Didier Davydoff

Directeur général de l'Observatoire de l'Epargne Européenne

Le gouvernement Hollande devrait songer à la mise en place d'un plan d'épargne logement franco-allemand

Publié le 11 Octobre 2012

Quel regard portez-vous sur les récentes mesures adoptées par le gouvernement en ce qui concerne la fiscalité du patrimoine ? Il est déploré le fait que les autorités aient mis l’accent sur une hausse de la fiscalité plutôt que sur une baisse des dépenses ?
Un argument parfois entendu est qu'à court terme la baisse des dépenses a un effet récessif plus important que la hausse de la fiscalité et qu’à moyen-long terme c’est l’inverse qui est vrai. Dans cette optique les choses seront rééquilibrées les années suivantes. Mais la stabilité de la fiscalité de l'épargne est un objectif qui mérite considération : les épargnants doivent pouvoir faire leur choix de manière cohérente et en connaissance de connaissance de cause. Je serais circonspect sur l'idée d'augmenter la fiscalité de l'épargne aujourd'hui pour l'abaisser dans deux ou trois ans.

Adhérez-vous à l’objectif fixé d’aligner la fiscalité des revenus du patrimoine sur la fiscalité des revenus du travail ?
L'idée sous jacente est qu'à capacité contributive égale, il faut un effort égal. Encore faut-il bien mesurer cette capacité contributive. Un facteur inflation joue pour tout ce qui est dépôt ou détention de titres de créances à taux fixe. Si demain l'inflation remontait, à 5-6% par exemple, avec un taux marginal d'imposition à 45%, presque la moitié du taux nominal serait prélevé sous forme de prélèvements obligatoires alors que le capital se sera dévalorisé. Il y aurait donc une rémunération réelle finale négative injustifiée. La fiscalité devra alors être modifiée à ce moment là, en contradiction là encore avec l’objectif stabilité fiscale.

Quel analyse faites-vous du plafond généralisé pour les niches fiscales à 10 000 euros ?
Je ne sais pas s’il y a un sujet niches fiscales en général, mais en tous cas un sujet fiscalité de l'épargne, avec ses multiples dérogations et régimes particuliers, dont les objectifs sont difficilement lisibles et peu propices à des choix économiques rationnels.

A ce sujet, vous appelez à une remise à plat complète de la fiscalité de l’épargne ?

Nous avons en France une fiscalité de l'épargne compliquée qui ne rapporte pas plus, pas moins non plus, que dans les autres pays européens. Dès lors qu'il y a beaucoup d'exonérations, les produits qui ne bénéficient pas de ces exonérations ont un taux d'imposition qui tend à être plus élevé qu'ailleurs.

Il faudrait procéder à une remise à plat de la fiscalité de l'épargne en fonction des objectifs recherchés. Chaque disposition dérogatoire devrait pouvoir être justifiée soit par des considération d’équité, soit pour « corriger » des biais comportementaux des épargnants dans leur propre intérêt, soit pour leur utilité économique et sociale. Les objectifs affichés sont-ils atteints ?

L'idée serait d'aboutir à une fiscalité qui comporte moins de régimes particuliers qu’actuellement.
Par exemple, le rapport Duquesne a souligné l'importance des besoins de financement pour le logement social, la politique de la ville et les PME. Le marché ne peut pas tout financer mais ne serait-il pas efficace de plus le mobiliser ? Il y a lieu d'analyser quels sont les meilleurs moyens de répondre à ces besoins spécifiques.

Pourriez-vous donner quelques pistes ?
Nous avons par exemple un système d'épargne retraite individuelle, le PERP, qui plafonne à 2 millions de souscripteurs. En Allemagne, on dénombre 14 millions de souscripteurs aux contrats Riester. On peut se demander si le produit français a été bien calibré ou si l'on ne devrait pas l'améliorer, s'inspirer des exemples étrangers pour l'affiner, le renforcer et le rendre plus efficace.

Autre exemple, aujourd'hui le financement des entreprises par le capital investissement est en panne. Les investisseurs institutionnels ne sont plus en mesure d'apporter leur contribution.
Il y a une fiscalité incitative à l'achat d'actions non cotées mais il faudrait prendre des mesures plus énergiques pour permettre le développement de sociétés innovantes, technologiques, exportatrices.
Le PEA de manière générale fait aussi partie des produits qu’il faut réexaminer. Le plafond n’a pas été modifié depuis 2003. Si le gouvernement juge le PEA utile, il faudrait qu’il indexe le plafond sur l’inflation.

Le gouvernement pourrait également entamer une réflexion sur l’épargne logement pour lui redonner un coup de fouet. Cela serait un bon moyen d’aider au financement de son logement dans un contexte où les prix ont fortement augmenté. Il serait intéresser de s’orienter vers l’idée d’un plan d’épargne logement européen de manière à ce qu’un épargnant qui a économisé dans son plan puisse se porter acquéreur d’un bien immobilier dans un autre pays européen. Nous pourrions commencer avec un plan d’épargne logement franco-allemand exportable facilement d’un pays à l’autre puisque les deux pays ont un dispositif d’épargne logement. Ce serait une mesure symbolique forte.

Pensez-vous que les autorités ont tort de ne pas inciter les Français à aller vers les actions ?

Je le pense en effet. Le retrait des Français du marché actions n'est pas nouveau mais il s’aggrave. Les épargnants considèrent que le risque des actions est bien plus important qu'auparavant. Ils en achètent moins qu’auparavant, que ce soit de manière directe ou indirecte (OPCVM, assurance vie en unités de compte). La situation peut difficilement être pire Cela génère des risques important à la fois sur les grandes entreprises qui doivent se tourner vers les investisseurs étrangers et sur les petites entreprises qui, elles, n’ont pas d’alternative à l’épargne de proximité lorsque le crédit devient plus sélectif.
Dans l’intérêt même des épargnants, ceux-ci devraient être incités à aller vers ces placements qui sur le long terme procurent une rémunération supérieure aux placements de court terme.

Quels vous semblent être les dommages collatéraux les plus importants à l’issue de l’adoption des nouvelles mesures du gouvernement : une hausse du taux d’épargne des français ?

La fiscalité n’a pas d’impact sur le taux d’épargne mais sur l’allocation de l’épargne, notamment entre l’épargne financière et l’épargne non financière.
Celà étant, on pourrait imaginer que le taux d’épargne augmente s’il était anticipé un autre tour de vis de la part du gouvernement dans les mois à venir. Mais nous n’en sommes pas là.
Si le taux d’épargne venait à progresser ce serait plutôt le résultat d’une accentuation des craintes par rapport à la conjoncture, au chômage et au pouvoir d’achat.

Pensez-vous que le gouvernement touchera dans les mois à venir à la fiscalité de l’assurance-vie ?

Il n’est pas impossible que cette fiscalité évolue. Cependant le produit connait une décollecte nette depuis plusieurs mois. Il faudra être prudent pour que les grands équilibres de l’épargne ne soient pas bouleversés brutalement.
Quels vous semblent être aujourd’hui les produits indispensables pour l’épargnant ?
Le PEA, qui est un moyen efficace d’être investi en actions, et les produits d’épargne retraite : le PERCO, le PERP, le Madelin. Pour le reste, la règle n’est pas de choisir un produit plutôt d’équilibrer son portefeuille. Le patrimoine financier doit être diversifié.



Propos recueillis par Imen Hazgui