Interview de Marie-Laure Decobert : Ingénieur patrimonial, SwissLife Banque Privée

Marie-Laure Decobert

Ingénieur patrimonial, SwissLife Banque Privée

Impôts 2013: beaucoup de choses changent et la plupart des contribuables sont concernés

Publié le 08 Janvier 2013

Le gouvernement a annoncé 10 milliards d’euros de hausses d’impôts pour les ménages en 2013. Qui est concerné et quelles sont les principales évolutions ?

En 2013, beaucoup de choses changent et la plupart des contribuables sont concernés. Il y a, d’une part, les mesures visant les hauts revenus comme la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu à 45%, la fameuse « taxe à 75% » (retoquée par le Conseil constitutionnel) ou encore la modification du barème de l’ISF. D’autres mesures concernent tous les ménages comme le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la réduction de l’avantage du quotient familial ou encore la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et dividendes. Globalement, la pression fiscale augmentera pour tout le monde, même si l’alourdissement porte en priorité sur les ménages les plus riches.

Le Conseil constitutionnel a en partie censuré le projet de loi de finances, notamment la taxe à 75% sur les très hauts revenus. Comment analysez-vous cette décision ?

Il n’est pas rare que le Conseil constitutionnel censure une ou plusieurs dispositions d’un projet de loi de finances. S’agissant de la « taxe de solidarité sur les très hauts revenus », nous ne sommes pas surpris par sa décision. Le projet de loi prévoyait la création d’une taxe de 18% qui viendrait s’ajouter à l’impôt sur le revenu, aux prélèvements sociaux et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instaurée en 2012, soit une imposition globale de 75% des revenus professionnels. Pour le Conseil constitutionnel, cette taxe ne tient pas compte des « capacités contributives » de chaque ménage car elle s’applique par bénéficiaire et non par part de foyer fiscal. Or, le Conseil s’est arrêté au premier argument juridique, sans se prononcer sur le taux de 75%. Cela ne signifie pas qu’il valide ce taux.

Le gouvernement peut-il maintenir cette taxe très décriée ou risque-t-il l’ « overdose fiscale », comme le martèlent certains responsables de l’opposition ?


Globalement, la loi de finances est cohérente avec le discours du gouvernement d’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail – sauf la taxe à 75% qui alourdit bel et bien l’imposition des revenus professionnels. Malgré cela, le gouvernement parle de réintroduire une nouvelle version de cette taxe dans la loi de finances pour 2014. Si tel est le cas, cela signifie qu’il se donne du temps pour réfléchir. On peut imaginer que la taxe s’applique par part non par bénéficiaire, reste la question du taux. L’alternative serait la création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu. En tout état de cause, la taxe devrait rester provisoire pour ne pas heurter le principe d’égalité devant les charges publiques. D’ailleurs le gouvernement prévoit une baisse des impôts à compter de 2015, s’il parvient avant cela à ramener le déficit public sous les 3% du PIB.

En matière d’épargne, quelles sont les évolutions les plus importantes?


La suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et dividendes touche de nombreux ménages. La plupart de nos clients optaient pour le prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts perçus (ndlr : depuis le 1er janvier les intérêts sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu). Pour les dividendes, la plupart des ménages optaient déjà pour l’imposition au barème progressif car elle ouvre droit à un abattement de 40% des sommes perçues. Cet abattement est maintenu. En revanche, l'abattement fixe annuel de 1 525 € (3 050 € pour les couples) qui était appliqué jusqu'à présent est supprimé.

L’imposition des plus-values est également alourdie…Cela peut-il pénaliser l'investissement en Bourse? 

Pour les particuliers, toutes les plus-values sur valeurs mobilières sont désormais soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu, déduction faite d’un nouvel abattement pour durée de détention. Ainsi les titres détenus depuis plus de deux ans et moins de quatre ans bénéficient d’un abattement de 20% ; puis 30% entre 4 et 6 ans et 40% au-delà de six ans.

Nous ne pensons pas que la nouvelle fiscalité sur les plus values pénalise l’investissement en bourse mais elle va compliquer la gestion des portefeuilles. Faut-il attendre pour bénéficier d’un abattement plus important, au risque de vendre trop tard ? Les investisseurs vont être confrontés à ces questions.
Par ailleurs, toujours en matière de plus-values, des dispositifs dérogatoires existent pour les dirigeants d’entreprises. En cas de cession de leur société, ces derniers continuent à bénéficier, sous certaines conditions, d’un taux d’imposition proportionnel de 19% (hors prélèvements sociaux). Des exonérations sont également prévues s’ils réinvestissent au moins 50% de la plus-value dans une autre entreprise, et ce dans les 24 mois.

Propos recueillis par François Schott