Interview de Gilles  Guibout : Gérant senior chez Axa Investment Managers

Gilles Guibout

Gérant senior chez Axa Investment Managers

Actions européennes : parmi nos principales convictions figurent Fiat Industrial, SAP, Dassault Système, Atos, Gemalto, Ingenico, Amadeus, Eni

Publié le 04 Mars 2013

Quel regard portez-vous sur l’évolution des actions européennes ?
Les actions européennes ont excessivement bien terminé l’année 2012 du fait de la normalisation de la prime de risque.
Une pause dans ce rallye haussier s’est imposée en raison de quelques craintes qui demeurent liées notamment à l’issue des dernières élections italiennes ou encore aux rumeurs de corruption concernant le premier ministre espagnol.
Parallèlement nous avons connu une remontée de l’euro qui a renforcé les doutes sur la capacité de la zone euro à avoir de la croissance bénéficiaire et celle des sociétés exposées à la dynamique mondiale à tirer leur épingle du jeu.

A ce stade, l’appréciation de l’euro ne vous inquiète pas ?
Il est paradoxal de vouloir une normalisation de la zone euro et un retour de l’investisseur sur cette zone euro sans s’attendre à une réappréciation de l’euro.
C’est le retour de flux que l’on a pu observer sur les actions et sur les obligations européennes qui explique essentiellement la remontée du cours de la monnaie unique.
A ce stade, la tendance nous semble plus conjoncturelle que structurelle.

Est-ce à dire que vous vous attendez à un fléchissement du cours de l’euro ?
Cela semblerait relativement logique. Si le risque systémique a été écarté, les perspectives de croissance au sein de la région demeurent mauvaises.

Vous tablez sur le fait que les craintes des investisseurs concernant la situation politique en Italie et en Espagne et la force de l’euro vont finir par s’estomper ?

Nous le pensons.

Quel potentiel de hausse recouvrent les actions européennes désormais ?
Sur le plan des valorisations, nous sommes davantage sur un potentiel de hausse entre 15% et 20%.

Indépendamment de l’apaisement des inquiétudes et donc de la baisse supplémentaire de la prime de risque, quels sont les autres principaux catalyseurs que vous entrevoyez ?
Si nous passons correctement les obstacles et que la situation se stabilise, voire même qu’une inflexion positive se dessine, nous devrions avoir au second semestre quelques révisions à la hausse des bénéfices des entreprises pour 2014.
La zone euro est la zone économique la plus ouverte sur le monde bien plus que la zone américaine ou que la zone chinoise.
Plus de 50% des ventes des sociétés européennes cotées sont réalisées hors d’Europe.
Si la reprise se matérialise en Chine ou aux Etats-Unis, les sociétés européennes seront bien positionnées et pourraient enregistrer des chiffres meilleurs que prévu.
Il est cependant encore un peu tôt aujourd’hui pour l’anticiper.

Comment appréhendez-vous la question de la compétitivité internationale des sociétés européennes ?
Toutes les mesures prises depuis plus d’un an au niveau des Etats européens et toutes les discussions entreprises au niveau des différentes instances européennes ont pour objet de remédier à cette question. Il y a en cela une véritable prise de conscience sur la nécessité de travailler sur la compétitivité. C’est difficile, c’est long, mais le processus est enclenché. Il devrait porter ses fruits dans les 18 à 24 mois.
Un autre catalyseur pourrait résider dans un délaissement des investisseurs du compartiment obligataire pour se réorienter vers le compartiment des actions...
Pour le moment nous ne voyons pas encore ce mouvement, mais il pourrait clairement être constaté. Certains segments du compartiment obligataire ne rapportent plus grand-chose. Les investisseurs pourraient décider de miser à la place sur les actions des sociétés qui ayant un bilan solide et une forte visibilité versent un dividende pérenne.

Quels sont les grands risques que vous surveillez ?
Il est largement convenu que nous aurons cette année une croissance faible dans la zone euro.
Les sociétés européennes devront donc essentiellement s’appuyer sur la croissance de l’économie américaine et la croissance de l’économie chinoise. Ce qui ira à l’encontre de ces deux économies sera de nature à peser sur les actions européennes.

En quoi consiste votre stratégie d’investissement actuellement ?

Notre stratégie est avant tout basée sur la sélection de valeurs. Nous avons ensuite des thématiques d’investissement qui nous permettent d’éviter d’avoir des vents contraires trop violents.
Une première thématique est l’efficience, les sociétés qui aident à obtenir des gains de productivité par exemple dans le domaine agricole (mécanisation avec Fiat Industrial).
Nous aimons aussi les sociétés qui pourraient bénéficier d’un redémarrage de l’investissement dans la mesure où celui-ci a été largement contraint au cours des deux dernières années. Cet investissement ne devrait pas servir à augmenter les capacités mais à mieux les utiliser (SAP, Dassault Système, Atos plutôt que Siemens, Alstom).
Une autre thématique concerne la digitalisation de l’économie avec Gemalto, Ingenico, Amadeus.
Nous surveillons également les changements réglementaires qui ne sont pas sans impact sur les secteurs. Sur celui des télécoms en particulier, dont nous avons été à l’écart depuis plusieurs années, il se pourrait que nous soyons proches d’une inflexion positive (Telecom Italia).
Nous sommes plus prudents sur les valeurs de la consommation domestique compte tenu d’une pression fiscale accrue et d’un contexte de l’emploi qui reste difficile.

Quid des valeurs bancaires ?
Nous sommes revenus sur ces valeurs il y a un an. La thématique est encore intéressante du fait de la baisse supplémentaire escomptée de la prime de risque mais une partie du chemin a déjà été parcouru.
Êtes-vous de ceux qui jouent davantage les valeurs espagnoles et italiennes ?
Nous avons une surpondération sur l’Italie depuis plus de six mois. Mais cela résulte avant tout de la sélection de valeurs, même s’il est vrai qu’une baisse de la prime de risque sur l’Italie pourrait accroitre le potentiel (Eni, Prysmian).

Pensez-vous que le marché italien est celui qui pourrait le plus performer cette année ?
Je le pense en effet, du fait du poids des valeurs financières dans le marché boursier italien (environ 35%). La baisse de la prime de risque qui se traduit par une baisse du taux souverain a un impact direct sur les comptes des banques et des compagnies d’assurances italiennes.

Propos recueillis par Imen Hazgui