Interview de Michel   Bouhours  : Associé senior chez CSC, responsable du pôle gestion d'entreprise (gestion financière, gestion de risque et performance)

Michel Bouhours

Associé senior chez CSC, responsable du pôle gestion d'entreprise (gestion financière, gestion de risque et performance)

Le choix s'impose aux entreprises de devenir low cost ou high cost si elles ne veulent pas être perdues

Publié le 26 Avril 2013

Vous avez présenté il y a quelques jours votre baromètre des tendances et des perspectives des directions financières. Quels principaux enseignements peuvent être tirés de ce baromètre ?
Cela fait six ans que nous réalisons ce baromètre en partenariat avec TNS Sofres et la DFCG. Les conclusions sont tirées d’un sondage réalisé auprès de professionnels de la finance issus de 102 sociétés-privées ou semi publiques ayant un effectif de plus de 500 personnes, implantées en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Belgique.
L’objectif du baromètre est de percevoir de quelle manière ces professionnels perçoivent l’évolution de la situation dans leur société, dans leur secteur, dans leurs produits, dans leur environnement.

La préoccupation première des directeurs financiers depuis 2009 jusqu’en 2012 était de renouer avec un free cash flow positif pour faire face au risque de pénurie de liquidité. Nous avons alors eu tout un mouvement de désendettement pour alléger le passif et retrouver de l’oxygène.

Cet impératif, si il reste une préoccupation majeure, est passé au second rang au profit de la problématique de la rentabilité. Deux leviers sont principalement utilisés pour renouer avec la croissance du taux de marge et gagner en compétitivité: la réduction des coûts, et l’évolution des prix.
Quasiment toutes les entreprises se sont lancées dans un processus de réduction des coûts par divers moyens-rationalisation, mutualisation, externalisation à des tiers… Celles-ci continuent à agir activement sur ce point.
Par ailleurs, sur le front de l’évolution des prix, deux stratégies différentes sont déployées : le maintien des prix et le low cost. Des sociétés comme Volkswagen, Eurodisney, Lafarge ont misé sur la capacité des clients à payer autant voire plus cher même en temps de crise s’ils considèrent que l’innovation, la qualité, ou l'experience vécue correspond à leurs attentes.
Le phénomène est perceptible également avec le développement de la 4G dans le secteur des télécoms qui devrait permettre aux opérateurs de retrouver un meilleur revenu par utilisateur.

Ces stratégies mettent les sociétés à positionnement intermédiaire dans une mauvaise position ?
A l'image du sablier, les sociétés à positionnement intermédiaire souffrent alors particulièrement dans le contexte que nous connaissons. Les efforts effectués au niveau des coûts ne se retrouvent pas nécessairement sur le plan de la rentabilité car ces sociétés sont sans cesse contraintes de baisser leurs prix pour rester compétitives.

Avez-vous identifié les postes les plus affectés par la réduction des coûts ?
Nous n’avons pas analysé plus en profondeur ce sujet. En fonction des entreprises, des différences notables peuvent exister. Il n’y a pas réellement de tendances transversales qui se dessinent.

Quelles sont les principales voies utilisées aujourd’hui en termes de réduction des coûts ?
Un premier axe réside dans la meilleure séparation entre la production et la distribution. Les entreprises veulent de plus en plus faire de la production une activité à part entière dans laquelle ils standardisent au maximum ce qui n'a pas de valeur particulière pour le client final . Par exemple dans le secteur automobile, les constructeurs multi marques poursuivent leurs efforts de standardisation des composants . Ces composants peuvent alors être achetés en plus grande quantité et à moindre coût.
Un deuxième axe est le repositionnement sur le coeur de métier en considérant que certaines fonctions peuvent en partie être confiées à des tiers (informatiques, ressources humaines).

Avez-vous tenté d’appréhender la considération par les directeurs financiers du volet social pour maitriser les coûts ?

Nous n’avons pas creusé ce volet car nous considérons qu’il n’est pas vraiment du ressort de la direction financière mais de la direction générale. Surtout ce n’est pas un facteur qui tend à perdurer sur le long terme et que l’on peut suivre d’année en année.

De moindres opérations capitalistiques et de moindres versements aux actionnaires sont attendus par certains observateurs. Est-ce votre opinion ?

Je l’entends lorsque je discute avec certains directeurs financiers mais nous ne l’avons pas mesuré avec le baromètre.

Quel est le sentiment des directeurs financiers vis-à-vis d'une part de l’évolution macroéconomique au niveau de l’Hexagone et de la zone euro, et d'autre part de l’évolution financière (crise de la dette de la zone euro, mise à mal du secteur bancaire) ?

Les craintes ont semblé moins prononcées cette année que l’année dernière.
Les entreprises paraissent davantage s’interroger que l'année dernière sur comment renouer avec la croissance plutôt que sur le fait de savoir si elles seront suffisamment résistantes face à un nouveau choc demain.
Il est important de signaler que les entreprises du panel sont essentiellement internationales. Elles ne sont pas toutes exclusivement exposées à la France ou à la zone euro mais exercent aussi leur activité dans des zones en croissance comme les Etats-Unis, l’Asie, le Moyen Orient.

Quelles sont les autres conclusions majeures du baromètre ?
Deux autres conclusions peuvent être relevées. Les entreprises veulent améliorer leur gestion des risques, en cela améliorer la mesure et la capacité de réduction des risques auxquels elles doivent faire face : elles citent dans l'ordre le risque lié à la défaillance des clients, au financement, à la volatilité des marchés financiers, à la sécurité informatique...
Par ailleurs, dans le courant de la désintermédiation qui s’accélère, compte tenu de la baisse des marges et de l’importance potentielle de l’endettement, les entreprises cherchent de plus en plus à multiplier età diversifier leurs sources de financement pour réduire le coût et le risque de liquidité, et gagner ainsi en autonomie et en flexibilité.

Y a-t-il de nouveaux modes de gestion de risques qui émergent ?
Non, pas vraiment. Les entreprises sont davantage dans la prévention pour faire en sorte que ces risques ne se concrétisent pas. Il y a un renforcement du contrôle et du suivi.

Pour certains, les principaux acteurs à bénéficier du mouvement de désintermédiation sont les hedge funds et les sociétés de capital investissement ?

Le mouvement de diversification reste encore naissant. Contrairement aux Etats-Unis, le crédit continue à occuper une place dominante dans le financement des entreprises.
Il est vrai cependant que les hedge funds et les sociétés de capital investissement jouent un rôle plus significatif.

Plusieurs pays entrent dans le champ de votre baromètre. Des différences notables ont-elles été relevées ? 
L’étude a une dimension européenne. Nous n’avons pas d’axe par pays.

Comment se situent ces sociétés européennes vis-à-vis des autres sociétés internationales ?

Nous n’avons pas de vision fondée n’ayant pas de baromètre sur les sociétés des autres parties du monde. Ce que l’on peut dire c’est que niveau d’inquiétude des entreprises européennes qui sont surtout exposées à l’Europe est plus élevé que celui des entreprises européennes positionnés sur d’autres zones que la zone européenne.

Propos recueillis par Imen Hazgui