Interview de Thierry Sarles  : Responsable de la gestion taux chez CPR Asset Management

Thierry Sarles

Responsable de la gestion taux chez CPR Asset Management

Portugal, Espagne, Italie...nous ne nous attendons pas à un retour des tensions extrêmes au sein de la zone euro

Publié le 04 Juillet 2013

Quelle est votre vision sur la remontée du taux a dix ans du Portugal au dessus de la barre des 8% hier matin a la suite de la démission de deux ministres importants, celui des affaires étrangères et celui des finances ?
Nous n'avions aucune exposition aux obligations portugaises depuis un long moment en raison de la notation non investment grade du pays par les agences. Cela faisait près de deux ans que le Trésor national s'était retiré des marchés, autrement dit depuis sa demande d'aide financière à l'Europe. Depuis le début de cette année, le pays est retourné à la rencontre des investisseurs, par petites touches de syndication. La demande a été au rendez vous en raison de la recherche de rendements élevés et de l'appétit pour le risque.
Les deux démissions survenues mardi soir et mercredi matin sont venues perturber la donne. La réaction du marché a été violente. Il est a présent difficile de se prononcer avec précision sur sa propagation et sur son amplification. Nous manquons d'éléments d'information à l'heure qu'il est. Il est notamment compliqué de se prononcer sur la robustesse du gouvernement de coalition actuel et sa capacité à poursuivre la politique d'austérité menée jusque-là.

Ce qui a été génère dans le segment de la dette portugaise a eu des dommages collatéraux, notamment sur l'Italie et sur l'Espagne ?
Une remontée des taux obligataires a effectivement été observée. Cependant le mouvement a été bien plus modéré. Alors que le taux à 10 ans portugais a évolué de +1,40%, le taux espagnol a augmenté de 0,15% et le taux italien de 0.08%. Par rapport à la première journée de stress, la contamination a été limitée.

Vous êtes présentement surexposés a la dette des pays périphériques -Italie,Espagne- par rapport à la dette des pays core-Allemagne, France?
Cette surexposition trouve sa justification dans le fait que le coussin d'amortissement offert par les taux italiens et espagnols est bien plus confortable dans le cas d'une hausse sensible du taux à dix ans américain à la suite du durcissement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine.
Les tensions apparues sur le Portugal sont l'occasion de continuer notre processus d’investissement de portefeuille axé sur la dette de ces pays périphériques.

Vous mettez davantage l'accent sur l'Italie que sur l'Espagne...

Les rendements offerts par les taux à dix de ces pays sont comparables, 4,50% pour l'Italie et 4,70% pour l'Espagne. Cet écart de seulement 0,20% ne milite pas en faveur des obligations espagnoles.

L'économie italienne est globalement plus saine. Nous avons eu une petite phase d'instabilité politique mais aujourd’hui le gouvernement de coalition en place paraît tenir la route. Si le ratio dette sur PIB de l'Italie, dette en grande partie détenue par des agents domestiques, est plus élevée que celui de l'Espagne, 130% du PIB contre 95% du PIB, la situation budgétaire italienne est meilleure que la situation budgétaire espagnole. Le déficit de la troisième puissance de la zone euro se situe a 2,5% du PIB, tandis que celui de la quatrième puissance de l'union monétaire s'établit a 7,5% du PIB. L'Italie a de plus un excédent primaire. Ce qui plombe sa croissance c'est la charge de sa dette qui lui retire 4 à 5% de PIB.

Quand est ce que vous pourriez décider de racheter plus d'obligations italiennes?
Lorsque nous aurons plus de visibilité sur le dossier portugais.

Vous n'irez donc pas vers les obligations espagnoles ?

Non, compte tenu du fait que nous avons plus de marge de manœuvre sur l'Italie. Au-delà des considérations macroéconomiques et financières, l'Italie bénéficie d'une notation plus favorable que l'Espagne.
Le rating de l'Espagne est de BBB- avec une perspective négative. En fonction des agences, la note de l'Italie est de BBB ou BBB+. L'Italie offre donc une sécurité de rating supplémentaire, avec moins de chance de passer en catégorie « high yield », alors qu'elle subit le même traitement sur le marché.
Les taux étant très corrélés dans leur variation, le vecteur italien est plus avantageux pour jouer le pari de la baisse de l'aversion pour le risque.

Sur quelle duration êtes vous essentiellement ?

Sur du 10 ans.

Ainsi, vous ne vous attendez pas à un retour du risque systémique au sein de la zone euro?
Nous sommes relativement confiants sur le fait que la BCE sera la pour éviter que ce risque ne réapparaisse. Nous pensons que tous les pays de l'union monétaire remplissent les conditions de déclenchement des opérations OMT.
S'il y aura probablement encore des tensions sur la dette des États périphériques, elles ne devraient aucunement être comparables à celles constatées à la fin de l'année 2011 ou au printemps 2012.

Propos recueillis par Imen Hazgui