Interview de Arnaud  de Dumast : Directeur de la gestion de Neuflize OBC

Arnaud de Dumast

Directeur de la gestion de Neuflize OBC

Nous ne sommes pas à l'abri d'un feu de paille sur les actions japonaises

Publié le 17 Juillet 2013

Pensez-vous que nous ayons aujourd’hui suffisamment de visibilité sur les marchés financiers pour en extraire des conclusions sur la stratégie d’investissement à adopter ?
Je pense que nous avons suffisamment de visibilité pour demeurer investi sur les actifs risqués, autrement dit les actions et les obligations des entreprises moins bien notées, européennes et américaines. Malgré la poursuite présumée de la volatilité, la tendance devrait demeurer stable, voir positive sur ces instruments.

Quel sera pour vous le principal catalyseur pour les prochains mois ?
Le principal catalyseur me semble être l’amélioration de l’économie.

Quels principaux risques entrevoyez-vous à ce jour ?

Nous pouvons distinguer des risques de nature macroéconomique, de nature politique et de nature monétaire. Les risques politiques sont notamment liés aux élections allemandes qui doivent se dérouler en septembre ou encore à la problématique du plafond de la dette américaine qui devrait ressurgir au cours des prochains mois.
Les risques liés à la conduite des politiques monétaires existent un peu partout mais concernent particulièrement les Etats-Unis eu égard à l’évolution du programme d’achats massifs de titres de dette sur le marché de la Réserve fédérale américaine. En cela le discours du gouverneur Ben Bernanke, devrait continuer à souffler le chaud et le froid sur les différents compartiments, en premier lieu desquels le compartiment obligataire.
Le principal danger serait qu’une mauvaise communication conduise à une trop forte remontée des taux. Un mouvement significatif s’est déjà dessiné pour ce qui est du taux à dix ans américain. Il est passé de 1,40% à 2,80% et est redescendu actuellement à 2,5%.
La moitié du parcours réalisé pendant le krach obligataire de 1994 a été réalisé. Si la ligne droite se poursuit, alors cela affectera la croissance économique, et par là les profits des entreprises. C’est ce qui s’est passé récemment. Les ventes par précaution sur les actions pourraient s’intensifier.

Sur ce point, qu’attendez-vous de la part de la Fed ?

Nous pensons que la Fed commencera à agir plus tard, vers la fin de l’année. Compte tenu des données économiques, il n’y a pas d’urgence pour la Banque centrale de mettre fin à son programme rapidement et drastiquement.
Le rythme de réduction du programme dépendra étroitement de la réaction du marché et de l’impact sur les taux longs. En dépit de sa volonté de diminuer ses opérations d’achats massifs de titres sur le marché, la Fed a à cœur de conserver des taux longs bas encore longtemps.

Qu’escomptez-vous s’agissant de la problématique du plafond de la dette américaine ?
Une solution sera vraisemblablement trouvée in extremis. Nous n’avons pas d’inquiétude sur le sujet. Ce d’autant plus que l’amélioration de la toile de fond macroéconomique devrait conférer une plus grande marge de manœuvre aux autorités pour négocier.

Quel regard portez-vous sur le comportement de la BCE ?
Nous avons clairement eu un changement de discours de la part de la Banque centrale européenne avec sa ligne directrice concernant les taux directeurs. En assurant que ces derniers resteront à un niveau stable ou inférieur pendant une période prolongée, la BCE continue à se poser en filet de sécurité pour un positionnement sur les actifs risqués.

Quelles autres actions envisagez-vous de sa part ?
Elle devrait continuer à avoir une approche pragmatique jusqu’à ce que les choses aillent mieux au sein de la zone euro. Plus précisément elle devrait conserver ses propos accommodants sur les taux directeurs.
Une baisse du taux d’intérêt est plausible mais elle n’aurait pas d’énorme répercussion positive.
La BCE pourrait en revanche reprendre ses opérations de rachat de titres de dette des Etats membres, autrement dit ses opérations SMP.

Pour quelles raisons la BCE pourrait avoir besoin de reprendre ces opérations ?
Un moratoire à été accordé au Portugal, à l’Italie, à la France pour ramener leur déficit public à 3% du PIB. On peut craindre que ces pays profitent des délais qui leur ont été accordés pour ne pas entreprendre les réformes requises. Des tensions sur les segments obligataires de ces pays pourraient se faire ressentir.

Quid de votre allocation d’actifs du moment ?

Nous sommes à l’écart des actions japonaises. Nous avons observé un emballement phénoménal de ces actifs financiers. Nous pensons que nous ne sommes pas à l’abri d’un feu de paille.
Quand bien même les autorités japonaises sont en mesure de rassurer sur le bon fonctionnement de leur stratégie par la mise en évidence de données économiques plus favorables ou par l’annonce de réformes structurelles d’envergure, nous croyons toutefois que cet élément est déjà largement joué par le marché.

Nous sommes également à l’écart des marchés émergents que ce soit dans l’univers actions ou dans l’univers des obligations souveraines. En raison d’un ralentissement structurel voulu par les autorités chinoises, le momentum économique est moins favorable sur la Chine. Il est envisageable que le gouvernement soit dépassé par les évènements et qu’il ne parvienne pas à contrôler la vitesse de la résorption des excès.
Cela aura incontestablement une incidence sur les autres marchés émergents.

Nous n’avons pas du tout d’emprunt d’Etat des pays matures.

Nous aimons les obligations d’entreprises dans une logique de portage dans les fonds à échéance ou avec une faible duration pour une moindre sensibilité au risque de taux. Nous avons accentué notre détention d’obligations d’entreprises des pays périphériques à la zone euro. Notre allocation géographique est à 80% sur l’Europe, et 20% sur les Etats-Unis. Nous mettons l’accent sur les obligations high yield au détriment des obligations investment grade, le rapport risque-rendement étant manifestement meilleur dans le premier segment que dans le second.

Nous étions historiquement davantage exposés aux actions américaines qu’aux actions européennes. La question d’un rééquilibrage est posée.
Nous nous attendons à une certaine inflexion négative de la croissance aux Etats-Unis alors que nous escomptons plutôt une inflexion positive s’agissant de la conjoncture en Europe.
Ce rééquilibrage pourrait intervenir au cours du second semestre de l’année si nous percevons des signes qui nous confortent dans notre conviction. Au demeurant, nous pourrions nous contenter d’une annonce politique, par exemple un discours fort favorable à la croissance de la part des dirigeants allemands.

Y a-t-il des secteurs que vous privilégiez ?

Nous agissons principalement suivant une logique de stock picking. Les secteurs dominants qui en résultent sont alors l’énergie, la santé et la technologie. Ces secteurs ne constituent cependant pas des lignes directrices.
Nous n’avons plus de valeurs financières depuis la fin de l’année 2012.

Quid des matières premières ?
Le contexte actuel caractérisé par une croissance limitée aux Etats-Unis, une certaine morosité en Europe et une dynamique en ralentissement dans les pays émergents n’est pas propice à un investissement dans cet univers. Les prix ont vocation, si ce n’est à baisser, tout du moins à ne pas bouger.
Nous nous sommes retirés de l’or. Nous pensons que la hausse des taux nominaux avec une inflation maitrisée n’est pas opportune au métal jaune.


Propos recueillis par Imen Hazgui