Christian Deseglise
Spécialiste des marchés émergents chez HSBC
Actions émergentes : une performance de plus de 20% est à envisager sur les actions chinoises en 2014
Publié le 20 Décembre 2013
Non.
Pourquoi ?
Les positions des opérateurs de marché sur les actifs émergents sont plus saines
Par ailleurs, le tapering de la Fed qui devrait commencer en janvier, correspond à une réduction des achats de titres par la Banque centrale américaine. Une liquidité abondante continuera à être injectée. Elle sera d’autant plus considérable que la Banque centrale du Japon poursuivra ses opérations d’achat de titres et que même s’il n’y aura vraisemblablement pas de quantitative easing de la part de la BCE, un nouveau LTRO (opération de refinancement à long terme des banques européennes à des conditions avantageuses) est probable.
Enfin, la dynamique économique des pays émergents devrait s’améliorer sur fond d’une amélioration de la conjoncture dans les pays développés.
Notons que la décision prise mercredi soir par la Fed de débuter le processus de normalisation de sa politique monétaire le mois prochain n’a pas eu d’incidences majeures sur les actifs des pays émergents.
D’aucuns craignent de nouvelles perturbations à la suite de la matérialisation d’un risque d’accélération trop important de l’économie américaine qui prendrait la Fed au dépourvue et la contraindrait de se diriger plus rapidement vers la sortie ?
Le surplus de croissance n’est pas un problème en tant que tel puisqu’il permet de résoudre le chômage. Il le devient s’il y a parallèlement une envolée de l’inflation. Cette inflation est actuellement relativement basse aux Etats-Unis et les anticipations d’inflation restent solidement ancrées. Elle devrait le rester d’autant plus que les prix des matières premières se sont modérés.
A quoi suite des évènements faut-il s’attendre sur les actifs émergents ?
La rentabilité du marché boursier brésilien depuis la création de l’indice MSCI Brésil est une des meilleures rentabilités au monde
Cela dépend de l’horizon d’investissement que vous avez. Si l’on considère la rentabilité du marché boursier brésilien depuis la création de l’indice MSCI Brésil, nous aurions une des meilleures rentabilités au monde. Une personne qui aurait investi dans les actions brésiliennes à la fin 1987 aurait multiplié sa mise par plus de 60 en dollars !
Si nous considérons l’année 2014 ?
De nombreuses mauvaises nouvelles ont été intégrées par le marché s’agissant des marchés émergents. Il y a eu beaucoup de négativisme. Je ne serais pas surpris de voir un rebond des actions émergentes en 2014 après les fortes contreperformances enregistrées ces dernières années.
Un beau parcours pourrait également être tracé par les obligations souveraines émergentes. Les spreads sont actuellement de l’ordre de 450-500 points de base pour des titres de bonne qualité de pays sur lesquels il n’y a pas de risque fondamental à court terme, et où les réserves de change sont élevées.
Peut-on pressentir dans cet univers des marchés émergents, quels pourraient être les gagnants et les perdants sur le plan boursier ?
Généralement plus des marchés valent peu chers, mieux ils performent dans un horizon de 12 à 24 mois. Ainsi les points d’entrée sont déterminants.
Les marchés les moins chers aujourd’hui sont les marchés brésilien, russe, et chinois. Les PE se situent entre 6 et 9 fois les bénéfices futurs. C’est très faible par rapport aux marchés américain ou européen.
Dans un contexte de meilleure croissance, d’abondante liquidités, et avec les réformes envisagées nous pourrions imaginer que de nombreuses actions chinoises et russes performent très favorablement. Des perspectives de croissance supérieures à 20% seraient ainsi possibles. Il faudra cependant être très sélectif car la performance individuelle de ces actions ne veut pas nécessairement dire que le marché dans son ensemble performera aussi bien.
La situation semble plus compliquée au Brésil. Les fondamentaux ne s’inscrivent pas dans un trend d’amélioration. Les mesures requises pour faire évoluer le pays peinent à être adoptées et à être exécutées du fait de l’approche des échéances politiques.
L’Inde a retrouvé des plus hauts points alors qu’il y a trois mois, beaucoup pensaient que le pays allait déchanter. A présent beaucoup anticipent la réélection d’un nouveau gouvernement «market friendly ».
Le stock picking s’impose ?
Dans pratiquement tous les pays émergents se trouvent des sociétés très intéressantes dans lesquels un investissement peut s’avérer opportun. Il y a cependant lieu de procéder à plus de discrimination.
Quels sont les critères importants à considérer ?
Le top down dans la stratégie d’investissement dans les actifs émergents continue à avoir sa pertinence. Aussi sur le plan macroéconomique, l’ attention doit être focalisée sur la croissance escomptée du pays, son niveau d’endettement, sa solvabilité, l’état de sa balance courante, de sa balance fiscale, l’inflation. Le risque politique et le risque institutionnel sont également primordiaux à considérer.
Au niveau microéconomique, l’analyse se concentrera sur les valorisations, les perspectives de bénéfices, la gouvernance d’entreprise.
La problématique spécifique aux pays émergents liée aux grandes entreprises publiques ou parapubliques doit être gardée à l’esprit.
Que voulez vous dire ?
Un problème propre à de nombreux pays émergents est lié à la composition des indices. Il y a une prépondérance des sociétés publiques qui dans un
Un problème propre à de nombreux pays émergents est lié à la composition des indices
Ainsi, Petrobras occupe une place très importante dans l’indice brésilien. Or, le gouvernement de Dilma Roussef a accordé dernièrement une hausse des tarifs très limitée afin de limiter les pressions inflationnistes. . Cette mesure a porté atteinte à la performance boursière de l’opérateur.
Y a-t-il de nouveaux risques que l’on entrevoit à l’issue de la crise, propres aux pays émergents ?
Les risques sont les mêmes qu’avant.
Une différence réside dans la capacité des marchés à assimiler les informations, et à réagir plus rapidement.
Parce que les marchés sont plus interconnectés, les effets de contagion dans les portefeuilles se sont accélérés, ce d’autant plus que les marchés sont moins liquides et moins en mesure d’absorber les chocs en raison de la quasi-disparition du coussin constitué par les teneurs de marché.
Les marchés sont, par voie de conséquences, plus volatiles et donc plus risqués qu’ils ne l’étaient par le passé.
Vous vous attendez donc à un régime de volatilité plus élevé ?
Oui. Et les marchés qui résisteront le mieux seront ceux qui se seront le mieux préparés à un environnement de forte volatilité.
Selon vous, la page de la décennie glorieuse de l’investissement sur les actifs émergents est définitivement tournée car le processus de convergence des pays émergents vers les pays développés s’est interrompu ?
Depuis une quinzaine d’années, l’idée a été alimentée d’un processus de convergence des pays émergents vers les pays développés. Cette idée a été remise en cause cette année.
Les années qui viennent seront probablement celles de la différentiation au sein du monde émergent
Une séparation devrait se matérialiser entre ceux qui resteront bloqués dans le groupe des middle income countries et ceux qui feront partie de manière structurelle et plus durable du groupe des pays développés ?
Beaucoup de pays émergents se situent dans la catégorie BBB. Nous pouvons penser que parmi les candidats à l’upgrade qui continueront ce processus de convergence vers un modèle économique plus proche des pays développés se trouvent le Mexique, les Philippines, la Thaïlande. Pour le moment, le Brésil et l’Inde sont davantage candidats au downgrade.
Pour les autres pays des BRIC, la grande question sera de voir si la Russie pourra créer un environnement en matière d’institutions, d’éducation, et d’infrastructures qui l’amène vers le modèle de pays développés.
La Chine devrait rester dans le groupe des middle income countries encore 8 à 10 ans et se diriger progressivement vers un modèle de pays développés. C’est l’objet des réformes récemment annoncées.
Pour l’ensemble des pays émergents, la qualité institutionnelle sera la variable clé de la ligne de démarcation.
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Propos recueillis par Imen Hazgui