Interview de Alexandre  Baradez  : Responsable Analyses Marchés chez IG

Alexandre Baradez

Responsable Analyses Marchés chez IG

Actions 2014 : nous anticipons un Cac 40 à 4600 points, un Dax à 10300 points et un Nikkei à 18300 points

Publié le 14 Janvier 2014

Quelle allocation géographique conseilleriez-vous à un investisseur actions ?
Je conseillerais d’avoir davantage d’actions françaises, allemandes, italiennes, que d’actions américaines. L'Eurostoxx 50 est un indice parfait à mettre en portefeuille pour les mois à venir.

Nous pensons que nous aurons un découplage cette année entre la performance des actions américaines et celle des actions européennes.

Qu’est-ce qui vous conduit à faire cette hypothèse ?

Nous sommes, sur les marchés actions américains sur des bases extrêmement élevées, par rapport aux points bas de 2009. Le Nasdaq a bondi de plus de 200%, et le S&P de plus de 150%. L’année dernière, la hausse des cours s’est presque verticalisée. Nous n’avons quasiment pas eu de pause.

Il semble inévitable qu’en 2014 nous ayons une grande correction. L’ensemble des grands indices américains devraient rendre une partie des gains enregistrés en 2012 et 2013. En cela des corrections de 15% à 20% ne sont pas à exclure.
Cependant la tendance baissière ne devrait pas perdurer tout au long de l’année, a priori seulement le premier semestre. Ainsi, nous ne nous retrouverons pas dans une phase durable de contre-performance comme en 2000 et 2007 grâce à la robustesse des fondamentaux économiques aux Etats-Unis-avec une progression du PIB attendue à 3% cette année.

Parce que le phénomène de rattrapage ne s’est pas entièrement réalisé sur les actions européennes, la correction devrait être moindre de ce côté-ci de l’Atlantique. La reprise devrait continuer à être soutenue par la poursuite des réformes structurelles, la convergence des économies et la politique monétaire accommodante de la BCE.

Nous aurons ainsi une année en deux parties sur les marchés actions ?
Absolument.

Avez-vous des potentiels de hausse à l’esprit ?

Le Cac pourrait retourner dans la zone des 4000 points au premier trimestre, ainsi replier de 8% à 10%, avant de reprendre de l’élan.
Les actions françaises ne sont pas très chères et sont de nature à intéresser les investisseurs qui ont une liquidité importante à placer. Après le recul, et une petite période d’atonie, l’indice phare de la place parisienne devrait revenir sur les niveaux de septembre 2008 avant l’effondrement de Lehman Brothers, entre 4560 points et 4600 points.

Il y aurait une dichotomie sous-jacente entre les actions françaises tournées vers l’international et les actions françaises axées sur le marché intérieur ?

Tout à fait. Nous prenons en compte dans le Cac 40, l’envergure internationale des sociétés.

Mettriez-vous tous les indices européens dans le même panier ?
Pas du tout. Doivent être distingués le Cac 40, et le Dax, l’indice phare de la bourse allemande.
En raison d’une croissance prévue de près de 2% au sein de la première puissance européenne, de comptes budgétaires quasiment à l’équilibre et d’un chômage très faible, le Dax pourrait fléchir à 8500 points ou 9000 points puis remonter vers les 10 200 points-10300 points.

Qu’envisagez-vous pour les pays de la périphérie ?

L'indice italien se situe largement en dessous des pics atteints en 2000 ou en 2007. La structure du graphique de la courbe de l’indice MIB est très différente de celle des autres indices européens. Grâce aux réformes entreprises par le gouvernement italien, à la reprise de l’activité industrielle, au recul des taux souverain, au rempart de la BCE par le biais de l'OMT et de l'union bancaire, nous pourrions nous retrouver avec un indice à 21000 points contre 19700 points aujourd’hui.
Du fait des zones d'ombre qui planent sur la macroéconomie italienne, avec une des plus importantes dettes de l'union européenne, représentant plus de 130% du PIB, le rattrapage sera essentiellement technique mais limité.

Qu'en est-il de l'Espagne?
Je suis moins optimiste pour la bourse espagnole qui a déjà beaucoup corrigé à la hausse. On a quasiment retrouvé les plus hauts de 2011. De plus le chômage est très élevé dans le pays et bride la consommation domestique.

Quelle est votre vision sur le Japon ?
Je suis réellement très positif sur le Japon. Les actions japonaises sont entrées dans une phase de correction. Après avoir heurté les 16 400 points, le Nikkei se replie quelque peu. Le fléchissement peut encore durer jusqu'à la fin du premier trimestre en raisons de prises de profits. L'indice pourrait alors aller jusqu’ a 15000 points.
Toutefois sous l'impulsion de la politique monétaire très accommodante, et des reformes structurelles, le Nikkei pourrait revenir aux niveaux de 2007 à 18300 points d’ici 12 à 18 mois. Je ne vois pas comment d'un point de vue économique et psychologiques, les investisseurs pourraient être vendeurs d'actions japonaises avec autant de mesures de relance adoptées.

Il y a cependant des préoccupations autour de la vigueur de la consommation domestique en raison de la hausse à venir de la TVA et de l'appréciation des prix des produits importés comme l'énergie du fait de la dépréciation du yen?

La hausse des prix importés est une bonne chose s'agissant de l'objectif d'inflation poursuivi par la BOJ. Cependant il y a effectivement un risque que cette inflation importée génère des tensions sur le pouvoir d'achat. Si les salaires n'augmentent pas, la demande intérieure pourrait être affectée et cela pourrait avoir des impacts négatifs sur l'économie japonaise. Il y a fort à penser que le gouvernement qui s'est montré très persuasif prendra des mesures pour inciter les entreprises à rehausser les rémunérations des employés.


De quels marchés faudrait-il vraiment rester à l’écart?
Les marchés émergents ont, pour beaucoup, construit leur modèle de croissance sur les exportations, de matières premières notamment. Or depuis plus de deux ans les prix des matières premières sont en baisse. Il y a une difficulté à réorienter le modèle vers la demande intérieure. Par conséquent parce que je ne vois pas de signaux de reprise clairs dans l'immédiat, il ne me semble pas sensé de revenir pour l’instant sur les émergents. La consolidation a vocation à se poursuivre.

En revanche si l'on commence à voir les prix des matières premières remonter rapidement, par exemple le blé, l’or, le pétrole, le gaz, alors il faudra penser à retourner sur les émergents.

Selon vous aucun pays émergent ne devrait tirer son épingle du jeu ?
Je serai peut être un peu moins méfiant sur la Chine. L'indice Hang Seng, des actions chinoises cotées à Hong Kong, est à surveiller de prés. L'achat serait recommandé si l’indice franchit le niveau de 24 100 points. Pour le moment, la courbe de l’indice montre la frilosité des investisseurs à pousser les cours à la hausse.

Quelle sont vos convictions sur le plan sectoriel ?
Je pense que le secteur bancaire européen bénéficiera cette année d’un environnement propice avec la mise en place de l’union bancaire et le soutien de la BCE aussi bien sur le front de la politique monétaire que sur celui de la régulation. Les grandes banques françaises, allemandes ou italiennes devraient tirer avantage de la convergence et de la transparence qui devraient découler.

Certains observateurs mettent en cause la baisse de rentabilité des banques et la problématique de la déflation qui devrait d’autant plus affecter cette rentabilité ?
Toutes les banques depuis 2009 ont entamé un processus massif de restructuration des bilans pour atténuer les risques. L’assainissement est suffisamment bon pour permettre aux grands groupes d’avoir des ressources supplémentaires pour renforcer la voilure et reprendre du risque, en vue d’améliorer leur rentabilité.
Au-delà, la BCE sera très vigilante vis-à-vis de l’inflation qui accroit le poids de la dette pour les Etats membres. Le niveau de 0,7-0,8% est un seuil critique au dessous duquel l’institution monétaire n’hésitera vraisemblablement pas à intervenir.

Quels autres secteurs ont votre préférence ?
Les autres secteurs seront davantage à jouer par le biais d’indices.

Que faut-il éviter ?
L’industrie dans la zone euro et la grande distribution, la demande intérieure devrait demeurer modérée quelques temps encore. Une exception devra probablement être faite pour l’Allemagne en raison du stimulus que souhaite donner le gouvernement à la consommation des ménages.

Quels vous semblent les principaux risques à surveiller ?
Les deux risques majeurs aux Etats-Unis sont d’une part une remontée rapide des taux qui pénaliserait le redémarrage du marché immobilier et d’autre part la stagnation des revenus des ménages. Ces deux évènements remettraient en cause la reprise de l’économie américaine.

En Europe, les principales menaces sont liées au fort niveau d’endettement, spécialement en Italie, et le chômage élevé qui peut peser sur la consommation et sur la stabilité politique. En 2011 et 2012 les chutes importantes des marchés coïncidaient avec un contexte de tensions politiques qui empêchait l’implémentation des réformes.

Propos recueillis par Imen Hazgui