Interview de Edouard Petitdidier : Associé fondateur du cabinet Allure Finance

Edouard Petitdidier

Associé fondateur du cabinet Allure Finance

Fiscalité des actions : le gouvernement risque d'engendrer des comportements irrationnels sur le marché

Publié le 28 Janvier 2014

La loi de finances pour 2014 tient-elle compte du « ras-le-bol fiscal » dénoncé par François Hollande ?
Globalement, il y a un alourdissement de la fiscalité des particuliers, au travers notamment du plafonnement du quotient familial et de l’augmentation de la TVA. Mais on a échappé au pire, grâce à la vigilance du Conseil constitutionnel qui a censuré plusieurs articles du projet de loi de finances. Par ailleurs, le gouvernement a retenu la leçon des « Pigeons » en adaptant la fiscalité des chefs d’entreprises et actionnaires. Avec un taux de prélèvement (impôt + prélèvements sociaux) de 22,5% en moyenne lors d’une cession de PME, le nouveau régime appliqué aux chefs d’entreprises est plus favorable à ce qui existait même sous le précédent gouvernement. C’est une bonne nouvelle, car cela devrait redonner à nos concitoyens le goût d’entreprendre et à d’autres d’investir dans de jeunes entreprises.

Pourtant le gouvernement a renforcé l’ « exit tax » qui frappe les chefs d’entreprises lorsqu’ils déménagent à l’étranger…
Cela ne sert pas à grand chose. On ne peut pas empêcher les gens de partir. Du reste cette taxe ne concerne pas un nombre important de chefs d’entreprises. Lorsque vous avez 50 ou 100 salariés en France il ne vous vient pas à l’idée de partir, sauf cas exceptionnels. En revanche la lutte contre les places offshore est une très bonne chose. Faire reculer ces places offshores va permettre de rapatrier l’argent dans les pays où résident les contribuables concernés. L’initiative dans ce domaine revient aux Etats-Unis qui ont fait plier la Suisse au travers des accords Fatca. Les pays de l’Union européenne, dont la France, ont tout intérêt à copier ces accords. Quant aux contribuables qui ont de l’argent non déclaré à l’étranger, ils ont intérêt à régulariser leur situation maintenant.

L’allègement de la fiscalité sur les plus-values mobilières va-t-il encourager l’épargne en actions ?
L’allègement de la fiscalité des actions est une bonne chose. Mais en choisissant un système d’abattements en fonction de la durée de détention, le gouvernement risque d’engendrer des comportements irrationnels sur le marché. Un contribuable va hésiter avant de vendre un titre s’il ne détient pas depuis assez longtemps et s’exposera ainsi à un risque de moins-value. Il vaut mieux vendre et être imposé sur la plus-value ! La même chose est vraie, d’ailleurs, concernant les plus-values immobilières.
D’autre part la gestion des comptes titres va être encore plus complexe. Chaque banque va devoir dire quand un titre a été acheté et revendu. Quid si le titre a été acheté en trois fois ? Quelle date retient-on ? Rien de cela n’a été précisé pour l’instant. Heureusement François Hollande a promis de ne plus toucher à la fiscalité des valeurs mobilières jusqu’en 2017. Elle ne fera pas partie de la remise à plat de la fiscalité prévue l’année prochaine et c’est une bonne chose !

D’un point de vue fiscal, faut-il privilégier des placements moins risqués comme les obligations ou l’immobilier ?
La fiscalité sur les obligations et les Sicav obligataires reste très pénalisante, car il n’y a pas d’abattement pour durée de détention. Pour y échapper, il faut éviter de détenir un compte titre et privilégier les enveloppes défiscalisées que sont l’assurance-vie et les contrats de capitalisation. Quant à l’immobilier, sa rentabilité nette est aujourd’hui très faible. Par ailleurs, il y a un risque de baisse des prix. Nous conseillons donc plutôt à nos clients d’attendre avant d’investir. Vu la baisse des ventes et des mises en chantier l’année dernière, il n’est pas exclu que le gouvernement prenne de nouvelles mesures pour soutenir le secteur, au travers d’un nouveau dispositif d’investissement locatif ou d’une modification du régime d’imposition des plus-values immobilières.

Propos recueillis par François Schott