Interview de Xinghang  Li : Gérant actions marchés asiatiques chez OFI Asset Management

Xinghang Li

Gérant actions marchés asiatiques chez OFI Asset Management

Marchés émergents : les actions chinoises pourraient bondir de 30% d'ici la fin de l'année

Publié le 30 Janvier 2014

Quel regard portez-vous sur la valorisation des actions chinoises ?
Les valorisations sont très basses. Le PE se situe à 8,5 fois les bénéfices futurs à 12 mois, ce qui correspond à un niveau extrêmement bas. Même au pire au moment de la crise financière, en 2008, le PE était de 10.

Certains voient les bénéfices progresser de 10% à 12% cette année ?
Cela me parait plausible. La croissance du PIB devrait se situer entre 6% et 7%, ce qui devrait peu ou prou avoisiner la croissance nominale du chiffre d’affaires des entreprises. En ajoutant l’inflation qui est de près de 3%, la croissance réelle du chiffre d’affaires pourrait monter à 9%-10% et la croissance des profits pourrait atteindre raisonnablement entre 10%-12%.

Hormis les valorisations et les bénéfices, plusieurs autres éléments spécifiques pourraient contribuer au rebond des actions chinoises cette année : la transparence sur le secteur bancaire, des réformes pour accroitre le pouvoir d’achat des ruraux, l’ouverture aux investisseurs étrangers, l’assainissement des entreprises publiques ?
Je pense que l’impact de l’ouverture du marché intérieur aux investisseurs étrangers est positif mais pas suffisamment important. Les opérateurs étrangers détenteurs d’une licence d’investissement, les QFII, représentent de l’ordre de 1,5% du marché. D’ici deux à trois ans, cette proportion pourrait tout au plus monter à 3%. Cela ne sera pas de nature à changer la physionomie des comportements du marché. En d’autres terme, le poids des investisseurs étrangers ne sera pas, même à moyen terme, de taille à influer l’évolution du marché vers le haut.

En revanche, un plus important catalyseur pour le marché réside dans les réformes prises s’agissant des entreprises d’Etat qui réprésentent 60% de l’économie et des marchés financiers. Ces entreprises ne sont pas très efficientes. Alors qu’elles devraient afficher dans certains secteurs une croissance à deux chiffres, en raison d’un manque de motivation ou d’une mauvaise gestion, elles ne délivrent pas de dynamique de plus de 5%.
Les nouvelles réformes prévoient d’attribuer aux dirigeants des stocks options, ce qui devrait encourager à une forte amélioration des profits. Actuellement pour un dirigeant d’entreprise d’Etat, les primes additionnelles ne peuvent pas dépasser 30% du salaire brut annuel.
Le potentiel d’amélioration est immense. Une société comme Shanghai Jahwa, spécialisée dans les produits cosmétiques connaissait une croissance de son chiffre d’affaires et de son profit entre 5% et 10%. Une fois que des stocks options ont été donnés au management, la croissance des profits s’est élevée entre 30% et 45% depuis 2009.
Un rerating est donc envisageable sur de très nombreuses entités aujourd’hui mal valorisées.

Quelle mesure vous semble plus positive : la possibilité pour les investisseurs privés d’entrer dans le capital des entreprises publiques ou l’attribution des stocks options aux dirigeants ?
L’attribution des stocks options. C’est ce qui va donner l’envie aux dirigeants d’améliorer la structure bénéficiaire des entreprises.

Est-ce que l’intégration des actions A dans le MSCI World pourrait constituer un élément de soutien ?
A moyen terme, c’est possible. L’intégration des actions A dans le MSCI World ne se fera pas avant trois ans, et à condition que la devise chinoise devienne entièrement librement échangeable.

Parmi les éléments de risque souvent évoquées, figure le ralentissement de la croissance chinoise en raison du changement de modèle de développement de la Chine davantage tourné vers la consommation intérieure plutôt que vers l’exportation ?
L’opinion commune est que le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise est une mauvaise chose. Je pense bien au contraire que c’est une très bonne chose. D’ici 10 ans la Chine ne peut pas se permettre d’avoir encore une croissance de son PIB à 7%-8%. Il lui faut avoir une croissance moins vigoureuse mais de meilleure qualité.
Je suis d’avis que si les autorités chinoises en viennent à réviser leur objectif de croissance pour 2015 et 2016 à 5%, cela sera un facteur favorable au rebond des actions. Il y a lieu de garder à l’esprit qu’en 2013, les actions européennes ont enregistré 20% de performance alors que la croissance était quasi nulle. Une distinction est à faire entre l’augmentation d’un produit intérieur brut d’un pays ou d’une région et celle des actions des sociétés implantées dans ce même pays ou cette même région.

Une autre menace avancée est liée à la forte dette des collectivités locales ?
La dette locale est significative mais pour autant elle ne met pas les provinces chinoises dos au mur. Ces dernières ne se retrouvent pas dans une situation où elles ne parviennent pas à rembourser le principal de la dette ou les intérêts. Ensuite, des solutions existent le cas échéant en particulier du fait de garantie implicite entre le gouvernement central et les gouvernements locaux. Or, l’administration centrale a énormément d’actifs en Chine et de réserves de changes. Avec les réformes des entreprises d’Etat, Pékin pourra même vendre des parts dans des entreprises comme China Mobile, les banques chinoises, à des opérateurs privés. Ainsi des recettes supplémentaires vont pouvoir entrer dans les caisses pour se déleverager
Le pays a largement les moyens de s’en sortir.

Que pensez-vous de l’excessif développement du shadow banking ?
Les autorités affichent la volonté de répondre à cette préoccupation par le resserrement du robinet du crédit provenant de ce circuit parallèle. L’investissement dans les infrastructures ou dans l’immobilier pourrait être impacté par la baisse de la distribution des prêts. Cela ne sera pas pour autant dommageable dans la mesure où les autorités centrales veulent davantage mettre l’accent sur la consommation domestique, la santé, le social.

Sera-t-il possible de limiter ce shadow banking ?

Il y a lieu d’analyser le shadow banking comme un phénomène voulu par les autorités pour contribuer pleinement à l’essor du pays. Le financement des entreprises en Chine est assuré à 90% par le financement bancaire très contrôlé par l’Etat. En outre, les marges bancaires sont fixées par l’Etat. Les banques rémunèrent les dépôts à hauteur d’environs 3% et prêtent à environs 6% quelque soit l’entreprise.
Le gouvernement a donc voulu la création d’un circuit de financement spécifique pour les entités au profil plus risqué, avec la possibilité de consentir des prêts aux taux plus élevés pouvant aller à 15%. Le shadow banking est en cela une prémisse du processus de libéralisation du secteur bancaire chinois.
Ceci étant pour l’instant, les autorités ne veulent pas arrêter l’évolution du shadow banking, mais plutôt l’encadrer de manière à ce que les risques sous-jacents demeurent sous contrôle.

L’Etat pourrait aisément mettre un terme à ce shadow banking ?

Au demeurant, si l’on finit par avoir une libéralisation des taux d’intérêt, les activités shadow banking seront très limitées. Les banques traditionnelles seront en mesure de prêter à une entreprise risquée à un taux de 10% au lieu de 6%. Les entreprises risquées n’auront pas d’intérêt à passer par des intermédiaires non bancaires dès lors que les banques voudront répondre à leurs besoins.

Des freins existent à la hausse des actions : les tensions salariales, les secteurs en surcapacité, la politique monétaire sévère ?
Ces trois contraintes existent effectivement mais sont à relativiser.
On peut penser que la surcapacité liée à un surinvestissement dans des domaines comme le charbon, les métaux, le ciment, est derrière nous. La Chine rééquilibre présentement son économie vers d’autres secteurs d’avenir.
L’inflation des salaires est importante. Nous partons cependant d’une base salariale très faible. Le coût de main d’œuvre d’un iPhone représente 5% du coût total. 10% de hausse des salaires, ce cout passe de 5% à 5,5%, ce qui est relativement limité.
La politique monétaire est sévère mais ne devrait pas être resserrée. La donne est intégrée par le marché. Le plus dur est pricé. La Banque centrale ne pourrait aller dans le futur que dans le sens d’un assouplissement. Je ne la vois pas relever ses taux.

Quel potentiel de hausse voyez-vous pour les actions chinoises ? En quoi consiste votre allocation sectorielle ?

Les actions chinoises pourraient bondir de 20% à 30% d’ici la fin de l’année. Certains brokers chinois vont jusqu’à 50%.
Nous sommes positionnés sur les secteurs de la consommation (biens durables et discrétionnaires), la pharmacie, la haute technologie (LED), l’agriculture.
Nous évitons les cycliques classiques (métaux, ciment, charbon, construction).

Propos recueillis par Imen Hazgui