Interview de Michel Albouy : Professeur senior de finance à Grenoble Ecole de Management

Michel Albouy

Professeur senior de finance à Grenoble Ecole de Management

On ne sait pas ce que seront Facebook ou Twitter dans cinq ans

Publié le 07 Mars 2014

Que vous inspire la hausse des valeurs technologiques de ces dernières années ?
Les valeurs internet sont surévaluées. Je n’investirais pas dans ce secteur aujourd’hui. Les valorisations reposent sur des anticipations de résultats très optimistes, le risque que ces sociétés déçoivent ces attentes est important. Chaque publication trimestrielle peut entraîner de fortes variations de cours. J’ajoute que ces sociétés peuvent disparaître rapidement. Elles sont pour la plupart des « pure players ». On ne sait pas ce que seront Facebook ou Twitter dans cinq ans. On ne peut pas prédire le comportement des consommateurs de ces nouvelles entreprises car elles ne répondent pas à des besoins «vitaux» comme l’agroalimentaire ou la construction. Des stars comme Nokia sont tombées très vite. Même Apple est en difficulté aujourd’hui. Tous sont à la merci d’innovations technologiques qui les déclasseraient.

Va-t-on vers une nouvelle bulle internet ?
Nous ne sommes pas dans la même configuration qu’en 2000. Certes les anticipations sont très optimistes mais le marché sait se montrer plus sélectif. Il a appris à connaître les entreprises internet, ce ne sont plus totalement des OVNIs comme il y a quatorze ans. J’ajoute que si Facebook ou Twitter perdaient 50% de leur valeur, cela ne changerait pas la face les marchés financiers. Les autres secteurs continueraient à croître selon leurs fondamentaux. Le risque de contagion est limité.

Là où la situation actuelle ressemble à 2000, c’est par le contexte macroéconomique. L’économie américaine repart, la crise des subprimes et la crise des dettes européenne sont derrière nous, le commerce redémarre et avec lui le e-commerce…Ce contexte favorise les anticipations optimistes et une forme d’aveuglement vis-à-vis des valeurs technologiques.

Que voulez-vous dire ?

Les valeurs technologiques captent l’attention car ce sont des marques très puissantes. N’importe quel investisseur dans le monde a entendu parler de Twitter. Lorsqu’elles s’introduisent en bourse, l’argent afflue du monde entier. Mais si Twitter pèse aujourd’hui plus que Renault en bourse, je tiens à rappeler qu’il emploie 55 fois moins de salariés (2300 employés contre 127 000 pour Renault) pour un chiffre d’affaires 24 fois inférieur. Or, on ne sait toujours pas très bien comment Twitter va gagner de l’argent dans les prochaines années.

Propos recueillis par F.S.