Interview de Benedikt Timmerman : Président du directoire de Genticel

Benedikt Timmerman

Président du directoire de Genticel

Un vaccin thérapeutique contre le virus sexuellement transmissible le plus fréquent au monde

Publié le 28 Mars 2014

Genticel compte lever entre 30 et 39,7 millions d’euros à l’occasion de son entrée en bourse sur Euronext Paris. A quoi va servir cette somme ?
Nous sommes une société biopharmaceutique spécialisée dans le développement de vaccins thérapeutiques contre le virus du papillome humain (HPV), agent responsable du cancer du col de l’utérus. Notre premier candidat vaccin, ProCervix, est actuellement en essais cliniques de Phase II dans 7 pays européens, et les premiers résultats sont attendus en 2016. L’objectif de l’introduction en bourse est de soutenir la stratégie de développement de Genticel, financer les essais de Phase II et démarrer une étude de Phase I aux Etats-Unis, afin que ce premier candidat vaccin thérapeutique puisse être amené au dernier stade de développement (Phase III) en 2017. Nous avons un deuxième candidat-vaccin thérapeutique en phase préclinique, qui cible 6 souches du HPV, dont nous poursuivrons le développement.

Qu’est-ce le HPV et pourquoi avez-vous ciblé ce virus ?
Le HPV est le virus sexuellement transmissible le plus fréquent au monde. D’après les récentes estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, près de 300 millions de femmes sont porteuses du HPV à travers le monde. Près de 500 000 d’entre elles sont diagnostiquées avec un cancer du col de l’utérus. L’enjeu est de dépister l’infection le plus tôt possible afin d’éviter une possible évolution en cancer. Aujourd’hui, il n’y a pas de traitement disponible pour les femmes qui sont identifiées comme porteuses des formes les plus agressives du HPV. Ces femmes font l’objet d’un suivi très régulier (un examen tous les 6 mois) pour voir si elles éliminent naturellement le virus (environ la moitié des cas) ou si celui-ci évolue vers des « lésions de haut grade » précancéreuses, auquel cas elles devront subir une chirurgie du col de l’utérus. Notre vaccin thérapeutique s’adresse à ces patientes déjà infectées mais qui n’ont pas encore développé de lésions de haut grade ou cancéreuses. Il induit des cellules immunitaires tueuses qui éliminent, à un stade précoce, les cellules infectées par les virus les plus dangereux HPV 16 et/ou 18, responsables de 70% des cancers du col de l’utérus. ProCervix est à la fois un vaccin « first-in-class », autrement dit le premier produit dans une classe thérapeutique et qui répond à un besoin médical non satisfait, avec un potentiel d’1 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Comment comptez-vous atteindre ce potentiel de « blockbuster » ?
Nous prévoyons de confier la fin du développement clinique ainsi que la commercialisation de ProCervix à un partenaire de l’industrie pharmaceutique. Jusqu’à présent nous avons souhaité préserver l’entière propriété industrielle et la totale maîtrise de notre plan de développement. Néanmoins depuis deux ans, nous avons entamé des discussions avec une trentaine de grands laboratoires pharmaceutiques en vue d’un accord de licence, une fois ProCervix en Phase II. Il faudra probablement attendre les premiers résultats de l’étude de Phase II, en 2016, pour que ces discussions débouchent sur un partenariat, que nous espérons de premier plan. Nous n’excluons pas de conclure un accord avant cette date si une offre intéressante se présentait.

Le dépistage du cancer du col de l’utérus ne doit-il pas être amélioré?
Le dépistage est très important. Il est effectué de manière routinière en France par le frottis, sur lequel un dépistage de cellules anormales est effectué (cytologie). Cependant, cet examen n’est pas fiable à 100% : jusqu’à 30% des lésions ne sont pas diagnostiquées. C’est pourquoi certains pays ont mis en place un double dépistage sur le frottis : à la fois par un examen cytologique et par un test HPV, beaucoup plus sensible et permettant un dépistage plus précoce. C’est le cas aux Etats-Unis mais aussi aux Pays-Bas, en Finlande et dans certaines régions en Italie. (ndlr : en France, le test HPV n’est prescrit qu’en cas de frottis ‘anormal’).C’est la large diffusion de ces tests HPV qui permet aujourd’hui et pour demain d’identifier la population de femmes qui va pouvoir bénéficier de traitements que nous développons.



Propos recueillis par François Schott