Interview de Gérard Andreck : Président du groupe Macif

Gérard Andreck

Président du groupe Macif

Le capital humain et les valeurs mutualistes

Publié le 29 Avril 2014

Quelle est votre définition du capital humain ? Pour vous, y-a-t-il plusieurs niveaux de capital humain dans l’entreprise?
Le fondement de notre gouvernance est le capital humain, pilier fondateur du projet mutualiste. La Macif n’a pas de capital financier, la mutuelle appartient à tous. Nous considérons le capital humain comme patrimoine de l’ensemble des parties prenantes de la Macif. Chaque fois que nous révisons notre projet mutualiste ou nos textes fondamentaux, tous les 3 ou 4 ans, la réflexion sur le capital humain tient une place essentielle.
Le capital humain de la Macif relève de différentes parties prenantes : la technostructure et l’encadrement supérieur, les délégués de sociétaires, les salariés et les sociétaires. La Macif s’appuie donc sur deux centres de capital humain : le capital humain interne de l’entreprise et le capital humain composé des sociétaires et adhérents.
Les sociétaires étant à la fois consommateurs et propriétaires de l’entreprise, notre gouvernance avance avec des commissions commune set ce n’est pas toujours simple de concilier tous les intérêts. Nous partageons un projet d’entreprise au sens éthique et humaniste avec nos adhérents, sortant de notre cadre d’assureur strictu sensu pour apporter aux sociétaires une valeur spécifique, tenant compte des aspects sociaux et sociétaux, y compris dans l’offre assurancielle.

Pour la MACIF, compte tenu de ses valeurs mutualistes, le capital humain est-il un levier majeur d’efficience pour remplir ses missions et de compétitivité pour se différencier sur ses métiers?
En tant que préoccupation récente, il y a beaucoup d’effervescence et pas encore de doctrine vraiment établie sur le capital humain. Considérant que la mutuelle appartient à ses sociétaires, l’indicateur fondamental serait leur évaluation de l’offre Macif : qualité du service, efficience du traitement des opérations, pertinence des produits, prise en compte des aspirations futures, etc.

Pour aller plus loin, depuis l’année dernière, nous engageons des actions pour renforcer la proximité avec nos sociétaires. Nous organisons, par exemple, des réunions avec les délégués des sociétaires pour mieux comprendre les enjeux réels de nos adhérents. Nous souhaitons en continu réinterroger notre projet sous l’angle humain en approchant au plus près les besoins émergents et les évolutions sociétales pour mieux cibler notre offre technique assurancielle à venir.

Nous intégrons notamment dans cette démarche les enjeux liés au vieillissement et à la dépendance, à l’évolution des usages de mobilité et à la solidarité intergénérationnelle. Nous avons ainsi enrichi les contrats d’assurance dépendance en faveur des aidants aux personnes en situation de handicap (avec conseil aux aidants, solutions pour les remplacer temporairement…). Face au problème du chômage, nous avons innové avec une offre permettant, sous réserve de certains critères comme l’ancienneté, la prise en charge de la cotisation de l’adhérant chômeur.

Toute cette dynamique s’enracine dans notre volonté d’écoute du terrain en investissant sur notre capital humain adhérent.

Quelle bonnes pratiques avez-vous mises en place en matière de gouvernance du capital humain que vous paraissent contribuer au modèle privilégié par la MACIF combinant performance économique durable et utilité sociale? Comment ces pratiques permettent-elles de faire vivre les 6 valeurs du groupe (engagement, confiance, créativité, performance, responsabilité, solidarité) ?
Le dialogue social tient une importance capitale à la Macif. Nous cultivons des relations étroites et constructives avec les organisations syndicales et des partenaires légitimes dans le champ social, sociétal et humaniste, comme la Ligue des Droits de l’Homme et les associations de consommateurs.

Nous intégrons également des indicateurs « sociaux » dans la revue de performance du Groupe, comme : le taux de motivation des collaborateurs, la performance énergétique, la contribution sociale sur les territoires, etc.

Nous développons la participation de nos sociétaires en les intégrant davantage dans notre gouvernance. La Macif représente environ 5 millions de sociétaires répartis dans des structures régionales de gouvernance. Nous innovons en utilisant le levier de ce réseau pour nous mettre à l’écoute des besoins et enjeux régionaux, avec la participation de quelques 2,000 délégués de sociétaires du Groupe à la mise en œuvre de notre projet politique. Nous traduisons ainsi concrètement notre ambition de construire une plateforme collective intégrant l’expression des intérêts individuels aux différents niveaux de gouvernance.

Les clients de la MACIF sont également des sociétaires. Comment la MACIF valorise-t-elle ce capital humain sociétal, « actionnarial » ? Cette gouvernance démocratique ouvre-t-elle sur un processus de co innovation (pour l’offre de services par exemple) entre les Caisses et leurs clients ?
A cet égard, soulignons l’apport à forte valeur d’utilité des travaux des Commissions en région, notamment sur le sujet de la solidarité, en lien avec chaque Fonds de Solidarité régional, uniquement géré par les représentants de sociétaires.

Par ailleurs, la Macif est engagée dans des actions de contribution à l’intérêt général, comme les projets de la Fondation Macif, le programme de prévention et les Prestations solidarité.

Ces projets illustrent la contribution active et concrète des élus des sociétaires à la définition et à la mise en œuvre de notre projet politique, ainsi qu’à sa traduction opérationnelle dans l’offre de produits et services.

Finalement, tous les piliers de notre capital humain apportent une contribution fondamentale à chaque étape des processus décisionnels, où ils sont à la fois acteurs et utilisateurs. Cette implication vécue à tous les niveaux de l’entreprise garantit continuité et réalité de nos engagements.

La responsabilité sociale et environnementale occupe une place importante dans la feuille de route de la MACIF. Quelles actions traduisent une mise en valeur du capital humain relatif aux parties prenantes du Groupe ? Comment s’incarne dans le groupe une croissance inclusive des parties prenantes ?
La démarche RSE du Groupe présente deux spécificités : elle est le fruit d’une co-construction permanente entre les parties prenantes de l’entreprise et vise à créer de la valeur ajoutée sociale dans nos offres et l’exercice de nos métiers.

A titre d’illustration, notre démarche relative à l’accessibilité des personnes en situation de handicap est construite de bout en bout avec nos partenaires, qu’il s’agisse de l’assurance pour les aides techniques, de l’accessibilité des sites ou de la gestion des sinistres. Nous avons développé un projet pour les sourds et malentendants, avec la création de délégués représentant leurs intérêts et un programme d’apprentissage volontaire de la langue des signes par les salariés, qui s’y sont d’ailleurs largement investis.

Comment mesurez-vous dans votre groupe l’investissement dans le capital humain et le ROI associé ? Quels sont les indicateurs-clés financiers et/ou extra financiers qui vous paraissent pertinents? Comment communiquez-vous auprès de vos clients/sociétaires sur ces sujets pour enrichir la valeur confiance?
Cette question relève d’un vaste chantier faisant référence aux dynamiques sur les indicateurs de richesse. Nous nous appuyons d’abord sur les indicateurs d’efficacité sociale pour la revue de performance Groupe. Nous sommes également investis dans la recherche (Recherche Campus) sur la valeur sociale avec le sociologue Alain Caillé, en partenariat avec la Maif et la Mutuelle des Motards. Nous contribuons au développement d’indicateurs de développement durable de la profession avec l’AFA. Finalement, nous nous engageons au travers de la Certification Services, contrôlée par l’AFNOR, qui nous permet d’évaluer la satisfaction et la fidélité de nos clients sociétaires et la réalité de nos engagements humains par rapport aux bonnes pratiques.

De façon très concrète, ceux de nos indicateurs relatifs à la valeur ajoutée de notre capital humain qui nous paraissent particulièrement pertinents seraient:

- Notre taux de contribution sociale sur les territoires, qui rend compte de notre engagement concret au plus près des spécificités d’un territoire,
- La part de nos sites accessibles aux personnes en situation de handicap,
- La part de nos offres d’assurance ou de financement intégrant des critères sociaux ou environnementaux,
- La part de nos actifs financiers gérés au regard de critère ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance),
- La motivation de nos collaborateurs et leur adhésion au projet de l’entreprise.

Quelles propositions (de nature sociale, juridique, économique, financière…) ou quelles mesures attendriez-vous des pouvoirs publics pour un environnement favorable à ces bonnes pratiques permettant de valoriser le capital humain de votre réseau?
Des bonnes choses émergent de la Loi ESS, qui devrait pouvoir permettre de valoriser certains de nos actions et engagements importants à nos yeux dans notre modèle de développement:

- Notre contribution à la création de valeur, économique et sociale, sur nos territoires et en direction de nos sociétaires,
- Le réinvestissement de nos profits dans le fonctionnement, l’innovation, la réponse aux besoins de nos sociétaires,
- Notre investissement dans une conception la plus sincère possible – nous semble-t-il – de ce qu’est la responsabilité sociale de notre organisation, ce qui requiert des arbitrages que nous assumons pleinement.

Géologue de formation, Gérard Andreck entre à l’Administration Générale de la Macif en 1969. En 1982, il est élu administrateur et en 1987, lors de la régionalisation de la Mutuelle, il est nommé à la tête de la plus importante région Macif : l’Ile-de-France. En juin 1997, devient Directeur général de la Macif. Maître d’œuvre de la modernisation de la Macif, il fait évoluer la mutuelle d’assurance automobile pour en faire un groupe d’assurances et de services diversifiés, dans le respect de ses valeurs mutualistes et solidaires d’origine. Lors de l’assemblée générale du 18 juin 2006, il est élu Président du groupe Macif. Depuis le 1er juillet 2008, il est Président du Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurances (GEMA). En 2004, il avait été désigné par les mutuelles membres du Groupement pour diriger les travaux de rédaction du rapport intitulé « La démocratie, principe de gouvernement des mutuelles du GEMA », appelé aussi le Rapport Andreck II. Très impliqué dans l’économie sociale, il a assuré, entre 1991 et 1993, la présidence du Centre des Jeunes Dirigeants de l’Économie Sociale (CJDES) et, entre mai 2009 et décembre 2011, la présidence du Conseil des Entreprises, Employeurs et Groupements de l'économie sociale (CEGES). En novembre 2010, il intègre le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Il est promu au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur le 6 avril 2012.

Pour la Tribune Sciences Po de l’immatériel, dirigée par Marie-Ange Andrieux.

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